A la bonne URE!

Les particuliers sont déjà bien servis en termes de conseils énergétiques grâce aux différents bureaux d’expertises mais quid des entreprises luxembourgeoises qui cherchent aussi à diminuer leurs consommations. Bien entendu, si le but est le même, les raisons et les moyens diffèrent pour ces dernières. Explications d’Alexandre Bertrand, ingénieur au Centre de Ressources des Technologies pour l’Environnement qui œuvre au sein du CRP Henri Tudor pour accompagner les dirigeants, ingénieurs et techniciens dans une Utilisation Rationnelle de l’Energie (URE).

 

Pouvez-vous nous expliquer plus concrètement quelle idée se cache derrière l’Utilisation Rationnelle de l’Energie, dite URE, et quel est votre rôle auprès des entreprises qui se lancent dans cette démarche?

Le but de l’URE est d’améliorer la performance de processus industriels, afin de réduire la consommation énergétique. Nous agissons par exemple sur un système de chauffage ou d’air comprimé, un groupe de production de froid ou bien une chaîne de production.

Il faut savoir qu’aujourd’hui, la plupart des systèmes et technologies qui nous entourent sont, à la base, assez peu performants. Il y a donc un fort potentiel d’optimisation technique ou d’optimisation d’utilisation.
L’optimisation technique consiste à modifier ou moderniser un équipement, voire même à le remplacer complètement par un autre système.
L’optimisation d’utilisation consiste à apprendre à bien manipuler une technologie. En effet, tout comme l’on peut avoir une installation peu performante, mais un utilisateur très qualifié, l’on peut aussi avoir une installation à la pointe de la technologie mal utilisée.

L’URE agit donc sur ces deux fronts pour harmoniser utilisation et technologie.

Le conseil aux entreprises dans le domaine de l’énergie se développant, nous laissons maintenant de plus en plus la place aux bureaux de conseils spécialisé, pour nous concentrer sur des projets de recherche visant le développement de méthodes d’analyse énergétique.

Comment se passe la mise en place de cette démarche?

En entreprise, cette démarche s’articule en deux grandes étapes: comprendre comment l’énergie est consommée puis définir des mesures d’optimisation.

La première partie consiste à demander les factures déjà existantes pour effectuer une analyse globale de la consommation, à réaliser des campagnes de mesures, à visiter les sites pour voir comment les installations fonctionnent et discuter avec les techniciens qui ont parfois de bonnes idées à nous souffler. Il s’agit de la partie la plus difficile de notre travail car si les entreprises connaissent leurs consommations finales, elles sont rarement capables de dire combien consomme telle ou telle installation.

Il nous faut donc établir, dans ce premier temps, une liste de priorités qui nous permettra de savoir quel équipement nous devons optimiser, plutôt que d’y aller “au petit bonheur la chance“ en s’essayant sur un premier système qui ne représentera peut-être que 5% de la facture. Nous nous attaquerons tout de suite, par exemple, au gros groupe d’air comprimé, qui représente 20% de la facture totale.

 

On serait tenté de croire que cette simple récolte de mesures de consommation serait, au contraire, la partie facile du travail. Pourquoi est-ce si difficile?

Pour la simple et bonne raison que les mesures d’optimisation, ça se trouve!
Nous avons de la chance car, surtout dans le domaine de l’énergie, il y a déjà beaucoup d’études de cas ou de littérature disponibles, nous avons des contacts, des projets de recherches sur lesquels nous appuyer pour savoir où intervenir, quoi optimiser, quelle vis tourner et dans quel sens. C’est aussi ce pourquoi nous sommes formés à la base.

Par contre, pour pouvoir définir quelle installation consomme quoi, il faut faire des campagnes de mesures ou, par manque de temps, de budget ou de possibilités techniques, des calculs, de la modélisation ou de la simulation. Selon la méthode appliquée, le niveau d’erreur peut devenir très élevé et compliquer alors la définition de priorités.

 

Tout cela pour en arriver à la seconde et dernière étape…

Pour la définition des mesures d’optimisation, nous appliquons une approche systémique. En plus d’optimiser les composants un par un, nous essayons aussi d’optimiser le système de manière globale.

Les contraintes techniques et financières pour l’entreprise, comme une certaine limite sur le temps de retour sur investissement, doivent aussi être considérées lors de cette définition.

Bien sûr, après cela, il faut tout mettre en place, former aux différentes manipulations et assurer des vérifications régulières.

 

Cela mobilise combien de temps et de personnes?

Tout dépend de la taille et de la complexité de l’entreprise, ainsi que de l’envergure de l’analyse.
Dans le cas d’un prédiagnostic énergétique d’un site “simple“, nous pouvons compter deux personnes pour une semaine de travail.

Pour un chantier plus conséquent, comme ce fut le cas pour la chaîne de supermarché Cactus pour laquelle nous sommes intervenus sur la production de froid, nous avons eu besoin d’un an de récolte de données pour prendre en compte les différences saisonnières.

Il est aussi important de considérer que l’entreprise devra aussi investir du temps pour l’acquisition des données, les réunions, les visites sur sites, etc.

 

De quelle évolution pouvez-vous témoigner quant à l’investissement des entreprises?

Il y a dix ans, la démarche était très différente et nous devions expliquer aux entreprises les impacts de nos consommations sur l’environnement et l’effet de serre. Bref, nous devions les initier à l’écologie.

Aujourd’hui, c’est devenu un sujet largement répandu et la plupart des gens sont assez renseignés. Du coup, si l’aspect financier reste le premier moteur, PME comme industries lourdes sont également motivées par l’image positive non négligeable que cela leur confère. Ils n’hésitent pas à communiquer sur leur application de l’URE.

Bien sûr, il y a aussi une prise de conscience plus aigue et cela, nous le remarquons lorsque nous intervenons sur site. Nos conversations avec les employés ou les patrons sont plus concrètes, même s’il y aura toujours besoin des campagnes de sensibilisation.     FC

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