30 années au service de l’art de bâtir

L’histoire commence en 1991 lorsque quatre amis dont les chemins se sont croisés à l’école d’architecture se lancent dans l’aventure de la création de leur propre bureau. En trois décennies, les quatre fondateurs, entretemps rejoints par une centaine de collaborateurs, ont multiplié et diversifié leurs projets mais aussi consolidé leur structure pour pérenniser leurs activités. Le temps d’une interview, Marco Bidaine, Perry Arrensdorff et Edith Nothar se font les porte-paroles des trois générations d’associés qui composent désormais le comité directeur de Beng Architectes Associés. Ils reviennent sur les moments forts qui ont marqué l’histoire du bureau d’architecture eschois et nous révèlent comment ils entendent écrire le prochain chapitre.

 

Votre cabinet a célébré ses 30 ans d’existence en 2021, un anniversaire que vous ne fêtez que cette année en raison de la pandémie. Pourquoi est-ce important pour vous de marquer le coup, même avec deux ans de retard?

PA: Nous avons pour habitude d’organiser des festivités tous les cinq ans. Ce 30e anniversaire, nous le planifions depuis 2019, mais les circonstances nous ont empêchés de le célébrer en 2021, comme prévu, et même en 2022. Nous nous réjouissons d’être enfin en mesure de le fêter ce 31 mars. Cet événement est un moment de partage et de rencontre qui nous tient à cœur. Il nous permet de remercier les maîtres d’ouvrage, les artisans et les différents partenaires qui nous accompagnent sur nos projets. C’est aussi l’occasion de présenter nos deux nouvelles associées, Edith Nothar et Laura Alldis, et d’évoquer l’élargissement de la famille Beng avec la reprise du bureau Romain Schmiz à Luxembourg. En guise de cadeau d’anniversaire, nous dévoilerons et distribuerons également notre nouveau livre regroupant nos projets phares de ces dernières années.

 

Beng, c’est d’abord l’histoire de quatre amis architectes. 32 ans plus tard, le bureau compte neuf associés. Pouvez-vous retracer cette évolution et revenir sur les moments forts de l’histoire du bureau?

MB: Le premier moment fort est évidemment celui où, en mars 1991, quatre jeunes architectes qui se sont rencontrés sur les bancs de l’école d’architecture – à savoir Nico Engel, Yves Noury, Albert Goedert et moi-même – décident de s’associer pour créer Beng, un bureau qui tire son nom de leurs initiales. Une telle association était alors assez rare au Luxembourg et aurait pu nous paraître risquée car les précédentes n’ont souvent pas fonctionné. Cependant, nous avons vite compris que les forces de chacun ne pouvaient être que bénéfiques pour le métier que nous voulions exercer. L’autre moment important est celui où nous avons décidé que le bureau survivrait au départ à la retraite de ses fondateurs en proposant à des collaborateurs de reprendre leurs parts.

Bien sûr, l’histoire de Beng est ponctuée d’autres grands jalons. Dès 1991, notre quatuor a participé à des concours d’architecture et s’est rapidement fait connaître en en remportant quelques-uns. C’est ainsi que, petit à petit, la jeune structure a pris de l’ampleur et a commencé à se diversifier. En 2001, le bureau d’urbanisme Espace & Paysages, aujourd’hui Papaya, voit le jour. À l’époque, nous étions une trentaine de collaborateurs. Dix ans plus tard, leurs effectifs ayant presque doublé, les sociétés déménagent à Belval, dans leurs locaux actuels. C’est au même moment que les fondateurs ont commencé à former une nouvelle génération d’associés – Perry Arrensdorff, Pedro De Matos et Denis Rosolen – qui ont été officiellement nommés en 2015. Le bureau a alors adopté une nouvelle structure en créant le groupe Siwen qui détient toutes ses sociétés. Projet après projet, l’équipe a continué de grandir. Aujourd’hui, nous sommes ravis d’accueillir la troisième génération d’associés, avec Edith Nothar et Laura Alldis, qui nous ont rejoints début 2023.

Les trois générations d’associés partagent les valeurs qui animent le bureau depuis sa création

En parallèle, le bureau a évolué en reprenant d’autres structures. Lorsqu’Alain Leer est parti à la retraite il y a dix ans, nous avons repris son bureau et intégré son équipe à la nôtre. En juin 2022, nous avons acquis le bureau d’architecture Romain Schmiz, à la suite du décès tragique de son fondateur. Notre groupe s’est agrandi et compte aujourd’hui plus de 100 collaborateurs organisés en équipes spécialisées.

 

Quels sont les défis qui attendent la nouvelle génération d’associés dans la relève des fondateurs?

EN: En 30 ans, notre métier s’est profondément transformé, devenant ainsi beaucoup plus complexe: les aspects réglementaires et technologiques ont fortement évolué, sans mentionner les défis environnementaux et énergétiques auxquels nous sommes confrontés au quotidien. En tant que concepteurs, nous avons à la fois la lourde responsabilité d’agir à ce niveau, mais aussi la formidable opportunité d’améliorer la qualité et la durabilité de notre environnement construit. Très engagés dans ce domaine, nous avons même expérimenté le «cradle to cradle» avant l’heure. L’amélioration de la durabilité de nos constructions fait d’ailleurs partie de notre stratégie RSE. Nous sommes labellisés depuis deux ans, et sommes fiers d’avoir été le premier bureau d’architecture luxembourgeois à obtenir cette certification.

 

Les trois générations d’associés ont-elles les mêmes aspirations en ce qui concerne la suite de l’histoire?

EN: Oui. Toutes trois partagent les valeurs qui animent le bureau depuis sa création: la simplicité, la confiance, la responsabilité et le respect. Elles ont aussi en commun la volonté de conserver la capacité d’adaptation qui nous permet de suivre continuellement les besoins et les évolutions de notre secteur. C’est également en veillant à utiliser à bon escient les compétences de chacun des membres de notre équipe que nous visons à accroître la qualité de notre travail, car notre objectif principal demeure identique: respecter et prendre en compte les intérêts de nos maîtres d’ouvrage.

 

En marge des festivités, vous publiez un nouveau livre regroupant vos principaux projets des sept dernières années. Pouvez-vous nous le présenter?

MB: Nous publions habituellement un tel ouvrage tous les cinq ans. Pour les raisons évoquées précédemment, ce 4e volume, qui a bénéficié de deux années de préparation supplémentaires, nous semble être le plus abouti de cette petite collection. Cette édition diffère de «l’album photos» traditionnel par la place que nous avons accordée au texte. Nous avons pris le temps de raconter l’élaboration de chaque projet, évoquant son histoire, celle des lieux et celle de ceux qui l’ont façonné. En dévoilant ainsi les coulisses du métier, nous faisons voir à quel point notre pratique s’appuie sur une écoute attentive du maître d’ouvrage et sur un rapport de confiance mutuelle. L’architecture est une réponse à un programme, un contexte, un environnement, avec ses enjeux et ses usagers. Le rôle du maître d’ouvrage est dès lors primordial, car il permet de donner les orientations et les ambitions du projet, que nous transcrivons dans une architecture de qualité, vivante et adaptée à ses utilisateurs.

 

En quoi la sélection que vous avez effectuée est-elle représentative de votre approche architecturale?

EN: Les projets que nous avons sélectionnés témoignent plutôt de la diversité des programmes auxquels nous répondons. Des projets de toutes échelles y sont représentés, de la plus petite à la plus grande, car nous réalisons des projets d’urbanisme ou des détails d’aménagement intérieur avec la même passion. Celui qui consulte cet ouvrage pourra également y découvrir notre engagement dans des travaux novateurs, qui répondent à des enjeux sociétaux, toujours dans le respect du maître d’ouvrage.

 

Souhaitez-vous revenir sur les particularités de l’un ou l’autre de ces projets?

PA: Plutôt sur une rubrique inédite que nous avons ajoutée à l’ouvrage. En effet, lors de la rédaction, il nous a semblé important d’insérer un chapitre dédié à des projets particuliers – conçus pour des concours par exemple – qui, même s’ils ne sortiront jamais de terre, représentent pour nous une source importante de nouvelles connaissances. Cette rubrique présente également des projets expérimentaux qui, eux, ont bien vu le jour, comme l’Äerdschëff («vaisseau de terre»), un bâtiment construit de manière participative et écologique. Totalement autonome en énergie, ce premier exemple de construction autarcique au Luxembourg a été érigé à partir de matériaux recyclés et même de déchets, comme des pneus usagés qui servent de murs de soutènement. Le projet comportait non seulement des défis architecturaux et techniques, mais aussi règlementaires. Nous avons dû travailler main dans la main avec diverses administrations pour le concrétiser.

Notre pratique s’appuie sur une écoute attentive du maître d’ouvrage et sur un rapport de confiance mutuelle

Enfin, nous avons consacré quelques pages aux installations artistiques car notre bureau collabore régulièrement avec des artistes en leur offrant des écrins où mettre en scène leur art. Celui-ci peut prendre une forme très humble, avec des matériaux aussi simples que des billes de bois ou des portes de récupération, et se marier harmonieusement à l’architecture qui l’accueille, mais peut aussi revêtir une forme immatérielle, comme nous le démontrons dans notre projet «Souwäit», qui mêle danse et architecture dans une vidéo rendant hommage à la diversité du Luxembourg et dans laquelle les murs entrent en relation avec les corps. Ces images rapprochent la logique de création architecturale et le processus de création artistique. L’architecte devant sa page blanche cherche à définir la façon dont l’utilisateur percevra un espace et à générer une émotion, quand les danseurs  offrent aux spectateurs des clés de lecture permettant de comprendre un lieu et matérialisent cette émotion.

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