La pollution de l’air s’aggrave dans la Grande Région

La pollution atmosphérique est devenue un sujet de préoccupation majeure. Son impact sur l’environnement et la santé est de plus en plus pointé du doigt. Pour surveiller le niveau de pollution de l’air, des cartographies de la qualité de l’air sont mises en place. La plupart du temps, ces cartes sont réalisées sur la base de données fournies par des capteurs au sol mais la couverture de ces derniers est relativement limitée en raison de leurs coûts. Pour contourner cet obstacle, le LISER a réalisé pour la première fois une cartographie dynamique de la qualité de l’air de la Grande Région à partir des données satellites issues de la mission européenne «Sentinel-5 Precursor»[1].

«Cette première étude se concentre principalement sur l’analyse des niveaux de dioxyde d’azote», précise Hichem Omrani [2] à l’initiative de ce projet et chercheur au département Développement urbain et mobilité. «Le dioxyde d’azote (NO2) est en effet le principal polluant de l’atmosphère terrestre. Les rejets de NO2 sont essentiellement dus aux activités humaines, en particulier l’utilisation de combustibles fossiles. Ses effets peuvent être néfastes pour la santé humaine. En concentration trop importante, le dioxyde d’azote peut entraîner une sévère inflammation des voies respiratoires et une irritation des yeux. Pour les personnes sensibles comme les asthmatiques, les enfants et les malades pulmonaires chroniques, une exposition au NO2, même de courte durée, peut provoquer une altération de la fonction respiratoire. Le dioxyde d’azote contribue également à l’acidification de l’environnement et participe à la dégradation de l’environnement de la végétation et des écosystèmes. C’est pourquoi il est devenu indispensable de surveiller et contrôler les niveaux de concentration des oxydes d’azote».

Un pic annuel entre novembre et décembre

L’étude menée par Hichem Omrani démontre que les données satellitaires peuvent être utilisées pour produire des cartes dynamiques de haute résolution de la concentration en NO2 quelle que soit l’échelle temporelle – journalière, mensuelle ou annuelle – ou spatiale – régionale, nationale, continentale, voire mondiale. «Au niveau de la Grande Région, notre étude a mis en évidence que la concentration moyenne de NO2, entre mai et décembre 2018, était globalement plus faible que dans les pays voisins», commente Hichem Omrani. «Les points chauds de pollution se situent principalement dans le Nord-Est et le Nord-Ouest et touchent essentiellement des grandes villes telles que Bruxelles, Liège et Namur en Belgique et Sarrebruck en Allemagne. Un fort contraste apparaît également le long de l’autoroute A4, de Luxembourg-Ville jusqu’à Thionville et Metz en France. Nous pouvons systématiquement relier ces contrastes à une forte activité humaine: camions en transit pour le transport de marchandises, trafic routier au niveau des grands axes autoroutiers et des villes, activités industrielles dans le Nord et l’Est et dynamiques transfrontalières entre la Belgique, le Luxembourg et l’Allemagne».

«Des analyses temporelles, menées à partir de ces mêmes données, ont permis de constater que le pic de pollution annuel se situe entre novembre et décembre, période pendant laquelle les chauffages sont les plus sollicités. Au niveau hebdomadaire, le week-end connaît des niveaux de pollution plus bas en raison d’une baisse des activités (moins de trafic, moins de production, etc.)».

Une concentration en NO2 moindre dans les forêts et espaces verts

Des analyses plus locales peuvent également être effectuées. «Il est par exemple intéressant d’observer les différences d’évolution temporelle entre plusieurs points d’intérêts appartenant à des classes d’occupation du sol: urbaine (U), industrielle (I), route (R) et Forêt (F)», commente Hichem Omrani. «La pollution sur les sites relativement éloignés des activités humaines (F) reste stable et à des niveaux bien inférieurs. Les trois autres classes (U, I et R) présentent des tendances annuelles similaires avec une forte augmentation des concentrations en hiver: un premier pic en octobre, puis un second en novembre. La classe R (routes) présente des micro-évolutions caractéristiques: deux pics, un en juillet et l’un en octobre/novembre. Ces micro-évolutions pourraient être liées aux départs/retours des vacances scolaires».

Les résultats de cette étude illustrent clairement le fait que la pollution de l’air en NO2 est sérieuse dans la Grande Région et tend à s’aggraver même avec le phénomène sans frontières de la dispersion de la pollution de l’air par l’intermédiaire du vent et le changement climatique. «Ainsi, les actions menées par le ministère des Transports luxembourgeois comme la gratuité des transports publics sur le territoire du Grand-Duché pour les résidents et non-résidents à partir du 1er mars 2020 pourraient s’avérer insuffisantes si des mesures plus ou moins similaires ne sont pas prises à l’échelle de la Grande Région», estime Hichem Omrani.

«En résumé», conclut le chercheur, «les données satellitaires sont essentiellement utiles dans des régions où les données de capteurs sont rares comme c’est le cas de la Grande Région. Toutefois, ces deux types de données peuvent être fusionnées pour produire des cartes plus précises et avec une résolution spatiale plus fine. Enfin, des travaux sont en cours de préparation pour étudier les effets de la pollution de l’air sur la santé des populations, notamment celle des groupes vulnérables tels les enfants et les personnes âgées».


[1] Sentinel-5 P est un satellite d’observation de la Terre lancé le 13 octobre 2017 par l’Agence spatiale européenne. L’objectif est de fournir aux pays européens des données complètes et actualisées leur permettant d’assurer le contrôle et la surveillance de l’environnement.

[2] https://www.liser.lu/staff/hichem-omrani

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