Assurer les modèles de mobilité de demain

Dans le cadre de son programme MI6 portant sur les défis qu’engendrent les nouvelles formes de mobilité dans le secteur des assurances, Foyer Assurances a conclu un partenariat avec l’Université du Luxembourg. Michel Etienne, responsable métier des systèmes d’informations, et Clément Villaume, juriste, nous expliquent en détail les objectifs de cette collaboration.

 

En quoi consiste votre partenariat avec le SnT de l’Université du Luxembourg?

ME: L’Université s’est entourée de différents partenaires pour concevoir un véhicule autonome et le tester au Luxembourg. Notre accord de recherche porte sur une durée de trois à quatre ans et permettra à un doctorant de déterminer comment ses recherches sur la mobilité autonome pourront être appliquées au domaine de l’assurance et plus particulièrement à nos activités.

Le véhicule autonome, une Kia Soul électrique, a été équipé d’ordinateurs pour son pilotage et de différents capteurs. Ses caméras et son lidar – un dispositif fonctionnant avec des lasers – nous permettent de construire une représentation en 3D de l’environnement proche de la voiture. Le comportement en temps réel du pilote pourra également être analysé pour prévenir le sinistre par un meilleur conseil au conducteur.

 

Quels sont vos objectifs de recherche?

CV: L’objectif sera tout d’abord de collecter un maximum de données locales et de les interpréter. En tant qu’assureur, nous considérons également que le facteur culturel est important. On remarque par exemple que le véhicule autonome est mieux accueilli dans un environnement urbanisé, car la voiture y est davantage une contrainte et peut facilement y être partagée. Or au Luxembourg, le taux d’urbanisation n’est pas si élevé et une culture de la voiture personnelle persiste encore…

ME: Avec le SnT, nous récupérons essentiellement des données de type vidéo et d’autres données techniques. Notre Data Studio, composé d’experts de l’informatique et de la statistique, met en place des technologies favorisant la collecte d’un grand nombre de données, l’extraction des plus pertinentes et leur traitement en temps réel. Sur base des résultats obtenus, nous améliorerons nos modèles de risques existants et en créerons de nouveaux, plus adaptés.

 

Organisez-vous des tests en situation de circulation réelle?

CV: La France, l’Allemagne et le Luxembourg ont créé un «circuit» reliant Metz, Sarrebruck et Luxembourg où il sera possible de tester, pour des universités, des constructeurs, des équipementiers, les véhicules autonomes sur des axes routiers et autoroutiers normalement fréquentés. Foyer Assurances a dans ce cadre développé un produit d’assurance spécifique et sur-mesure pour tout véhicule et son matériel qui se prêterait à des tests en situation réelle.

ME: D’un point de vue technique, les infrastructures routières diffèrent d’un pays à l’autre, notamment en ce qui concerne la signalisation, les marques au sol, l’équipement des ponts et des tunnels, sans oublier la question du passage des frontières et des changements d’opérateurs réseaux. Nous devrons donc fournir un certain effort au niveau de l’interprétation des données pour assurer le bon déroulement de ces tests.

 

D’un point de vue légal, qui serait responsable en cas d’accident impliquant un véhicule autonome?

CV: Un procès fictif, nous plongeant dans le Luxembourg des années 2030, a récemment été organisé par l’Université et l’Association des Compagnies d’Assurances afin de déterminer la responsabilité d’un accident où un véhicule autonome a renversé un piéton. Le tribunal a estimé que la responsabilité incombait au conducteur et non au constructeur, puisque la voiture avait alerté le conducteur d’une anomalie et que celui-ci aurait alors dû reprendre le contrôle manuel de son véhicule.

Ceci implique que les véhicules récents qui sont déjà semi-automatisés avec des systèmes de freinage automatique, de Cruise Control adaptatif et de suivi de ligne, n’enlèvent pas de responsabilité au conducteur, car le véhicule est conçu pour lui permettre en tout temps d’intervenir. Si la voiture ne freine pas seule, il reste responsable de l’accident.

La législation actuelle impose en effet au conducteur d’avoir un contrôle constant de son véhicule. Mais que se passera-t-il le jour où la voiture sera complètement autonome et que les conducteurs deviendront passagers? D’un point de vue légal, nous n’avons pas encore de solutions, aussi bien au niveau national qu’européen. Le code de la route et les conventions internationales ne prévoient pas encore ce cas de figure et ils doivent être adaptés.

Les contrats sont aujourd’hui liés au preneur d’assurance. Si la voiture devient entièrement automatisée et que les passagers n’ont plus aucune responsabilité, notre modèle d’assurance sera revu. Il n’en reste pas moins que le véhicule sera toujours soumis aux risques traditionnels comme le vol, les intempéries, le gibier…  Grâce aux tests que nous réalisons actuellement, nous envisageons déjà les modèles de demain. D’autres changements sont toutefois à l’ordre du jour à plus court terme avec l’assurance des nouveaux usages de mobilité.

 

Comment adapter vos offres à cette nouvelle technologie?

ME: Progressivement, le risque va être transféré du conducteur à la machine. Chaque marque aura des caractéristiques particulières concernant sa réactivité, les algorithmes qui le régissent, sa technologie, sa fiabilité, etc., qui impacteront nos contrats d’assurance.

Plus de 90% des accidents sont liés à un facteur humain, l’autonomisation progressive des véhicules devrait donc faire chuter le nombre d’accidents sur les routes. Les statistiques indiquent d’ailleurs que les véhicules autonomes sont capables de reconsidérer leur trajectoire plus de 30 fois par seconde, ils bénéficient donc de temps de réaction beaucoup plus courts que l’être humain. Néanmoins, ce changement sera progressif et les véhicules autonomes côtoieront encore longtemps les véhicules traditionnels. En tant qu’assureur, nous avons un rôle important à jouer dans cette transition, en particulier en matière de prévention. En effet, à y réfléchir de plus près, utilisons-nous bien les dispositifs intelligents de sécurité déjà présents sur nos véhicules?

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