Climat social en entreprise: mieux vaut en prendre la température
Crucial pour la performance et l’attractivité de l’entreprise, le climat social retient de plus en plus l’attention des employeurs à mesure qu’ils intègrent les critères ESG à leur stratégie ou qu’ils voient croître les attentes de leurs salariés en matière d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Dans une société qui lève petit à petit le tabou sur le harcèlement au travail, il fait aussi l’objet d’une législation renforcée et d’une judiciarisation accrue. Malgré ces pressions qui peuvent compliquer sa gestion des ressources humaines, l’employeur dispose d’un panel de solutions pour prévenir les comportements inadéquats et assurer à ses salariés un environnement de travail serein et attractif. Explications avec Philippe Schmit, Partner au sein de la pratique Employment Law, Pensions & Benefits chez Arendt.
Pour quelles raisons conseillez-vous à vos clients d’évaluer le climat social qui règne dans leur entreprise et quels types d’intervention leur proposez-vous en la matière?
Le climat social est un sujet qui prend de l’importance sur le marché du travail depuis plusieurs années pour diverses raisons, l’une d’entre elles étant que les entreprises intègrent de plus en plus les considérations ESG, et notamment l’aspect social, dans leur stratégie, l’autre étant les difficultés de recrutement auxquelles elles font face actuellement. Une troisième raison pour laquelle les employeurs auraient tort de le négliger est que l’on constate une sorte de judiciarisation du climat social depuis plusieurs années avec un recours accru aux tribunaux pour trancher les litiges de plus en plus fréquents. Arendt propose quatre niveaux d’intervention pour répondre à cette problématique, qu’il y ait déjà litige judiciaire ou non.
Premièrement, nous offrons un service préventif: avant même que ne surgisse un quelconque souci, nous conseillons les employeurs en amont sur les bonnes pratiques à adopter et les éventuelles chartes à mettre en place pour créer un climat social qui soit agréable pour les salariés et, par conséquent, propice à la bonne marche de l’entreprise.
Deuxièmement, nous intervenons lorsqu’un problème est soupçonné, voire constaté, qu’il s’agisse de harcèlement moral, sexuel ou de techniques de management inadéquates. Nous nous rendons dans l’entreprise concernée, parfois accompagnés de prestataires complémentaires, et nous entendons les salariés. Cela nous permet de prendre la température sur le terrain et de déterminer quelle est la source et le degré du mal-être en question. De là, nous identifions les risques et solutions juridiques pour l’employeur.
Troisièmement, en cas de dysfonctionnement avéré, nous pouvons agir en tant que médiateurs et apporter les correctifs appropriés. Bien souvent, nous assistons les entreprises par exemple dans l’élaboration de procédures plus formelles permettant aux salariés qui se sentent victimes de comportements inadéquats d’alerter la hiérarchie.
Enfin, en tant qu’avocats, nous intervenons évidemment en cas de litige. À mesure que les langues se délient, les signalements de cas de harcèlement se multiplient et de plus en plus de dossiers se judiciarisent. Notre métier nous amène alors à intervenir dans des procédures de licenciement d’auteurs d’actes inappropriés ou à défendre les employeurs qui font l’objet d’actions en justice intentées par leurs (anciens) salariés.
Quels sont les avantages à recourir à un partenaire externe tel qu’Arendt?
Je pense qu’il est extrêmement rassurant pour les salariés de voir un acteur externe entrer dans l’entreprise avec un regard neutre et prendre les choses en main de façon objective lorsqu’un problème survient. Le secret professionnel particulièrement strict auquel nous sommes tenus inspire également confiance. Tout ce qui nous est rapporté reste strictement confidentiel à moins que les personnes concernées ne nous donnent l’accord, voire nous demandent, de divulguer certaines informations, en cas de litige judiciaire par exemple. Enfin, enquêter sur le climat social et entendre chaque salarié sont des démarches qui nécessitent un certain investissement en temps et en ressources humaines. Confier cette mission à un tiers permet à la direction de concentrer ses efforts sur son cœur de métier.
Le climat social est-il au beau fixe au Luxembourg?
On constate une sorte de judiciarisation du climat social depuis plusieurs années
Il n’est certainement pas mauvais compte tenu des perspectives de conjoncture moroses. Les aides étatiques ont permis à la majorité des entreprises, même les plus impactées par les conséquences de la pandémie, de survivre économiquement. Les crises successives que nous vivons laissent malgré tout des traces psychologiques non négligeables chez les salariés qui font peut-être preuve, du moins pour une certaine minorité, d’une sensibilité exacerbée actuellement suite aux crises successives auxquelles nous faisons face. S’il n’y a pas forcément plus de soucis qu’auparavant, la parole, elle, se libère. Sans faire de généralités, les entreprises sont globalement soucieuses de maintenir un bon climat social car elles sont conscientes qu’il en va de leur attractivité sur un marché de l’emploi qui est déjà complexe en raison de la pression sur les salaires, de difficultés à recruter ou à retenir les talents, ou des demandes accrues des salariés pour l’amélioration de leur équilibre vie professionnelle – vie privée. La fin de la suspension des seuils de télétravail prévus par les accords fiscaux pour les frontaliers écorne l’attrait du Grand-Duché pour ces travailleurs qui sont de moins en moins enclins à sacrifier deux ou trois heures par jour dans les transports. C’est la raison pour laquelle les seuils ont, pour partie, été récemment augmentés, les employeurs implantent de plus en plus de bureaux satellites aux frontières et certaines entreprises tentent de flexibiliser le temps de travail, ce qui constitue un élément de rétention fort. Ces initiatives rendent l’environnement de travail plus attrayant pour les salariés, mais compliquent la gestion des ressources humaines pour les employeurs. Arendt intervient aussi sur ces volets afin d’aider les entreprises dans l’identification et la mise en œuvre de solutions innovantes.
De plus, divers changements majeurs s’annoncent en matière de droit du travail. Quels sont les principaux défis à venir pour les employeurs?
Parmi tant d’autres, deux projets de loi importants sont en cours d’élaboration: l’un visant à combattre le harcèlement moral au travail et l’autre à protéger les lanceurs d’alerte. Tous deux devraient voir le jour en cours d’année et les entreprises devront donc prochainement s’y conformer. Le premier prévoit notamment que l’Inspection du travail et des mines puisse intervenir dans certaines circonstances et prononcer des sanctions en cas d’inaction de l’employeur. Il confère également aux représentants du personnel davantage de responsabilités notamment en matière de harcèlement moral. Quant au second, il contraindra les employeurs à mettre en place un canal de signalement interne qui permet à un salarié de lancer une alerte en toute confidentialité et le protège de toutes formes de représailles. Notre travail consiste notamment à préparer nos clients à se conformer à ces nouvelles lois, à leur expliquer leurs obligations et à les aider à rédiger les procédures et chartes adéquates.
L’actualité en matière de droit du travail étant très riche, nous mettons un point d’honneur à informer nos clients des derniers développements règlementaires via nos différents canaux de communication (newsflashes, réseaux sociaux…). Pour ceux qui souhaitent approfondir certains sujets, nous organisons des séminaires libres d’accès au cours desquels nous nous tenons à leur disposition pour répondre à leurs questions. Enfin Arendt Institute, notre centre de formation, organise régulièrement des journées de formation dédiées au droit du travail.