Secteur des télécommunications et de l’informatique: grand gagnant de la crise?

Crise du Covid-19: difficulté à surmonter ou source d’opportunités? Les conséquences de la pandémie ne sont décidément pas les mêmes pour tous. Les acteurs de l’ICT et des télécommunications sont souvent considérés, parfois à tort, comme les grands gagnants de la crise. Or, comme beaucoup d’entreprises, celles de ce secteur souffrent du ralentissement dans les investissements dû à l’impossibilité de se projeter dans le monde d’après. Gérard Hoffmann, CEO de Proximus Luxembourg, témoigne des obstacles rencontrés par sa société, mais nous laisse également entrevoir le rayon d’opportunités laissé par le nuage de la crise…

 

Rétrospective: une année de Covid-19

Nous sommes en mars 2020 et, comme beaucoup d’entreprises, Proximus Luxembourg est dans l’obligation de fermer ses portes et d’organiser le télétravail de ses employés avec un avantage toutefois, celui de recourir elle-même aux outils digitaux qu’elle commercialise. Ces derniers, elle les maitrise déjà, ce qui va faciliter sa transition vers le travail à distance.

Seulement voilà, après un an de travail en distanciel de 70% des collaborateurs, l’impact sur la vie sociale de l’entreprise se fait tout de même ressentir. «Les premières activités qui en souffrent sont celles de l’innovation, dont l’objectif est de développer de nouveaux projets et initiatives. La créativité nait des échanges, souvent informels. Or la convivialité nécessaire à l’inventivité a complètement disparu de notre quotidien!», témoigne Gérard Hoffmann. Sur le plan privé, de plus en plus d’employés manifestent leur besoin de revenir au bureau, ne supportant plus le travail à domicile pour diverses raisons. «La richesse d’une vie est de pouvoir alterner maison, travail et divertissements; or devoir rester en permanence chez soi, sans perspective de sorties – même pour travailler! – attaque le moral de nos équipes», confie le CEO. Les réunions par vidéoconférence ne suffisant plus à combler le manque de lien social, Proximus Luxembourg a procédé à la réouverture partielle de ses bureaux depuis le 17 mai dans le respect des règles sanitaires en vigueur. «Nous encourageons un maximum de retours, dans une certaine limite nous permettant de continuer à respecter les distances de sécurité. Nous allons par ailleurs alléger les mesures pour les employés vaccinés et pour ceux ayant été atteints du Covid-19 il y a moins de trois mois, de manière à mobiliser davantage de collaborateurs. Enfin, nous encourageons nos équipes à la vaccination car nous pensons qu’il s’agit de la seule manière de sortir de cette situation!».

 

Gagnants ou perdants face à la crise?

Face à cette question, Gérard Hoffmann semble dubitatif: «Je ne sais pas si nous sortons vraiment «gagnants» de cette crise. Certes, en comparaison avec certains secteurs comme celui de l’Horesca, nous nous estimons heureux d’avoir pu rester stables. Toutefois, au niveau télécom par exemple, où les abonnements sont à prix fixes, nous n’avons pas généré davantage de revenus, mais au contraire plus de coûts en termes de charge du réseau».

Le bilan de l’année écoulée est en effet mitigé; au début de la crise, plusieurs entreprises clientes ont dû être équipées d’ordinateurs portables, ce qui a directement profité à Telindus, marque de Proximus Luxembourg. De plus, la digitalisation est devenue une priorité tant pour le secteur privé que public, ce qui devrait en toute logique leur bénéficier également… Mais pas à court terme! En effet, nombreuses sont les sociétés dont les projets de digitalisation restent au stade d’étude et qui retardent leurs investissements en attendant d’y voir plus clair en termes de planification budgétaire. L’année 2021, transitoire, s’annonce donc plus difficile que la précédente. Selon Gérard Hoffmann, Proximus Luxembourg ne sortira pas gagnante de cette crise avant une vraie relance économique: «Le virus ne disparaitra sans doute pas, mais nous espérons que nous parviendrons bientôt à coexister avec ce dernier en l’acceptant et en le combattant avec une campagne de vaccination plus large, qui nous permettrait de revenir à une certaine normalité. Nous pourrions alors nous attendre à une reprise des investissements dans la digitalisation. C’est seulement à ce moment-là que nous serons bénéficiaires des transformations induites par la pandémie».

La force de la société réside toutefois dans la diversité de sa clientèle. Ne dépendant pas d’un seul secteur, la répercussion qu’elle constatera sur ses activités sera à l’image de celle que connaitra l’économie luxembourgeoise dans son ensemble. Optimiste, le CEO a d’ailleurs confiance en sa résilience et en sa productivité

 

La crise, parfois source d’opportunités

Depuis une dizaine d’années, Telindus s’est notamment positionnée comme un des leaders dans le domaine du cloud privé au Luxembourg. S’ajoute à présent la dimension du cloud public proposé par les grands prestataires américains présents en Europe et que Telindus revend: «Les deux axes sont en croissance et nous ne notons pas de préférence pour l’un ou l’autre, si ce n’est une tendance favorable au cloud privé pour certaines applications critiques. Dans les deux cas, nous notons cet intérêt grandissant de la part des entreprises et assurons actuellement des prestations avant-ventes pour les conseiller sur cette infrastructure à travers laquelle se déploiera leur digitalisation».

En déployant le télétravail à grande échelle, les entreprises ont par ailleurs créé des vulnérabilités. Une forte augmentation des cyberattaques a ainsi été notée en 2020 et cette tendance semble se prolonger en 2021. Chez Telindus, cela s’est inévitablement traduit par une croissance importante de la demande en cybersécurité tant et si bien que l’entreprise a rencontré ses limites en termes de disponibilité du personnel: «En tant que grand prestataire en cybersécurité, nous avons fait beaucoup, mais nous aurions pu faire davantage. Il s’agit d’une véritable difficulté à surmonter pour nos équipes qui commencent à fatiguer face à la charge de travail».

Pour y remédier, Proximus Luxembourg ne peut malheureusement pas compter sur le recrutement, comme l’explique son CEO: «Il est de plus en plus difficile de recruter dans la Grande Région et il s’agit sans doute là du plus grand bouleversement causé par la crise. Beaucoup de frontaliers réalisent que leur rythme de vie ne leur convient pas et recherchent un poste à proximité de leur lieu de résidence. Une solution pourrait être l’augmentation de la part de télétravail dans les nouveaux contrats, mais cela nécessiterait un accord à l’échelle européenne qui a peu de chances de voir le jour. Nous avons donc intérêt à changer nos approches de recrutement, en allant chercher la main d’œuvre plus loin ou en encourageant les frontaliers à devenir résidents».

 

2020, année du déploiement de la 5G

La 5G inaugure l’avènement d’une nouvelle ère dans la télécommunication et ses effets bénéfiques se font déjà ressentir dans l’augmentation de la capacité du réseau mobile. Elle permet notamment d’améliorer la qualité des communications en diminuant les coupures réseaux et en multipliant le nombre possible d’appels-vidéos – moyen de communication grandement plébiscité depuis le début de la pandémie – sur une même antenne sans en altérer la qualité. «Au fil de son déploiement, cette technologie transformera la télécommunication de manière importante en favorisant l’apparition de nouvelles applications. Cela augmentera également la consommation. La 5G pourrait être un instrument de relance économique puisqu’elle permettra de communiquer de manière plus fiable et avec d’autres facilités», assure Gérard Hoffmann.

Quant à son impact sur notre environnement et notre santé, Gérard Hoffmann se montre confiant envers le régulateur: «Je pense que le Luxembourg est très consciencieux et qu’il a vérifié cet impact sur base des connaissances dont il disposait lorsqu’il a créé les réglementations que nous respectons aujourd’hui. De plus, nous restons dans le monde des ondes électromagnétiques déjà émises par la 4G et qui ne sont pas tellement différentes…». Deux tendances parfaitement contraires semblent par ailleurs émerger au sein de la population face à l’avènement de la 5G. Si une partie craint son déploiement, une autre est avide de nouvelles technologies et l’a démontré à travers les ventes d’appareils compatibles au-delà des projections de l’opérateur: «Chez Tango, à ce jour, 9% de la base de clients abonnés mobile possèdent un smartphone 5G, ce qui dépasse nos estimations. Cela devrait atteindre les 25% d’ici à la fin de l’année».

Pour les prochaines étapes de déploiement, Proximus Luxembourg suivra le planning octroyé par les licences jusqu’en 2023, bien que les permis d’exploitation soient actuellement en retard. En parallèle, la société continue à promouvoir avec succès ses abonnements 5G et est par ailleurs la première au Luxembourg à proposer un abonnement broadband avec une bande de 2 gigas: «C’est un axe que nous voulons encore développer pour devenir un acteur de référence en matière de bande passante importante en fixe ou en mobile auprès de la nouvelle génération, friande de jeux-vidéos, plateformes de streaming et autres applications gourmandes en bande passante».

Ses projections pour l’avenir? Renforcer son offre en cybersécurité. Gérard Hoffmann conclut: «La prochaine pandémie sera digitale, il est donc dans l’intérêt du pays – et il s’agit là d’une question de sécurité nationale – d’investir, conjointement avec le secteur privé, dans la cybersécurité. Des scénarios catastrophes peuvent arriver et générer des crises. Le secteur public, y compris les communes, a une responsabilité particulière à ce niveau et devra encourager ce type de défense pour les éviter».

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