L’immobilier demeure fort
Certes, nul ne peut aujourd’hui prévoir l’impact de la pandémie de coronavirus sur le long terme. Il est pourtant un secteur qui peut se rassurer. Malgré la violence de l’orage, l’immobilier semble se frayer un chemin entre les gouttes, anticipant déjà les changements du monde d’après. Sven Rein, président, et Jean-François Trapp, vice-président du conseil d’administration de LuxReal ASBL, nous dressent le portrait d’un des secteurs les plus résilients de l’économie luxembourgeoise.
Fédérer l’industrie
Depuis 2009, LuxReal connecte l’ensemble des acteurs qui gravitent autour de la sphère immobilière: promoteurs, architectes, ingénieurs, gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, avocats, banques, cabinets d’audit, etc. Toute entreprise ou professionnel du secteur peut en devenir membre et profiter des conférences proposées autour des tendances de l’industrie ainsi que des événements de réseautage organisés par l’ASBL pour fédérer une communauté immobilière interdisciplinaire. Au-delà, LuxReal établit des groupes de travail et entretient des contacts nationaux et internationaux pour l’échange d’informations, de connaissances et d’expériences et représente les intérêts communs de ses membres au niveau entrepreneurial et politique.
Dès les premiers jours de la crise, l’association s’est décidée à tirer parti du numérique pour maintenir les liens qu’elle s’efforce de tisser entre ses membres. Par le biais de webinars, elle s’est également appliquée à leur donner des conseils sur la gestion de la crise. Elle s’est par contre gardée de représenter les intérêts de ses affiliés au niveau politique. «Nous n’avons pas fait de lobbying auprès du gouvernement parce qu’il n’y en avait pas forcément besoin. Celui-ci est très pro-économique et a pris des mesures sans attendre, sans toutefois édicter de loi. Cela a offert une certaine flexibilité qui a permis aux parties professionnelles de trouver leurs accords elles-mêmes dans bien des cas. Faire du lobbying aurait été probablement contre-productif dans ce contexte», remarque Jean-François Trapp.
Assurer la continuité
Contrairement à d’autres, le secteur de l’immobilier a moins souffert de l’irruption du coronavirus dans le pays. Bien sûr, certains locataires ont reporté le paiement de leur loyer; bien sûr, les bailleurs ont été confrontés au gel temporaire sur l’augmentation du loyer, mais la catastrophe a été évitée. «L’industrie de l’immobilier n’est pas complètement déconnectée de l’économie réelle, ce n’est pas un îlot isolé, nous le constatons d’ailleurs dans l’immobilier commercial, mais le secteur est particulièrement résilient au Luxembourg», estime Jean-François Trapp. Du point de vue des fonds, l’année écoulée est d’ailleurs considérée comme très bonne. «En dépit de la crise, de nouveaux fonds d’investissement ont été créés et lancés à travers le Luxembourg. Ces nouveaux fonds, ainsi que les produits existants, ont malgré tout attiré de nouveaux capitaux. Les taux d’intérêts sont actuellement tellement bas qu’il faut investir dans des classes d’actifs qui génèrent du rendement, et l’immobilier en fait partie. Résidentiel, bureaux, logistique, hôtellerie, la diversité est telle que les investisseurs peuvent aisément étaler les risques. La part d’allocation d’actifs dans l’immobilier est en constante augmentation, ce qui pousse au lancement de nouveaux produits. Le Luxembourg étant un marché leader pour les fonds d’investissements en général, il bénéficiera de cette tendance à court, moyen et long termes», considère Sven Rein. Si la question du décalage entre les marchés financiers et l’économie réelle se pose bel et bien, il est à peu près certain que l’immobilier résidentiel restera attractif. «Crise ou non, les gens ont tout simplement besoin de logements», rappelle le président de l’association.
Une situation qui, jusqu’à présent, ne fait pas baisser les prix de l’immobilier luxembourgeois malgré des tendances différentes selon les classes d’actifs. «En ce qui concerne le résidentiel, les prix continueront probablement de monter ou du moins se maintiendront quoi qu’il arrive en raison du déficit de logements dans le pays, juge Jean-François Trapp. Malgré les bouleversements induits par la quasi-généralisation du télétravail pendant la crise sanitaire, il en va de même pour l’immobilier de bureau où la demande est supérieure à l’offre et où les offres non-sollicitées se multiplient et participent à maintenir les prix. Au niveau commercial, la situation sera probablement différente, au moins pendant quelques temps. Je pense toutefois que le Luxembourg résistera mieux que d’autres pays européens. Lors de la crise de 2008, les prix sont remontés rapidement et le marché est resté très fort. Les investisseurs avaient alors pu constater que le Luxembourg était un marché extrêmement résilient au niveau immobilier et que l’argent y était bien placé».
Penser l’immobilier de demain
La crise n’a pas seulement secoué notre économie, elle a aussi bouleversé nos façons de vivre, de travailler, de consommer et de nous récréer. Une petite révolution du quotidien en passe de se matérialiser dans la brique. Contrecoup du confinement, locataires et acheteurs ont revu leurs critères à la hausse: «Ceux qui habitent un appartement en ville vont certainement souhaiter pouvoir profiter d’un petit extérieur. À ma connaissance, la demande pour les résidences hors centre-ville a augmenté. D’autre part, nombreux sont les travailleurs qui essayent de s’aménager un coin bureau dans lequel ils peuvent travailler tranquillement à la maison. L’idéal est forcément la pièce supplémentaire qui permet de s’isoler», a remarqué Sven Rein.
Bien sûr, le travail ne se délocalise pas sans de potentielles conséquences (négatives ou non) pour l’immobilier de bureaux. Difficile toutefois de les anticiper. Tout dépendra de l’issue de la crise et, actuellement, une certaine forme d’attentisme est de mise. Si le secteur n’est pas en manque d’idées, il est pour l’instant dépourvu de certitudes: «Tout dépendra des contraintes sanitaires qui résulteront (ou non) de la crise mais aussi de l’avenir du télétravail. S’il y a un réel besoin de retrouver le chemin du bureau, il semble aussi y a avoir une vraie volonté de conserver la flexibilité que confère le travail à domicile. Prenons le bureau d’un salarié qui télétravaille deux jours par semaine. En réalité, son employeur paie des mètres carrés pour une occupation de moins de 60% du temps de travail (congés compris). C’est à ce point de vue qu’il faudra sûrement être innovant, mais il va falloir attendre que la situation se normalise pour inventer l’univers du bureau de demain en fonction de nouveaux paramètres éventuels», reconnaît Jean-François Trapp.
Enfin, l’un comme l’autre, Sven Rein et Jean-François Trapp ont constaté un regain de la conscience écologique dans toutes les activités immobilières. Les transformations qui découleront de la crise sanitaire seront autant d’opportunités de recourir dans le même temps à des solutions écologiques. Des fonds d’investissement aux promoteurs en passant par les architectes, tous se devront de penser durabilité.