Transport durable: récit d’un succès

Il est des entreprises qui mettent un point d’honneur à donner corps à leurs valeurs. Biogros, grossiste luxembourgeois de produits biologiques et biodynamiques, est de celles-là. Pour contribuer à un avenir plus durable, respectueux de l’homme et de la nature, elle a concentré tous ses efforts sur la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. Parvenue à les diminuer presque de moitié en seulement deux ans grâce à l’optimisation du transport de ses marchandises, elle s’engage parallèlement dans la voie de la mobilité électrique. Développements avec Patrick Kolbusch, directeur de Biogros.

 

Genèse

Dans l’écosystème d’Oikopolis, Biogros sàrl est chargée de l’importation d’aliments biologiques, de la commercialisation des produits de la coopérative BIOG, du conditionnement et de la préparation des produits finis ainsi que de l’organisation des activités de transport et de logistique pour les magasins Naturata et d’autres clients. Sa culture d’entreprise plonge inévitablement ses racines dans celle du Groupe. Se détournant résolument du libéralisme économique, celui-ci évolue dans un modèle d’économie coopérative garantissant le respect des intérêts de chacun des maillons de la chaîne de valeur, mais aussi de l’environnement. C’est donc tout naturellement qu’il s’est tourné vers l’Economie pour le Bien commun, un modèle qui permet d’évaluer son engagement à l’aide d’une grille d’analyse adéquate et indépendante. Bien que son audit de 2016 lui conférait déjà un score jugé exemplaire, Oikopolis a souhaité intensifier ses efforts.

 

Un plan d’action pour décrocher deux étoiles

C’est en préparant son évaluation 2020 que Biogros a repéré dans la logistique une opportunité de s’améliorer sur le volet environnemental. «Les tournées de nos dix camions produisent une partie importante des émissions de CO2 du grossiste. Marco Gasper, chef de la logistique, s’est donc penché sur leur optimisation. Grâce à une replanification complète de nos expéditions, nous sommes parvenus à diminuer le nombre de kilomètres parcourus à chiffre d’affaires égal. En outre, nous avons décidé de livrer les marchandises de tiers à nos destinataires dans le but d’augmenter le taux de chargement de notre flotte. C’est ainsi que nous nous sommes associés avec Dennree, grossiste de produits biologiques allemand et fournisseur pour les onze magasins Naturata. Plutôt que de livrer individuellement les onze supermarchés trois fois par semaine, Dennree achemine ses articles sur notre site de Wallenborn. Nous les distribuons alors en même temps que nos propres produits. Nous avons établi le même type de partenariat avec La Provençale, qui livre désormais nos denrées aux professionnels de la restauration. Cela permet de réduire significativement le nombre de camions sur les routes et donc notre empreinte écologique. Enfin, nous avons décidé de limiter la vitesse de nos poids lourds à 82 km/h au lieu des 90 km/h autorisés. Une réduction qui, à charge égale, devrait diminuer notre consommation annuelle de carburant de 8%. Couplée à un monitoring de la pression des pneus, l’impact devrait être significatif», détaille Patrick Kolbusch.

Ensemble, ces mesures ont permis à Biogros d’accroître la quantité de palettes livrée de près de 30% entre 2018 et 2019, pour une augmentation de la consommation de combustible de 5,7% seulement. Un résultat impressionnant équivalant à une réduction des émissions de CO2 de 47% par palette et lui valant une récompense remarquable. En effet, le 13 octobre dernier, les efforts consentis par le grossiste ont été salués par le Cluster for Logistics Luxembourg et le ministère de la Mobilité lors de la remise des Lean & Green Awards 2020. Cette initiative vise à inciter les entreprises du secteur de la logistique et des transports à mettre en œuvre un ensemble de mesures d’optimisation afin de réduire d’au moins 20% leurs émissions de CO2. En diminuant les siennes de près de 50%, Biogros rejoint non seulement la petite poignée d’entreprises luxembourgeoises auréolées du prix, mais se positionne d’entrée de jeu en tête de peloton en devenant la première société grand-ducale à remplir l’ensemble des critères permettant d’obtenir la deuxième étoile.

 

Une première électrisante

Parmi les autres options disponibles pour réduire davantage son empreinte carbone, restait la mobilité électrique. «Le Luxembourg est un petit pays et nos activités ne dépassent pas les frontières nationales. C’est pourquoi recourir à l’électrique nous a semblé tout indiqué. Nous nous sommes alors tournés vers le garage Losch, notre partenaire de longue date, dans l’idée d’établir un partenariat pour acquérir le MAN e-TGM, un camion produit uniquement à 50 exemplaires pour le marché allemand», raconte Patrick Kolbusch. C’est alors un travail long de plus d’une année qui commence, nécessitant divers investissements de part et d’autre. «L’intégration de ce véhicule à notre flotte a demandé une certaine préparation. La société Losch et la nôtre avons dû investir respectivement dans la formation des mécaniciens et des chauffeurs, dans des bornes de recharge ainsi que dans la sécurité», ajoute le directeur de Biogros.

Depuis trois mois que le camion sillonne les routes alimenté à l’énergie verte, le bilan s’avère très positif et le grossiste profite pleinement des bénéfices de l’électrique. «Non seulement le moteur du camion est silencieux, mais celui du frigo l’est aussi. C’est le grand avantage de ce poids lourd 100% électrique. Nos livraisons de nuit s’effectuent désormais dans la plus grande discrétion, ce qui n’est pas négligeable. L’autre plus du véhicule est le peu d’entretien qu’il nécessite», explique Patrick Kolbusch. Quant à l’épineuse question de l’autonomie de la batterie, nul désagrément ne devrait se présenter: «A batteries pleines, le camion peut parcourir entre 200 et 250 km. Après deux heures de recharge, il est prêt à entamer un nouveau trajet. Nous n’y voyons aucun inconvénient puisqu’il y a un peu de travail administratif à réaliser entre deux tournées», poursuit-il.

Si, à terme, la volonté du grossiste est de verdir l’ensemble de sa flotte, l’heure n’est pas encore aux investissements. «Il conviendrait de faire le bilan après une année d’utilisation, notamment pour dégager un juste aperçu de la réduction de nos émissions de CO2. Je tiens d’ailleurs à rappeler que le camion zéro émission n’existe pas; produire l’électricité qui l’alimente émet des gaz à effet de serre. Ce dont je suis toutefois certain, c’est que nous ne pourrons plus miser sur les énergies fossiles. Au regard de la situation climatique, nous n’avons plus le choix que de révolutionner le secteur du transport», conclut Patrick Kolbusch.

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