Luxembourg Air Rescue: la main-forte tombée du ciel

Depuis plus de 30 ans, Luxembourg Air Rescue (LAR) opère, grâce à sa flotte d’hélicoptères et d’avions sanitaires, sur des rapatriements et des transports de malades ou de blessés des quatre coins du monde vers leur pays de résidence. Le déclenchement de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 aura forcé l’organisation à revoir ses plans de vol. Didier Dandrifosse, Head of Medical Department chez LAR, revient sur la contribution de l’organisation de sauvetage aérien dans la lutte contre le coronavirus.

 

Le rôle de LAR dans la prise en charge de patients atteints par le Covid-19 a été largement épinglé dans la presse. Comment se déroule une intervention dans ce cas de figure? Quels sont les défis particuliers auxquels vous devez faire face?

LAR intervient sur deux types de missions: les missions primaires, ce sont les interventions de secours que nous exécutons notamment pour le compte du CGDIS au Grand-Duché, et les missions secondaires, à savoir les transferts entre hôpitaux. Dans les deux cas, nous avons mis en place des protocoles et des mesures de précaution particuliers à partir du moment où la pandémie a été déclarée. Lorsque nous sommes appelés au chevet d’un patient dans le cadre d’une mission primaire, celui-ci est désormais considéré comme suspect jusqu’à ce que l’équipe médicale puisse, au terme d’un bref interrogatoire, valider ou invalider le risque qu’il soit porteur du virus et ainsi s’équiper en fonction.

Dans le cadre de nos missions secondaires, nous avons transféré des patients de soins intensifs d’hôpitaux craignant la saturation vers d’autres hôpitaux moins touchés. Nous sommes essentiellement intervenus au bénéfice de la France, en transportant des patients du Grand Est vers l’Allemagne, le Luxembourg ou la Suisse. Ces patients, qui présentaient une forme très sévère et avancée du coronavirus et qui étaient appareillés avec des respirateurs et un monitoring, requéraient une prise en charge plus longue mais aussi plus importante au niveau technique.

Dans un type d’intervention comme dans l’autre, nous avions globalement trois responsabilités: assurer les fonctions vitales du patient, protéger notre personnel et veiller à ne pas disperser le pathogène. Nous avons donc mis en place des mesures d’isolement, de protection, de désinfection et d’évacuation des déchets. Ces protocoles assez lourds, devant respecter un cadre légal contraignant, visent à garantir que nous n’agissons pas comme un vecteur de dispersion du virus.

 

LAR avait déjà mis en service un équipement pour le transport de patients hautement infectieux en 2015, lors de la crise Ebola. Cinq ans plus tard, vous luttez contre un nouveau virus. Les défis sont-ils identiques? Y a-t-il de nouvelles leçons à tirer de cette crise?

Les deux crises sont similaires mais pas identiques. Malgré tout, Ebola nous a permis d’acquérir de l’expérience en désinfection, en habillage et en déshabillage, des procédures qui nécessitent des protocoles très stricts. Nous avons conservé ces connaissances, si bien que, lorsque le Covid-19 est apparu, nous étions prêts à intervenir en deux ou trois jours. Bien sûr, ces protocoles ont été adaptés puisque le Covid-19 est un autre type de virus, qui a d’autres voies de contamination, une autre contagiosité et une autre virulence.

Nous pouvons d’ores et déjà tirer des leçons de cette nouvelle crise. Dans ce cas de figure, l’enjeu est la flexibilité: après l’atterrissage, la désinfection d’un hélicoptère peut prendre plusieurs heures, temps précieux durant lequel l’appareil est cloué au sol et ne peut intervenir pour de nouvelles missions. C’est pourquoi nous projetons d’acquérir deux «Epishuttle» (unités d’isolement des patients) et d’adapter une cabine d’hélicoptère aux transports infectieux de manière à être beaucoup plus flexibles à l’avenir.

 

Vous dites être intervenus essentiellement au bénéfice de la France. Comment la coopération transfrontalière s’est-elle déroulée?

Ces missions ont été effectuées en deux temps. Tout d’abord, c’est le Premier ministre Xavier Bettel qui a proposé à la France d’accueillir sept patients en soins intensifs pour soulager les hôpitaux du Grand Est. Puisque l’offre émanait du gouvernement grand-ducal, ce sont les moyens luxembourgeois qui ont été engagés. Nous sommes donc intervenus, durant une petite dizaine de jours, avec nos hélicoptères mis à disposition du CGDIS. Au cours de ces missions, LAR a pris la mesure de la catastrophe qui se jouait en France et a décidé de mettre ses moyens à disposition de l’Agence régionale de santé (ARS) Grand Est. Indépendamment de l’Etat grand-ducal, LAR a donc encore réalisé bon nombre de transferts vers différents hôpitaux où l’ARS trouvait des lits pour accueillir ses patients. Le geste a été très apprécié et a débouché sur la signature d’une convention de collaboration avec l’agence française.

 

Comment envisagez-vous l’avenir de LAR? Vous préparez-vous à une seconde vague ou à de nouvelles épidémies récurrentes?

Nous nous préparons effectivement à une seconde vague car il demeure beaucoup d’incertitudes. Si le virus n’est pas saisonnier, nous referons face à un pic plus ou moins important accompagnant les mesures de déconfinement. A l’inverse, s’il l’est, il est possible qu’il disparaisse en été mais revienne en automne. Nos équipes restent donc sur le pied de guerre et ont déjà reconstitué leurs stocks de matériel.

Bien entendu, LAR envisage aussi son avenir au-delà de la crise. La médecine en général et les soins hospitaliers en particulier évoluent constamment. En tant que maillon entre deux hôpitaux, LAR se doit de pouvoir fournir une qualité médicale égale durant ses transferts. C’est pourquoi nous veillons à rester à la pointe. Enfin, nous devrons nous adapter aux évolutions du secteur aérien. Le coronavirus aura probablement un impact sur nos façons de voyager et, en fonction des nouvelles habitudes de nos membres et des voyageurs, nous devrons déterminer s’il y a lieu ou non de remanier nos opérations.

 

Comment soutenir les actions de LAR?

LAR est une a.s.b.l. qui finance une grande partie de ses activités grâce aux cotisations de ses membres. Devenir membre est donc la première manière de nous soutenir et de faire preuve de solidarité. Il est aussi possible de nous aider à réaliser des projets plus ponctuels, comme le projet «Epishuttle» pour lequel nous avons lancé un appel aux dons.

Lire sur le même sujet: