Trouver un terrain d’entente pour assurer un logement abordable
Dans un contexte économique difficile, le Fonds du Logement se porte acquéreur (ou intermédiaire-facilitateur) de projets en VEFA (Vente en l’État Futur d’Achèvement) ou « clés en main ». Par cette activité, il se positionne comme un acteur clé pour soutenir le secteur de la construction tout en répondant à la demande croissante de logements dits abordables. Explications avec Emmanuel Erard, responsable du service Urbanisme et Foncier, Nolwenn Thibaut et Sophie Jullien, chargées d’acquisitions bâties au sein du Fonds du Logement.
Depuis un peu plus de deux ans, le Fonds du Logement acquiert des projets bâtis ou prochainement bâtis. Dans quel contexte cette activité complémentaire a-t-elle été mise en place ?
EE : À la fin de l’année 2022, le pays a dû faire face à l’émergence d’une crise financière et immobilière qui a touché tous les secteurs. La quasi-absence de financements bancaires liée à la baisse notable du nombre de projets en construction a réduit de façon considérable l’activité de production de logements. Face à cette situation, le Fonds du Logement et l’État ont recherché des financements, constitué des budgets et décidé de se structurer afin d’intervenir rapidement et de procéder à des acquisitions salvatrices et ciblées. L’objectif était double : répondre à la demande de logements et soutenir, autant que possible, le domaine de la construction durant cette période.
Comment cette initiative se traduit-elle concrètement ?
EE : Au sein du Fonds, une équipe a été constituée, tout comme le « modus operandi » de gestion. Nous nous sommes rapidement formés à cette nouvelle thématique. Nous avons créé notre réseau relationnel (interne et externe) et définissons maintenant, chaque fin d’année, une enveloppe budgétaire consacrée à ces acquisitions. Nous avons, par ailleurs, des objectifs annuels. En parallèle, nous collaborons étroitement avec l’État sur ce sujet.
Tous les logements peuvent-ils être rachetés de cette manière par le Fonds du Logement ?
EE : Non, les projets proposés doivent être conformes et respecter « stricto sensu » le cahier des charges élaboré par le ministère du Logement et de l’Aménagement du territoire. Ce document très complet définit notamment l’ensemble de nos recommandations structurelles, techniques, typologiques et financières ; ceci permettant d’aboutir, in fine, à la construction et l’ajout dans le parc immobilier de logements abordables.
Comment sélectionnez-vous donc les projets ?
SJ : Nous analysons attentivement chaque projet. Le but est de garantir une cohérence entre l’offre et la demande en matière de logements abordables tout en respectant le cahier des charges ministériel. Avant de prendre une décision, via notre Commission d’Acquisition interne, nous étudions la demande régionale, la typologie des logements, leur proximité avec les bassins d’emploi, les transports et/ou autres services.
EE : L’enjeu est de trouver une démarche « win-win » en offrant aux promoteurs une certaine flexibilité et sécurité / garantie tout en permettant au Fonds du Logement d’acquérir des biens « Log-Abo compatibles ».
NT : Notre besoin reste suffisamment large pour permettre l’achat de logements variés, du studio à la maison cinq chambres, sur l’ensemble du territoire.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées lors du traitement de ces dossiers ?
SJ : Probablement le respect du cahier des charges. Nous avons pu observer que les projets reçus répondaient à une demande issue du marché privé en quête de plus de confort, alors que notre objectif est de prioriser la praticité et l’optimisation.
NT : Les projets acquis doivent garantir un équilibre financier répondant à la fois aux besoins du promoteur et à ceux du Fonds du Logement, dans l’optique d’une utilisation rationnelle de l’argent public.
Quels sont donc les principaux atouts de la VEFA ?
SJ : Le Fonds du Logement achète en bloc. Pour le promoteur-vendeur, cela simplifie le suivi acquéreur des projets et cela lui permet d’optimiser la gestion de la construction par l’uniformisation des logements ou la rationalisation des coûts par exemple.
L’idée est de trouver une démarche « win-win »
EE : Un autre atout est que le Fonds est un organisme solvable. Étant sous tutelle ministérielle et nos dépenses étant entérinées préalablement par le conseil d’administration, nos projets d’acquisitions bâties sont donc engagés sous garanties d’État – élément rassurant évidemment les promoteurs-vendeurs. Par ailleurs, la VEFA permet un échelonnement des paiements par tranches achevées et constatées sur place. Le promoteur et ses sous-traitants sont donc payés au fur et à mesure de l’avancée du chantier, ce qui n’est pas négligeable en période de crise.
Combien de logements ont été livrés depuis le début de cette activité ?
NT : L’an dernier, en collaboration avec la Commission d’Acquisition Logement (CAL), trois projets ont déjà pu être livrés : une acquisition en VEFA et deux achats « clés en main ». Au total, 30 unités de logement ont été achevées au sein des communes d’Ettelbruck et Pétange, permettant l’emménagement de plusieurs familles.
D’autres projets sont-ils en cours ?
NT : Douze dossiers sont en cours de construction, qu’il s’agisse d’acquisitions par le Fonds ou suivis, en tant que futur emphytéote, pour le compte de l’État.
SJ : Quelques projets supplémentaires devraient également aboutir prochainement.
EE : Au total, 205 logements sont engagés et en attente de livraison jusqu’à un horizon début 2028. Cela permettrait d’y loger environ 450 personnes. Actuellement, nous nous concentrons, dans notre stratégie d’acquisition, sur la période 2028-2030.
Comment voyez-vous l’avenir de ce dispositif ?
SJ : Cette nouvelle manière d’acquérir des logements s’est révélée être un très bon complément à nos propres projets, répondant à la demande croissante de logements abordables.
EE : En interne et hors période de crise, l’avenir de cette démarche va inéluctablement (mais non exclusivement) être lié à la loi « Pacte Logement ». Celle-ci demande aux maîtres d’ouvrage concernés par un PAP d’une relative envergure et dans le respect d’une mixité sociale de réserver un certain ratio de logements abordables. L’application de cette loi engendre déjà actuellement de nombreuses discussions entre promoteurs et Fonds. Ces cessions de lots ciblés vont donc générer de nouveaux dossiers VEFA ou « clés en main », et cela dans un avenir relativement proche. Le présent dispositif, dont le premier bilan est très satisfaisant, a donc un bel avenir au sein du Fonds du Logement.