Looppark : quand la construction circulaire allie économie et flexibilité
Le Looppark situé à Bissen incarne une vision audacieuse de l’économie circulaire : construire pour démonter, réutiliser et s’adapter aux besoins futurs. Alliant modularité et durabilité, ce projet novateur repousse les limites des infrastructures classiques. Jeannot Schroeder, dirigeant chez +ImpaKT, entreprise privée de conseil, revient sur les principes fondateurs et les ambitions derrière cette réalisation pionnière.
Pouvez-vous nous expliquer l’origine et la vision derrière le projet innovant du Looppark ?
Nous avons toujours cherché à innover et à intégrer les principes de l’économie circulaire dans nos projets. Le Looppark est une concrétisation de cette vision. Ce parking n’est pas un simple bâtiment : c’est un concept, un modèle d’infrastructure pensé pour s’adapter à l’avenir. L’idée de départ est née d’un principe simple mais essentiel : construire pour pouvoir démonter et remonter. Chaque composant de cette structure, qu’il s’agisse des dalles en béton ou des colonnes en acier, a été conçu pour être réutilisé ailleurs, ce qui réduit considérablement les déchets habituellement générés par la démolition.
Le projet a été imaginé pour être extensible, avec une capacité initiale de 550 places de stationnement et une option d’ajout de 350 emplacements supplémentaires. Cette modularité répond à une demande du ministère de l’Économie qui souhaitait une infrastructure évolutive pour la zone d’activités de Bissen. Nous avons opté pour une trame standardisée et une rampe latérale indépendante, des choix qui permettent une extension future sans compromis sur l’existant. Contrairement à un parking classique à demi-niveaux, souvent plus difficile à agrandir, notre approche garantit une flexibilité totale. L’infrastructure intègre également des panneaux photovoltaïques ainsi que des bornes de chargement électriques.
La conception et la construction ont été assurées par des acteurs de premier plan : les architectes RAU Architects et ABA Workshop, le bureau statique PlanB, le bureau technique EnTec, ainsi que les entreprises Jans, Astron et Briand. La gestion de projet a été confiée à Progroup, tandis que l’inventaire des matériaux et les calculs de démontabilité ont été réalisés par Progroup en collaboration avec +ImpaKT. Le projet a remporté le Trophée Bâtiment Circulaire dans la catégorie conception circulaire lors du concours organisé dans le cadre de l’initiative « Booster du Réemploi », valorisant ainsi son engagement pionnier dans l’économie circulaire.
Quels ont été les critères financiers étudiés pour évaluer la viabilité du démontage et du réemploi des matériaux ?
Pour ce projet, l’évaluation financière a joué un rôle déterminant pour démontrer l’intérêt économique des principes de l’économie circulaire. Trop souvent, cet aspect est négligé au profit de la seule notion de circularité. Or, pour nous, cette approche ne peut être dissociée de cette dimension. Contrairement à une démarche classique de développement durable, souvent perçue comme génératrice de surcoûts, l’économie circulaire, lorsqu’elle est intégrée dès la phase de conception, vise à créer une véritable plus-value économique.
Cette réflexion a donc conduit à une analyse approfondie de la valeur résiduelle du parking après son cycle de vie initial. La question clé était de savoir si, après 20 ans, le démontage et la réutilisation des matériaux seraient financièrement viables. Les coûts de démontage, de retraitement et les éventuelles pertes ont été minutieusement estimés pour évaluer si le projet pouvait offrir une valeur résiduelle positive. En d’autres termes, l’objectif était de s’assurer que le démontage du Looppark ne se traduirait pas en une charge excessive, mais au contraire en une opportunité économique.
Pour parvenir à ces conclusions, différents scénarios ont été envisagés : des hypothèses optimistes comme pessimistes. Dans chaque cas, les résultats ont montré que le projet conservait une valeur résiduelle intéressante, renforçant ainsi la faisabilité et l’intérêt du réemploi à l’avenir.
Quelle a été la valeur ajoutée de l’inventaire des matériaux dans la conception et la gestion du projet ?
Cela constitue une étape fondamentale dans la réalisation du Looppark, tant pour garantir sa conformité aux principes de l’économie circulaire que pour anticiper son cycle de vie. Grâce à la plateforme Madaster, véritable « cadastre des matériaux », chaque composant du parking a été minutieusement documenté, permettant de connaître avec précision le poids total des matériaux utilisés. Cette démarche va bien au-delà d’un simple relevé : elle transforme un tas informe en un stock organisé, traçable et valorisable. Ce travail d’inventaire est essentiel pour évaluer la réutilisation ou le recyclage des matériaux en fin de cycle d’usage. En quantifiant ces derniers par catégorie et origine, et en suivant leurs flux entrants et sortants, il devient possible de calculer des indices clés, tels que l’indice de circularité des ressources ou encore celui de démontabilité.
L’approche adoptée dans ce projet a également nécessité des calculs supplémentaires dès la phase de conception. En effet, anticiper le démontage d’un bâtiment commence bien avant sa construction. Cette prévoyance a permis de maximiser la démontabilité et d’intégrer des couches de matériaux, « shearing layers », pour une planification simplifiée du désassemblage. En fin de cycle, chaque élément pourra ainsi être réutilisé ou redéployé avec une empreinte écologique minimale.