Faciliter la transition, une responsabilité des autorités locales

1,45°C, c’est le réchauffement global enregistré l’année dernière par rapport à l’ère préindustrielle. Un triste record qui plane comme une ombre sur l’objectif fixé par l’accord de Paris en 2015. Eurosolar Lëtzebuerg en appelle donc à une adoption rapide, généralisée et définitive des énergies renouvelables. Paul Zens, président de l’asbl, nous rappelle que le caractère global de la problématique n’enlève rien à la pertinence des actions locales et encourage les communes à prendre leurs responsabilités en la matière.

 

L’heure d’agir

« Il n’est plus temps de parler de ce que nous voulons faire, mais plutôt de ce que nous devons faire », déclare Paul Zens, une nouvelle étude alarmante entre les mains. Ce 19 mars, le rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) intitulé « L’état du climat mondial en 2023 » faisait état de bien tristes records. L’année dernière a non seulement été la plus chaude jamais enregistrée, mais a aussi atteint des niveaux jamais égalés en ce qui concerne les concentrations de gaz à effet de serre, l’élévation du niveau de la mer et de la température des océans ou encore la fonte des glaciers. « Ce rapport ne permet que de conclure à l’échec de la vitesse à laquelle nous abordons la transition énergétique. Il faut accélérer le rythme, d’une part en développant davantage les énergies renouvelables, d’autre part en réduisant nos émissions de carbone au maximum », poursuit le président d’Eurosolar Lëtzebuerg.

« Après la signature de l’accord de Paris, certains s’attendaient à ce que se mette en place une stratégie « bottom-up » qui prendrait ses racines au niveau local pour atteindre le niveau global. Ce n’est finalement pas ce qui s’est produit et, pourtant, je reste convaincu que les communes ont un rôle à jouer pour accélérer la transition énergétique, non seulement parce qu’elles disposent d’importants leviers, mais aussi parce qu’elles sont au plus proche de la population », affirme Paul Zens.

 

De l’importance de l’échelon local

Comment agir à cette échelle micro ? Tout d’abord, en rendant le changement possible. Aux yeux des membres d’Eurosolar Lëtzebuerg, les règlements sur les bâtisses et PAP semblent être utilisés pour limiter le déploiement des énergies vertes plutôt que pour le promouvoir. Régulièrement consultée par les communes, l’asbl a récemment donné son avis sur la version provisoire d’un règlement concernant le photovoltaïque dans le cadre d’un PAP. Les panneaux, impérativement « all black », y seraient interdits en façade principale et leur position en toiture devrait être centrée et constituer un rectangle harmonieux a-t-elle pu lire. « Les responsables communaux n’ont manifestement pas lu notre Guide luxembourgeois d’intégration architecturale des panneaux solaires photovoltaïques, archiPV.lu. Dans le cas contraire, l’idée selon laquelle les équipements de production photovoltaïque sont des éléments de construction à part entière serait communément admise. Je suis aussi très surpris que l’on puisse introduire des exigences purement esthétiques dans des règlements de ce type. Plutôt que de multiplier les contraintes, les autorités locales devraient appuyer sur l’accélérateur en veillant, au niveau des PAG et PAP, à certains « détails » qui font la différence, comme l’orientation d’un bâtiment qu’elles peuvent conditionner pour que celui-ci bénéficie d’un maximum d’ensoleillement ou la hauteur d’un immeuble qu’elles peuvent réglementer pour éviter que celui-ci ne fasse de l’ombre à d’autres édifices. Les communes n’ont pas à contempler passivement les projets des maîtres d’ouvrage et promoteurs immobiliers. Au contraire, elles ont leur mot à dire et le droit d’imposer les solutions qui sont les meilleures pour l’avenir de leurs citoyens, parce qu’il faut agir maintenant pour éviter les points de basculement », estime Paul Zens.

Plutôt que de multiplier les contraintes, les autorités locales devraient appuyer sur l’accélérateur

Bien sûr, pour inverser la tendance épinglée par le rapport de l’OMM, la production d’énergie renouvelable devra être combinée à d’autres mesures, visant par exemple à réduire les surfaces scellées au profit des espaces verts qui rafraîchissent la température. « Les toitures biosolaires, qui allient production photovoltaïque et étendues végétalisées, en sont l’exemple parfait. Mais les communes peuvent aussi verdir leurs localités en remplaçant, où c’est possible, le goudron par des dalles alvéolées ou en installant des ombrières photovoltaïques sur leurs parkings, excellent moyen de tirer profit des surfaces déjà scellées », explique Paul Zens.

S’agissant de transition énergétique, les pouvoirs locaux ont aussi un rôle important à jouer en matière de mobilité, les transports étant responsables des deux tiers des émissions de CO2 au Luxembourg. « Là où les communes peuvent agir, c’est sur le développement de l’électromobilité, notamment via le déploiement d’un réseau de bornes de recharge public suffisamment conséquent pour que chaque individu puisse abandonner sa voiture thermique, en particulier celui qui vit en résidence où il est très difficile de trouver un accord entre copropriétaires sur la mise en place d’un système de chargement », ajoute le président d’Eurosolar.

 

Tous concernés

D’ailleurs, peu importe le toit qui se trouve au-dessus de sa tête, aucun citoyen ne devrait être exclu de la transition. « La crise climatique est socialement injuste et touche principalement les populations qui en sont les moins responsables. Ce constat est valable au niveau global et, toutes proportions gardées, à l’échelle locale. Les personnes qui disposent de peu de moyens financiers doivent se loger au moins cher et vivent généralement dans des logements mal isolés et énergivores. Les communes devraient aider ces gens ou les propriétaires des biens qu’ils occupent à les rénover », considère Paul Zens.

Certaines initiatives permettent toutefois à chacun de prendre part au changement, quels que soient ses moyens financiers ou les caractéristiques de son logement. C’est le cas des coopératives et communautés énergétiques qui commencent à émerger aux quatre coins du pays. Les premières permettent d’impliquer un grand nombre de citoyens dans la mise en place collaborative d’une installation de production d’énergie renouvelable. Quant aux secondes, elles autorisent, grâce à une directive européenne transposée en droit luxembourgeois l’été dernier, un partage de la production dans un rayon de 300 m et une exonération de certaines taxes (relatives à l’utilisation du réseau notamment). Non seulement ces communautés allègent les factures d’électricité – tant pour celui qui vend l’excédent de sa production que pour celui qui l’achète, mais elles tendent aussi à minimiser le problème du stockage, ce dernier devant alors être réservé à un surplus d’énergie moindre puisqu’excédentaire par rapport à une consommation communautaire et non plus individuelle. Reste aux communes à les encourager !

« Les autorités locales ont la responsabilité de faciliter la transition en ouvrant la voie aux meilleures solutions. Être bourgmestre, c’est gérer le quotidien de ses administrés en montrant le bon exemple et en étant proactif », conclut Paul Zens.

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