Marchés publics : en tirez-vous le meilleur parti ?
57% des participants au « Rendez-vous du secteur public » organisé en février par PwC Luxembourg ont affirmé se sentir à l’aise avec les procédures de marché public. Quelques aspects du processus d’approvisionnement en services les préoccupent néanmoins. Jacques-Félix Wirtz et David Bernard, respectivement Senior Manager et Manager au sein du département « Industry & Public Sector Advisory » du cabinet de conseil, reviennent sur leurs principales difficultés et dévoilent quelques bonnes pratiques permettant de les transformer en atouts !
Dresser le cahier des charges
Première difficulté induite par les procédures de marché public : la rédaction du cahier des charges. Comment éviter les écueils ? Tout d’abord, en s’assurant une compréhension fine de ses propres besoins. « L’identification des attentes et leur expression limpide est une tâche à ne pas sous-estimer. Il en va de la clarté du cahier des charges et, par conséquent, de l’adéquation des offres remises par les soumissionnaires aux exigences du pouvoir adjudicateur. Pour éviter les déconvenues (obtenir une solution non efficiente et/ou livrée dans des délais qui excèdent le laps de temps escompté), il convient à la fois d’analyser la situation actuelle et de déterminer les besoins futurs », explique Jacques-Félix Wirtz.
L’exercice de rédaction, parce qu’il requiert une combinaison de diverses expertises, est loin d’être simple ; raison pour laquelle certaines administrations s’adjoignent les services du cabinet de conseil. « Rédiger un bon cahier des charges nécessite des connaissances financières, juridiques et techniques que les acteurs du secteur public ne sont pas toujours en mesure de réunir en interne – par manque de temps ou de ressources humaines, mais qu’ils peuvent trouver auprès de nos spécialistes. Faute d’expertise, la tentation est grande de réutiliser les mêmes modèles d’une procédure à l’autre, au risque de publier un cahier des charges qui ne corresponde pas en tout point aux attentes relatives à un projet spécifique. L’autre piège serait de s’approvisionner en ressources plutôt qu’en services par crainte de mal définir le périmètre du projet. Notre conseil : ne pas hésiter à solliciter les expertises pertinentes », déclare David Bernard.
Recourir à la procédure adéquate
Beaucoup d’administrations recourent à une seule et même procédure de marché qui n’est pas forcément adaptée au type de projet. Or, il en existe différentes formes, certaines nécessitant la publication d’un avis sur le portail des marchés publics et d’autres non. L’estimation du montant du projet est alors primordiale puisqu’elle décide du recours à l’une ou l’autre procédure selon les seuils établis par la loi.
« Comparativement à ses voisins européens, le Luxembourg tire peu avantage de l’accord-cadre. Dommage, car cette option confère une certaine flexibilité. Établissant les termes des marchés à passer au cours d’une période déterminée, ce type de contrat débouche sur la sélection d’un ou plusieurs soumissionnaires qui s’engagent à respecter les conditions fixées tout au long de l’accord-cadre. Ainsi, ces accords ne sont pas conclus dans le but de réaliser un projet précis, mais plusieurs projets de même nature. Le plus : les formalités des marchés y faisant suite et la charge administrative sont réduites puisque seuls les fournisseurs titulaires de l’accord-cadre, qui auront déjà prouvé, justificatifs à l’appui, leur aptitude et capacité à réaliser le marché, seront mis en concurrence », développe David Bernard.
Encore moins utilisé que l’accord-cadre, le partenariat d’innovation est une autre forme de procédure qui gagne à être mise en lumière. « À notre connaissance, le GovTechLab est un des seuls acteurs luxembourgeois à y avoir déjà eu recours. Prévue pour répondre à un besoin ne pouvant être satisfait par l’acquisition d’un service ou d’un bien déjà existant, elle s’utilise dans un contexte très spécifique et, comme son nom l’indique, stimule l’innovation. L’avantage de ce partenariat, c’est qu’il permet au contributeur de demeurer propriétaire de la solution qui sera créée pour le pouvoir adjudicateur et, ainsi, de la commercialiser à d’autres clients par la suite. C’est un argument qui séduira les fournisseurs puisque, la démarche étant plutôt réservée à des projets d’envergure, les investissements et efforts à déployer sont considérables. À mon sens, c’est une procédure qui mériterait d’être plus répandue, d’autant plus que le pays souffre d’une perte de compétitivité selon différents rankings. Il est important d’innover pour rester compétitif, attirer les entreprises et les talents ; bref avoir un impact positif sur la société en général », ajoute Jacques-Félix Wirtz.
S’assurer de la régularité juridique
Après la rédaction du cahier des charges et le choix de la procédure, l’attribution du marché est une autre source de préoccupation pour bien des administrations. Là encore, quelques bonnes pratiques permettent d’ôter de nombreux doutes et d’éliminer certains risques. L’un des premiers éléments à considérer est évidemment la sélection des critères. « Si la loi autorise le recours à différents critères d’attribution, dans les faits, celui du coût est généralement prépondérant, quand il n’est pas tout bonnement le seul ! Cela facilite évidemment le travail d’attribution, mais cela ne contribue pas à une concurrence saine puisque le prix n’est pas gage d’efficience ou de qualité, pas plus qu’il ne garantit le succès du projet en définitive. En cas d’échec, l’administration devra relancer le marché et aura perdu son temps et de l’argent », souligne Jaques-Félix Wirtz.
« Ce qui empêche certains acteurs de multiplier les critères, c’est la subjectivité avec laquelle d’autres conditions peuvent être évaluées. La qualité ou la performance ESG, par exemple, sont des éléments plus difficilement quantifiables que le prix. La crainte est dès lors de s’exposer à des contestations, des risques de recours et à un recommencement de la démarche. Chez certains de nos voisins, en Belgique notamment, les recours sont pourtant courants et n’entravent pas systématiquement la réalisation des projets. Au contraire, la pratique permet aux instances publiques de s’améliorer dans la rédaction des cahiers des charges », poursuit David Bernard.
Finalement, face à cette crainte de l’irrégularité juridique, les experts recommandent de miser sur la transparence dans la structuration et la gestion du marché et, pourquoi pas, de constituer un comité d’évaluation rendant la décision finale plus difficilement attaquable puisque fruit d’une évaluation collective. « Dans tous les cas, il serait bénéfique de renforcer l’esprit de collaboration entre le pouvoir adjudicateur et les soumissionnaires. Après tout, l’un et l’autre aspirent à travailler à l’élaboration d’un projet commun ; autant chercher à créer une situation gagnant-gagnant », conclut David Bernard.
Agenda
Des questions sur vos pratiques et processus ? Les « Rendez-vous du secteur public » proposent chaque mois une conférence sur un sujet pertinent pour la fonction publique. Prochaine en date ? Une rencontre autour de la mise en œuvre et de la régulation de l’intelligence artificielle pour vous aider à naviguer vers l’avenir. Rendez-vous le 17 avril.