Santé: entre enjeux de taille et grandes ambitions

La transition digitale tend à rendre toutes sortes d’activités humaines plus intelligentes. C’est pourquoi «nous ne devrions attendre rien de moins que des systèmes de santé qui s’efforcent d’atteindre la maturité numérique en étant adaptatifs, intelligents et interconnectés», selon Pierre-Jean Forrer, Partner, Public Sector Leader, et Rose Semaan, Consultant for Health Industry Transformations chez EY Luxembourg. Tous deux reviennent sur le potentiel des nouvelles technologies dans ce secteur plus que stratégique pour le Grand-Duché.

 

Faire place au changement

Accoutumés aux expériences à la demande et autodirigées dans d’autres domaines de leur vie numérique, bénéficiaires et prestataires en attendent toujours plus du système de santé. Les patients, à l’instar de consommateurs habitués à la personnalisation dans la plupart de leurs expériences de consommation de services, s’attendent aujourd’hui à plus de commodité, de fluidité, de prédictibilité, de transparence, de choix et de personnalisation. Ils contestent les parcours de soins standardisés et aspirent à une prise en charge qui réponde à leurs besoins spécifiques, voire à leurs préférences et à leur situation personnelle. Quant aux professionnels de santé, ils visent à améliorer l’expérience du patient, à personnaliser le traitement médical, à rationaliser les flux de travail afin de consacrer plus de temps aux soins, à mieux utiliser les ressources, mais aussi à minimiser les erreurs.

La technologie intelligente de la santé, associée à des contacts humains empathiques, est en mesure de concilier ces attentes et de transformer la façon dont les soins sont organisés et vécus. «Les nouvelles technologies sont déjà des moteurs du changement. Aujourd’hui, chacun peut surveiller son rythme cardiaque, l’oxygénation de son sang ou sa glycémie via montres connectées et autres patchs. À l’avenir, notre corps sera cartographié par des innovations aussi surprenantes que des implants bioélectroniques, des vêtements intelligents, des capteurs ingérables, des nanorobots ou de la poussière intelligente. De ce fait, le patient pourra non seulement accéder à une gestion individualisée et préventive de sa santé, mais aussi, par exemple, bénéficier d’un suivi à domicile plutôt qu’à l’hôpital. Bien entendu, il reste encore beaucoup à faire pour y parvenir», explique Rose Semaan.

L’intelligence artificielle (IA) – bien qu’elle soulève de nombreuses questions actuellement – laisse entrevoir elle aussi des perspectives plus que prometteuses dans le monde médical. Déjà, elle contribue à réduire les coûts et les inefficacités du système de santé en permettant une gestion plus efficace des ressources et une automatisation de certaines tâches administratives. Dans l’assurance, elle joue un rôle dans la détection et la prévention des fraudes. Mais, bien sûr, elle suscite aussi beaucoup d’espoirs en ce qui concerne l’amélioration de la précision et de la rapidité des diagnostics ou encore l’accélération de la recherche. «L’intelligence artificielle permet d’identifier les moments de la vie d’une personne où elle pourrait être plus à risque de développer certaines conditions ou de voir progresser une maladie existante et donc d’intervenir en amont pour changer le cours de sa vie. Les retours d’expériences sont déjà concluants dans le dépistage de certains cancers, par exemple. Mais tout cela devrait encore évoluer avec une utilisation beaucoup plus poussée en matière de génétique notamment. L’IA aidera à collecter et analyser des volumes de données bien plus importants, à améliorer la prise de décision médicale, à personnaliser les soins, à organiser une surveillance des patients encore plus large et à gérer des maladies chroniques grâce à un certain nombre d’automatismes», indique Pierre-Jean Forrer.

 

Ambitions d’une petite nation

En matière de santé intelligente, le Grand-Duché affiche de grandes ambitions. À la fois au service des résidents et des frontaliers, le secteur est très particulier pour le pays. Le vivier local ne pouvant répondre à l’intégralité des besoins, le Luxembourg fait face à des enjeux majeurs de recrutement des talents et d’organisation des compétences nécessaires au bon fonctionnement du système de soins et au développement de l’innovation. «Le système de santé est une infrastructure critique pour le pays et nous avons encore pu constater récemment qu’il était considéré en tant que tel avec l’inauguration du Health And Life science Innovation (HE:AL) Campus, preuve que le Luxembourg tient à proposer un écosystème à la pointe aux assurés, aux patients et aux professionnels de santé», souligne Pierre-Jean Forrer.

«Les acteurs du secteur, notamment le ministère de la Santé, la CNS et l’Agence eSanté, ont d’ailleurs consenti à d’importants investissements au cours des cinq dernières années, ne serait-ce qu’avec la mise en place du dossier de soins partagé (DSP) qui permet au patient d’avoir accès à toutes ses données de santé et résultats médicaux et d’éviter la duplication inutile de certains examens. Par ailleurs, l’Agence eSanté a investi dans un «data lake», une immense base de données qui, traitée par l’intelligence artificielle, permet d’organiser une veille sur les maladies chroniques et les pathologies rares. Citons également l’avènement de l’e-prescription, du paiement immédiat ou encore les efforts de modernisation de la CNS sur ses chaînes de traitement. En parallèle, le Luxembourg investit énormément pour protéger l’infrastructure et le système d’information de santé et éviter des cyberattaques similaires à celles dont ses voisins ont pu être victimes», ajoute Pierre-Jean Forrer.

Si le secteur public investit massivement dans la transition numérique, le secteur privé n’est pas en reste. L’industrie luxembourgeoise des technologies de la santé connaît une croissance constante depuis quelques années, au point de devenir un important pilier économique. «Le Luxembourg entend faire de l’industrie de la santé un pôle économique majeur. Cette ambition a été réaffirmée lors de la création du HE:AL: le pays veut voir émerger des startups et des sociétés innovantes qui amélioreront la qualité des soins, créeront de l’emploi et renforceront son autonomie», remarque Pierre-Jean Forrer.

 

Facilitateur de transition

Les services de transformation d’EY soutiennent les acteurs du monde de la santé dans leur transition «intelligente» en élargissant leurs capacités numériques, en tirant parti des technologies et en leur permettant d’atteindre leur plein potentiel d’amélioration de l’expérience des soins aux patients, de meilleurs résultats et une réduction des coûts. «Nous travaillons depuis de nombreuses années avec des acteurs privés et publics comme l’Agence eSanté, la CNS ou encore le ministère de la Santé. C’est un secteur qui exige un haut niveau de fiabilité mais qui, une fois la confiance établie, est en réalité plutôt enclin au changement. Cette année, nos missions en la matière ont considérablement augmenté. Grâce à une approche pragmatique fondée sur l’écoute et la bonne compréhension des intérêts de toutes les parties prenantes, nous accompagnons actuellement de nombreuses initiatives en matière de refonte de chaînes de traitement et de cybersécurité. Dans le même temps, nous nous préparons à intervenir davantage à l’avenir dans la digitalisation du parcours des patients dans les hôpitaux», déclare Rose Semaan.

Les experts d’EY Luxembourg s’appuient également sur les expériences et résultats de leurs collègues à l’international et peuvent ainsi proposer au Grand-Duché certains services développés outre-Atlantique. «Globalement, nous explorons les possibilités de collaboration et utilisons notre expérience en matière de technologie, de planification stratégique, de conception organisationnelle et de transformation des processus pour obtenir de meilleurs résultats pour tous: acteurs publics, patients et professionnels de santé», conclut Rose Semaan.

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