Une vie et une carrière d’engagements

Adepte du travail bien fait, Henri Kox, ministre du Logement et ministre de la Sécurité intérieure, revient avec philosophie sur son parcours et retient que l’équilibre se trouve entre la connaissance de ses propres limites et l’application personnelle et publique de ses valeurs profondes. Portrait d’un homme engagé.

 

Le berceau de l’engagement

Henri Kox naît en 1961 à Luxembourg mais grandit dans l’environnement agricole et viticole familial à Remich. Avant-dernier d’une fratrie de onze enfants, il est très vite bercé par l’engagement de sa mère, Elisabeth Kox-Risch, membre puis présidente de la section féminine nationale du CSV en 1973. «La même année, le gouvernement luxembourgeois a entamé des discussions concernant la création d’une centrale nucléaire à Remerschen, dans la commune de Schengen. Ma mère s’est informée sur le sujet, s’est très vite opposée à cette idée et est devenue l’une des principales militantes contre ce projet. Dans ce cadre, elle a lancé l’asbl «Biergerinitiativ Museldall», dont elle était également présidente, pour promouvoir notamment la protection de l’environnement et signaler les dangers du nucléaire pour l’Homme et la biodiversité», indique le ministre.

Témoin direct de cette lutte, l’adolescent qu’il était a grandi au contact des valeurs fortes transmises par le cadre familial et de l’engagement politique et environnemental de sa mère. «J’ai été élevé dans une famille nombreuse et dans un milieu agricole. L’engagement de ma mère pour des causes justes et les valeurs de solidarité qui m’ont été inculquées ont influencé mon parcours et mes prises de décisions et ont forgé mon caractère», explique-t-il.

 

De lycéen rebelle à professeur-ingénieur

Adolescent et lycéen indocile, Henri Kox se trouve un jour confronté au directeur de son lycée qui lui demande s’il souhaite continuer à étudier. «À seize ans, je me suis révolté contre tout et tout le monde. J’ai alors quitté le système scolaire pour commencer un apprentissage à l’ARBED. J’ai laissé le cocon familial derrière moi pour rejoindre ma sœur et son mari qui logeaient à Esch-sur-Alzette. En changeant d’environnement, j’ai eu, pour ainsi dire, un déclic. Mon beau-frère avait lui aussi abandonné l’école très tôt et s’était ensuite replongé dans les études en cours du soir pour terminer son bac. Cela m’a inspiré et j’ai donc terminé mon CATP qui a duré trois ans tout en suivant des cours du soir en mathématiques, allemand, français et physique», déclare-t-il.

Intéressé par la technique et le fonctionnement des machines depuis toujours, Henri Kox a la chance de reprendre un cursus scolaire et obtient son diplôme de fin d’études secondaires techniques à l’Institut supérieur de technologie. Il décroche ensuite un diplôme d’ingénieur en mécanique de l’école supérieure polytechnique de Rhénanie-Westphalie d’Aix-la-Chapelle en 1990. «J’ai appris par l’engagement de ma mère contre le nucléaire qu’il fallait toujours proposer une alternative positive lorsque l’on est opposé à une idée ou un projet. Consciemment ou inconsciemment, c’est en Allemagne que je me suis intéressé à l’exploitation des énergies renouvelables comme les éoliennes ou le photovoltaïque», explique le remichois. La même année, il devient professeur-ingénieur au Lycée technique des arts et métiers à Luxembourg, emploi qu’il exercera jusqu’en 2004.

Pris de passion pour l’enseignement, il utilise son vécu d’élève rebelle pour insuffler l’envie d’apprendre à ses étudiants. «Enseigner dans le technique relève du concret, j’ai toujours orienté ma vision vers l’obligation d’un résultat et l’aboutissement d’un projet. Par exemple, en 1992, nous nous sommes lancés avec d’autres professeurs dans un projet osé: celui de construire une voiture solaire avec les élèves. Celle-ci est d’ailleurs toujours exposée dans le lycée», sourit l’actuel ministre du Logement.

C’est notamment cette curiosité et cette foi en les innovations énergétiques qui a permis, en 2002, la création de l’asbl Eurosolar Lëtzebuerg dont Henri Kox sera le président jusqu’en 2019.

 

Une entrée en politique… malgré lui

C’est en aidant Elisabeth qu’il met un premier pied en politique. «Ma mère, qui avait quitté le CSV pour rejoindre les Verts et s’était présentée aux élections législatives de 1994, m’a un jour demandé de l’aider au sujet de la centrale Turbine Gaz-Vapeur d’Esch-sur-Alzette. C’est de cette façon que je me suis petit à petit engagé en politique avec l’intime conviction que mes idées pourraient plaire aux citoyens. J’ai rejoint le parti en 1996. J’ai ensuite appris à connaître Camille Gira qui est devenu mon ami et qui m’a lui aussi inspiré. J’étais fasciné par son dynamisme et son engagement envers sa commune et sa région, le canton de Redange», explique-t-il.

L’engagement de ma mère pour des causes justes et les valeurs qui m’ont été inculquées ont influencé mon parcours, mes prises de décisions et ont forgé mon caractère

Élu en 1999 au conseil communal de Remich, porte-parole des Verts en 2002, député en 2004, puis échevin en 2005 et bourgmestre de la même commune de 2009 à 2017, Henri Kox a progressivement gravi les échelons. En tant que député, il était président de la commission du Logement et membre de la commission de la Sécurité intérieure et de la Défense, de la commission des Finances et du Budget et de la commission de l’Environnement, du Climat, de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire. «Je n’ai pas été réélu en tant que bourgmestre une troisième fois, mon impatience dans la réalisation des projets a certainement eu raison de moi! Néanmoins, j’ai eu la chance d’être à la tête de Remich le temps de deux mandats et d’apporter ma vision sur l’évolution d’une commune», indique-t-il.

 

Le principe de responsabilité partagée

Nommé à la tête du ministère du Logement et du ministère de la Sécurité intérieure en octobre 2019, un an après les élections, Henri Kox le concède: «Ce n’était pas facile au début, il fallait amener un nouveau style et, surtout, du temps pour apprivoiser ce nouveau monde. Je me suis tout de même impliqué directement dans mes fonctions en restant fidèle à mes valeurs solidaires, sociales et environnementales». Depuis, les crises se sont multipliées et, avec ses deux casquettes de ministre, Henri Kox évoque le principe de responsabilité partagée. «En tant que ministres, nous avons bien sûr une immense incidence sur le devenir du pays, mais nous fournissons les moyens et coordonnons les lois pour donner une direction. Pour le volet sécurité, la police ne peut pas tout résoudre si des phénomènes sociaux ne sont pas résolus. En ce qui concerne le logement, c’est du même acabit: nous écrivons la partition mais la musique se joue dans les communes! D’où la naissance du Pacte Logement 2.0 qui permet de changer de paradigme en favorisant la construction de logements destinés à nos citoyens aux moyens les plus modestes et à protéger les plus vulnérables», déclare le ministre qui s’inspire de villes comme Vienne ou Kaiserlautern pour déployer son programme dédié au logement.

 

Regards sur un parcours vallonné

Cette alternance de succès et de défaites, comme sa non-réélection à la tête de Remich, ont secoué Henri Kox, mais ne l’ont pas rompu. «J’aime comparer mon parcours très sinueux à un sport que j’ai commencé à pratiquer il y a dix ans: le triathlon. Un groupe de passionnés s’était présenté dans ma commune pour en organiser un sur notre territoire. J’ai été piqué par ce sport! J’ose le comparer à la politique. Au milieu du parcours, après l’épreuve cycliste, on a qu’une envie: arrêter. On a mal partout et on se dit qu’on ne se lancera plus dans une telle course. Pourtant, on se remet en selle et on parvient à franchir la ligne d’arrivée», indique-t-il.

Cette analogie, elle dépasse même le cadre politique: une vision, un but, des projets concrets et des résultats. Ainsi pourrait être défini le parcours vallonné d’Henri Kox. Le professeur qu’il était a pris des étudiants sous son aile, leur a donné l’envie d’atteindre un objectif et de rendre l’impossible possible. L’homme politique qu’il était et qu’il est toujours a connu des échecs et des «bas surtout les deux derniers hivers concernant les manifestations contre les mesures anti-Covid et la problématique du logement», mais il a toujours su garder le cap, écouter, reformuler et trouver des compromis pour que les résultats de ses décisions soient clairs et utiles à tous. «N’est-ce pas là, le but d’une démocratie?».

 

«L’importance du sentiment moral et de la forme physique»

«À un âge où je peux décider d’arrêter, je reste ouvert à toutes les propositions», sourit Henri Kox. L’une de ses filles a repris le domaine viticole auparavant tenu par sa femme et le ministre aime s’y retrouver pour se ressourcer et changer d’air au milieu du terroir qu’il affectionne tant. «Mes fonctions m’empêchent de prendre plus de temps pour aider ma famille dans les vignes alors que c’est une activité qui me plaît. L’avenir me dira où je serai dans quelques mois. Je ne peux plus être président d’Eurosolar Lëtzebuerg, mais je pourrais m’engager dans d’autres associations, ou pourquoi pas encore continuer en tant que ministre?», se questionne l’ancien bourgmestre de Remich.

Henri Kox retient avant tout «l’importance du sentiment moral et de la forme physique. C’est pour cette raison que je m’oblige à pratiquer une activité sportive et à prendre du recul sur mes fonctions, notamment grâce à un très bon entourage familial», conclut-il.

 

Par Pierre Birck