Harmoniser la modernité et le patrimoine

Depuis la rentrée 2018, la commune d’Hesperange s’est dotée d’une nouvelle école de musique. Nouvelle? Pas vraiment. En réalité, elle s’est installée dans l’ancienne ferme Dennemeyer. Entièrement rénové, le bâtiment répond à toutes les exigences acoustiques et thermiques actuelles, mais conserve son aspect extérieur d’antan. Laurent Heinen, associé chez InCA, était en charge du projet. Il revient notamment sur ses principales caractéristiques et sur les défis techniques rencontrés en matière d’acoustique, un aspect à ne pas négliger dans une école de musique.

 

Pouvez-vous présenter InCA en quelques mots?

Notre bureau d’études compte 140 collaborateurs répartis sur quatre sites: le siège à Niederanven et les trois bureaux à Luxembourg-Ville, Belval et Diekirch. Notre société a commencé ses activités en se spécialisant dans les calculs de stabilité dans le gros œuvre, puis dans les ouvrages d’art. Ces dernières années, nous nous sommes diversifiés dans d’autres activités comme la physique du bâtiment.

Aujourd’hui spécialisé dans de nombreux domaines, notre cabinet est pluridisciplinaire, ce qui est avantageux pour le client qui dispose d’un seul interlocuteur pour la quasi-intégralité de son projet.

 

InCA a participé à l’élaboration et à la réalisation de l’école de musique d’Hesperange en lieu et place de l’ancienne ferme Dennemeyer. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet?

Situé à Fentange, une section de la commune, ce bâtiment qui a plus de 150 ans d’existence était en effet une ancienne ferme. Les travaux de rénovation ont démarré en 2016 et se sont achevés en septembre 2018; le moment idéal pour accueillir les premiers apprentis musiciens.

L’un des principaux défis était de répondre aux exigences patrimoniales puisque la structure, les menuiseries, l’ancienne cheminée «Haascht» et le carrelage du corps de logis datant du 19e siècle étaient tous classés par l’Institut national pour le patrimoine architectural (INPA).

Nous avons dès lors employé des matériaux semblables à ceux qu’utilisaient nos aïeux pour préserver les aspects historiques et typiques du bâtiment. En laissant les façades intactes par exemple, nous nous devions d’isoler la bâtisse par l’intérieur, ce qui était assez complexe. Nous souhaitions aussi garder les très belles portes d’antan. Rajouter des joints et en augmenter l’épaisseur pour renforcer l’isolation sonore n’aurait pas permis de maintenir l’aspect traditionnel. En les condamnant de l’intérieur, celles-ci restent visibles et l’accès se fait par de nouvelles portes. La cheminée a été conservée mais de nombreux changements ont été opérés pour éviter l’interphonie tout en gardant son aspect historique. La composition de la toiture a enfin été renforcée à l’aide d’une structure métallique restant apparente.

En voilà les principales caractéristiques, sans compter les contraintes acoustiques qui étaient primordiales dans un projet comme celui-ci.

 

Justement, quels ont été les principaux défis en termes d’acoustique dans ce processus de rénovation?

Un tel bâtiment doit non seulement répondre aux nouvelles exigences statiques, mais aussi acoustiques. Nous avons réalisé une étude, puis pris en compte les recommandations des architectes, du cabinet Jean-Petit Architectes, avant de trouver des compromis entre efficacité des matériaux et respect des monuments historiques afin de remplir nos objectifs en matière d’isolation, d’esthétique, de statique, de sécurité incendie et de confort acoustique.

Trouver des compromis entre efficacité des matériaux et respect des monuments historiques afin de remplir nos objectifs

Proche des habitations, l’école de musique ne devait pas impacter les alentours ni gêner la tranquillité du voisinage. Nous avons ainsi travaillé sur l’étanchéité des encadrements des fenêtres et la charpente de la toiture. Nous avons également recherché la composition de vitrage optimale pour que l’isolation acoustique soit performante. De l’extérieur, et si les fenêtres sont fermées, nous n’entendons rien.

Finalement, les planchers en bois de chêne ont été renforcés grâce à un système alliant le béton et le bois tout en conservant au maximum les planches et les poutres existantes. Grâce à un plafond acoustique, celles-ci sont visibles et l’ensemble répond aux critères sonores d’une salle de cours de musique.

 

Plus généralement, le volet acoustique est-il forcément pris en compte lors de l’élaboration d’un projet? Les maîtres d’ouvrage sont-ils sensibles à cette question?

De notre point de vue, ce volet est primordial, mais nous ne sommes malheureusement parfois sollicités qu’à un niveau avancé de l’élaboration des projets. Cela limite notre champ d’action puisque nous devons corriger et composer avec ce qui a déjà été établi au lieu de prévoir cet aspect en amont du projet.

Certains pensent de suite à nous, d’autres moins. Cela dit, étant donné la nature du projet, une école de musique, le travail autour du volet acoustique a très bien fonctionné dès les premiers échanges et la collaboration entre toutes les parties prenantes s’est bien déroulée.

En faisant appel à InCA, un maître d’ouvrage sait qu’il n’aura pas à mandater plusieurs bureaux pour chaque domaine spécifique car, hormis l’HVAC, nous proposons tous types de solutions en interne.

 

Quels sont les projets auxquels vous avez participé et dans lesquels l’acoustique a pris une place importante?

Nous avons réalisé plus de 150 projets en la matière, tous aussi divers que variés, allant de l’école à la salle de spectacle, en passant par les plateaux de bureaux, les études d’impact en tant qu’organisme agréé ou les campagnes de mesures. La Rockhal à Belval, la bibliothèque nationale au Kirchberg, l’extension de la philharmonie, le théâtre Ariston à Esch ou le conservatoire de la Ville de Luxembourg font partie des plus grands projets auxquels nous avons participé.

Actuellement, nous sommes concentrés sur un projet phare: celui de l’hôtel qui sera construit dans l’Hôtel des Postes au sein du quartier Hamilius dans la capitale. Les travaux ont déjà débuté et nous avons réalisé les études au niveau de l’acoustique, de la sécurité incendie et du génie civil. De plus, nous assurons la coordination sécurité-santé du chantier.

 

Un dernier mot sur vos spécialités liées à l’acoustique ou à la scénographie?

Notre bureau est en effet aussi spécialisé dans la scénographie, notamment en ce qui concerne les spectacles en extérieur tels que des festivals, comme le City Sounds au Glacis, ou les concerts de musique classique à la Kinnekswiss, mais aussi les salles de visioconférence ou de spectacle. Nous nous occupons également de la sécurité incendie de tels lieux.

Par ailleurs, les passerelles qui surplombent les voies ferrées à la gare de Luxembourg-Ville ont été modernisées et sont désormais munies de haut-parleurs. Nous avons réalisé des études pour améliorer la sonorisation et l’intelligibilité afin de mieux informer les voyageurs des départs ou des arrivées des trains tout en créant un environnement plus calme.

Nous avons déjà collaboré avec plusieurs communes au niveau de l’acoustique de certaines écoles. Enfin, notre expérience en la matière et notre expertise concernant la construction en bois nous permettent de lier trois domaines qui ne vont pas forcément de pair, à savoir l’acoustique, la sécurité incendie et la stabilité avec ce type de matériau moins résistant au feu.

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