Pour une formation continue de qualité

Porte-voix de plus de 570.000 salariés, apprentis et retraités de statut privé, la Chambre des salariés (CSL) veille à la qualité de vie et au respect des droits et acquis sociaux de ses affiliés. Pour ce faire, elle assure et promeut, entre autres, une formation continue de qualité et accessible à tous via son Luxembourg Lifelong Learning Center (LLLC). À l’heure de la rentrée, Carlo Frising, directeur adjoint de la CSL, revient sur les nouveautés au programme de l’année 2022-2023 et fait le point sur diverses propositions de la CSL visant à améliorer la formation professionnelle continue au Grand-Duché.

 

Une offre en perpétuelle évolution

Le LLLC, organe de formation de la Chambre des salariés, a fêté son demi-siècle d’existence l’année dernière. Pour sa 51e rentrée, il offrira plus de 400 formations diverses dans une quinzaine de domaines. Au programme, deux nouveautés en matière de formation universitaire: un bachelor assistant social, parcours sciences sociales et éducatives en co-diplomation avec deux hautes écoles belges, la Haute École de Namur-Liège-Luxembourg et la Haute École Robert Schuman, et un bachelor gestion, parcours management des activités hôtelières en collaboration avec l’Horesca, la Chambre de Commerce, la House of Training, l’École d’Hôtellerie et de Tourisme du Luxembourg et l’Université de Lorraine (l’IAE Metz). Comme tous les ans, de nouveaux modules seront proposés pour les cours du soirs, qui comptent annuellement 5.000 inscrits en moyenne.

En parallèle, le LLLC planche déjà sur les programmes des années à venir. Sa priorité: élargir son offre pour permettre aux salariés d’affronter les transitions digitale et écologique. «Le Luxembourg est assez mal loti en matière de formation continue dans ces domaines. C’est pourquoi des programmes devront inévitablement voir le jour. Nous offrons déjà des formations avec des partenaires comme CISCO ou l’«University of Luxembourg Competence Centre», mais d’autres développements sont envisagés», indique Carlo Frising. En ce qui concerne les sciences environnementales, des négociations sont en cours pour développer des formations très spécifiques en collaboration avec certains partenaires.

 

Des propositions pour améliorer la formation continue

Force est de constater qu’en matière de formation continue nombre de dispositions contenues dans l’accord de coalition de 2018 n’ont pas encore été concrétisées. Alors que l’introduction d’un véritable droit individuel à la formation continue était inscrite dans le texte, ce droit est encore dépourvu de base légale. Un regret pour la CSL qui plaide pour rendre l’accès à la formation aussi équitable que possible.

Par ailleurs, la Chambre des salariés estime nécessaire de créer un Conseil national de suivi et d’évaluation des formations professionnelles continues. Celui-ci serait chargé d’évaluer les plans de formation des entreprises mis en œuvre dans le cadre de la loi modifiée du 22 juin 1999. «Si l’INFPC réalise une évaluation quantitative de la formation professionnelle continue, nous manquons de données qualitatives qui permettraient de rendre compte de ses retombées pour les entreprises et les salariés et d’orienter pertinemment les discussions sur les politiques de formation futures», affirme Carlo Frising. Une demande d’autant plus importante que l’État cofinance directement les entreprises pour cette forme d’enseignement. Selon la CSL, le modèle de financement est d’ailleurs à revoir. «Actuellement, les entreprises reçoivent un cofinancement direct de l’État pour des formations dont l’efficacité ne fait l’objet d’aucune évaluation. Or, des alternatives sont envisageables. Ne serait-il pas plus juste économiquement que les entreprises contribuent au système par une sorte de taxe formation puisqu’elles en sont les bénéficiaires? Il serait alors opportun d’instituer un organisme collecteur à gestion tripartite, inspiré du modèle français, qui aurait pour mission de gérer des fonds de formation et de fixer annuellement les priorités nationales», poursuit-il. Pour la Chambre des salariés, un tel système devrait aller de pair avec un mécanisme d’assurance qualité. Seules les formations remplissant certains critères devraient bénéficier du cofinancement étatique. En outre, ce système d’assurance devrait permettre de référencer de nouvelles qualifications sur le cadre luxembourgeois des qualifications.

Autre proposition de la CSL: promouvoir et faciliter l’accès des salariés à des formations continues plus longues et qualifiantes. Pour ce faire, elle ne manque pas d’idées. Premièrement, elle souhaiterait que soient revus la durée et le mode de calcul du congé individuel de formation (CIF). «Celui-ci est limité à 80 jours sur toute une carrière et à 20 jours sur une période biannuelle. Ceci est trop peu pour entreprendre une formation qualifiante délivrant un diplôme d’aptitude professionnelle, par exemple. C’est pourquoi nous plaidons pour une adaptation du CIF, quitte à miser sur un meilleur agencement de celui-ci avec certains dispositifs existants», déclare Carlo Frising. Deuxièmement, la Chambre suggère que soit introduit dans les entreprises, à côté du plan de formation interne, un véritable plan de qualification permettant d’offrir des perspectives d’évolution professionnelle aux salariés peu ou pas qualifiés. Troisièmement, elle estime nécessaire d’élargir les possibilités de formation continue. «Il faudrait non seulement construire un système basé sur un enseignement modulaire préparant aux diplômes qui répondent aux divers besoins des apprenants et des entreprises, mais aussi assouplir les exigences au niveau des prérequis traditionnels permettant d’accéder à la formation de son choix», considère le directeur adjoint de la CSL. Enfin, celle-ci souhaiterait inviter les responsables politiques à promouvoir et à simplifier le dispositif de la validation des acquis de l’expérience (VAE) afin que chaque individu puisse valoriser l’ensemble de ses compétences et connaissances, quelles que soient les circonstances dans lesquelles il les a acquises. «La procédure de VAE actuelle laisse peu de chances de réussite à certaines personnes, tout simplement parce qu’elle est trop bureaucratique et recourt à un vocabulaire académique peu familier à certains salariés. C’est pourquoi il est nécessaire non seulement de faciliter les procédures, mais aussi d’instaurer un congé VAE de 24 heures pour permettre à chaque salarié de s’absenter de son lieu de travail pour entamer une démarche de validation. En outre, il conviendrait d’ouvrir la VAE aux niveaux universitaires. Il est un peu aberrant qu’un individu ne puisse pas valider tout un cursus pour obtenir un diplôme de niveau bachelor ou master alors que cette possibilité existe à 20 km de nos frontières», estime Carlo Frising.

Au directeur adjoint de conclure en interpellant sur une autre mesure inscrite dans l’accord de coalition de 2018 qui demande encore à être concrétisée: la création d’«Individual Learning Accounts». «Les comptes personnels de formation existent déjà dans d’autres pays européens. Pour la Chambre des salariés, il serait sans aucun doute opportun d’introduire un tel instrument au Luxembourg. Ses modalités devraient faire l’objet de discussions entre l’État et les partenaires sociaux».

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