Transformer les résidus en matière première

Fondée en 1902 par Félix Cloos et implantée depuis plus d’un siècle au Luxembourg, la société CLOOS S.A. est riche d’un long savoir-faire. Spécialisée dans la production de granulats, l’entreprise fournit aujourd’hui des matériaux indispensables au secteur de la construction tout en lui apportant une plus-value économique et écologique. Explications avec Tim Schlink, administrateur délégué. 

 

Une philosophie circulaire 

Au sein de ses quatre sites implantés au Luxembourg et dans la Grand Région, la société CLOOS S.A. produit des granulats à destination du secteur des routes et de la construction. Historiquement, la société exploitait les crassiers de laitier de haut-fourneaux apparus avec le développement de l’activité sidérurgique. Le laitier, sous-produit de l’industrie sidérurgique, était généré au cours du processus de fabrication de l’acier. Ce dernier était séparé de la fonte et était déversé dans des lieux définis qui sont devenus des crassiers. Le laitier en fusion cristallisait au cours de son refroidissement à l’air libre pour donner un matériau induré grisâtre similaire à une roche. 

Si cette dernière peut s’apparenter à une pierre naturelle, son accumulation en crassier est donc d’origine purement anthropique et cela représente un enjeu de taille pour l’industrie sidérurgique, dont la valorisation de ces volumes est la finalité ultime. «Notre travail consiste à exploiter le crassier. Cela se fait couche par couche, à l’aide de plusieurs engins de chantier: un bulldozer désolidarise les masses et les pousse pour qu’ensuite un autre engin de chantier récupère le tout-venant et alimente des installations de traitement. Celles-ci sont constituées d’un jeu de concasseurs et de cribles qui permettent respectivement de réduire la taille des blocs et de les trier en fonction de leur calibrage». Les granulats ainsi produits sont par la suite revendus, principalement aux secteurs des routes et de la construction. 

Depuis la fermeture des haut-fourneaux dans les années 1990 et leur remplacement par des fours électriques, les derniers gisements de laitier arrivent à épuisement. Toutefois, les fours électriques génèrent, à l’instar des anciens hauts-fourneaux, des sous-produits valorisables de la même manière que le laitier: ce sont les scories de fours électriques. 

En parallèle, l’entreprise CLOOS S.A. a développé une autre activité qui renforce son engagement dans le domaine de l’économie circulaire et de la réutilisation des matériaux. En effet, Tim Schlink et son équipe récupèrent le béton issu des déconstructions des bâtiments. Après un contrôle de qualité de la matière, celle-ci passe par le même procédé que les résidus métallurgiques et se transforme en granulats recyclés qui permettront de bâtir de nouveaux édifices. 

Ces activités répondent à deux enjeux principaux: l’un économique, l’autre environnemental. «En réalité, les deux sont intrinsèquement liés: lorsque les matériaux sont réutilisés, l’homme exploite ce qu’il possède déjà et il minimise son impact sur son écosystème», indique l’administrateur délégué. «Une tonne recyclée, c’est donc une tonne directement économisée sur les ressources naturelles». 

 

S’adapter aux difficultés 

La pénurie des matériaux représente une problématique importante à l’heure actuelle. «Il est important de souligner qu’en tant que fournisseur, nous arrivons à maintenir une production suffisante pour approvisionner et livrer nos clients en temps et en heure. Toutefois, il faut préciser que les délais de livraison de toutes les pièces de rechange, et globalement tous les équipements de travail, se sont considérablement rallongés. Afin de pallier les pénuries et leurs impacts, nous mettons un point d’honneur à anticiper le plus possible. De la sorte, nous sommes en mesure de contrôler les aléas du marché. Par exemple, si avant nous commandions quatre pièces, maintenant nous en commanderons six, ce qui nous permet d’optimiser notre stock et de l’adapter à nos besoins», souligne Tim Schlink.  

Toutefois, le véritable défi que rencontre l’entreprise productrice de granulats prend sa source dans l’augmentation du prix des énergies puisque les machines ont besoin d’électricité et de carburants pour fonctionner. «Les fournisseurs développent petit à petit des solutions, telles que les carburants verts. De notre côté, nous avons récemment acquis des petits engins électriques, ce qui réduit notre consommation de carburant et diminue les émissions de CO2. En outre, nos engins sont renouvelés en permanence afin de nous conformer aux dernières normes et d’augmenter l’efficience de nos équipements», expose l’administrateur délégué. 

Une tonne recyclée, c’est une tonne économisée sur les ressources naturelles

L’utilisation de panneaux photovoltaïques n’est malheureusement pas envisageable à l’heure actuelle pour les installations de la société CLOOS S.A., car les installations demandent trop d’énergie et un approvisionnement constant. Toutefois, les sites d’exploitation, une fois arrivés au bout de leurs capacités, sont réaménagés. Ces changements sont envisagés en collaboration avec les administrations communales. Par exemple, à Mondercange, la commune réfléchit à transformer le site de stockage de déchets inertes en parc photovoltaïque. 

 

Des projets pilotes 

Le fournisseur de granulats en tout genre s’y connaît donc bien en seconde vie. D’ailleurs, il développe actuellement un nouveau produit: jusqu’à présent, les terres d’excavation étaient mises à la décharge, mais, au vu des quantités importantes qui y étaient jetées, l’idée est née de trouver un moyen de les recycler. 

Pour ce faire, la société centenaire se penche pour le moment sur une production de briques en terre crue. En s’associant à un partenaire suisse, Terrabloc, qui l’accompagne dans le développement technique, et un partenaire luxembourgeois, Neobuild qui assure une partie du développement ainsi que la coordination du projet, CLOOS S.A. a créé la société Géobloc, entièrement dédiée à celui-ci. Afin de mettre à l’épreuve ses briques, deux projets pilotes sont en cours de réalisation. Le premier prend place dans la commune de Bissen et les plans sont actuellement en réflexion. Le second est plus avancé puisque ses plans sont terminés et que la production des briques a commencé. Ce projet a été envisagé pour la nouvelle crèche de Roodt-sur-Syre, dans la commune de Betzdorf.  Un édicule sera construit à partir des blocs de terre crue. La fin de la construction de cette crèche est prévue pour 2023 et elle permettra à Tim Schlink et ses équipes de montrer toute la qualité et le potentiel de ces matériaux durables, tournés vers l’avenir. 

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