«Qui construit, construit pour nous tous»
Durant son mandat, Michelle Friederici, la nouvelle présidente de l’Ordre des Architectes et des Ingénieurs-Conseils (OAI), compte, entre autres mesures, sensibiliser la jeunesse à l’architecture. Elle propose aussi un «code» de l’architecture de qualité, pour un environnement bâti plus cohérent, durable, inclusif, résilient et beau, avec des réponses adéquates au contexte du lieu et du bien-être des usagers.
Pour quelles raisons avez-vous choisi d’occuper la présidence de l’OAI?
Je suis engagée auprès de l’OAI dans les groupes de travail depuis de nombreuses années déjà, ainsi qu’au sein du Conseil de l’Ordre depuis deux ans. Quand Jos Dell a annoncé qu’il ne souhaitait pas présenter à nouveau sa candidature, la discussion en interne a commencé pour réfléchir à qui pourrait prendre sa suite. Je ne me suis pas décidée tout de suite, mais, après réflexion, il me semblait intéressant de le faire. Par ailleurs, je représente un petit bureau, une taille de structure qui est la plus commune au sein de nos professions. Cela me semblait bien que ce ne soit pas un architecte issu d’un grand bureau qui reprenne la présidence. Par ailleurs, l’idée qu’une femme devienne présidente me plaisait.
Quelles initiatives comptez-vous impulser durant ce mandat?
Je veux d’abord poursuivre le travail entamé par le Conseil de l’Ordre, pour faire reconnaître non seulement la valeur de nos professions, mais aussi l’intérêt d’avoir recours à nos bureaux selon la devise «Design first, build smart».
Ensuite, ce qui me tient à cœur est l’attribution des missions. Nos membres sont pour plus de 74% des petites structures, qui doivent répondre à des cahiers des charges qui incluent des exigences beaucoup trop élevées concernant le chiffre d’affaires, les effectifs ou encore les projets réalisés. La préparation de tels dossiers est très lourde. Je veux que cette demande soit standardisée, que tous les bureaux aient accès aux mêmes questions et soient évalués sur base de la qualité de leurs idées.
En outre, la question de la sensibilisation du jeune public est un élément que je trouve très important pour l’avenir de nos professions. Je souhaiterais que cette sensibilisation à la culture du bâti soit intégrée aux programmes scolaires, tout comme l’est celle aux arts plastiques. Il me semble donc nécessaire de nous rapprocher du ministère de l’Éducation nationale.
Quelle sera par ailleurs votre feuille de route durant ce mandat?
Elle est centrée sur trois axes principaux: il importe d’abord de disposer d’un cadre légal juste, proche du terrain. Il s’agit d’amplifier encore les efforts de simplification administrative, dont le besoin a été mis en lumière par le Guide Urbanisme instauré en collaboration avec l’OAI. Nous plaidons pour l’établissement d’un véritable code de la construction structurant et hiérarchisant tous les textes applicables en matière de construction.
Ensuite, le cadre contractuel doit être équitable et en adéquation avec les missions d’intérêt général des professions OAI. Les prestations à fournir par nos bureaux ont augmenté en complexité et en volume. Il importe que la rémunération y afférente soit à la hauteur de la réalité de leur travail et de leur engagement.
Enfin, il faut garantir un accès «fairplay» aux marchés, notamment à la commande publique, sur base de critères de qualité, indépendamment de la taille ou de l’expérience du bureau. Il s’agit de reconnaître d’abord les bonnes idées, les solutions innovantes, avant de mettre en place l’équipe pour les réaliser.
Nous proposons de nous orienter vers un «code» de l’architecture de qualité
Quels sont selon vous les principaux défis que les architectes, les ingénieurs-conseils et les urbanistes rencontrent aujourd’hui?
Avec leur vision holistique, inclusive, interdisciplinaire, de haute qualité et à long terme de notre culture du bâti et de notre vivre-ensemble, les membres de l’OAI sont prêts pour aider à relever les défis majeurs face aux crises climatique, du logement, de la mobilité, d’espaces publics de qualité…
Ils fournissent une contribution essentielle à notre bien-être commun en prenant en compte la diversité territoriale et les besoins de notre société civile. La Maîtrise d’œuvre OAI – MOAI.LU développée par l’OAI est une méthodologie qui vient soutenir les concepteurs pour assurer un équilibre juste entre économie, environnement et équité sociale. Ainsi, en équilibrant les intérêts des maîtres d’ouvrage et des utilisateurs avec l’intérêt général, la Maîtrise d’œuvre OAI est au cœur des acteurs en charge de la création de notre environnement de qualité.
Selon vous, qu’est-ce que la pandémie a changé pour les professions OAI et pour leur exercice?
Nos membres étaient pour certains déjà très avancés dans la digitalisation de leurs méthodes de travail, et ont pu continuer leurs activités dès le début de la crise. Il est cependant essentiel de les soutenir, notamment financièrement, pour poursuivre cet effort important.
Le télétravail a montré son potentiel, mais également ses limites. Certaines phases du projet, par exemple sur chantier, ne peuvent être suivies à distance.
En outre, il importe que tous les acteurs, notamment du secteur public, mettent en place systématiquement des méthodologies de visioconférence permettant de présenter et de communiquer tous les documents de projets dans les différentes phases de mission. Il en résultera un gain de temps important, ce qui permettra de se concentrer sur les réunions ou rencontres vraiment importantes en présentiel. Les deux façons de faire peuvent être parfaitement complémentaires.
Le bon usage de méthodes digitalisées et l’émergence de nouvelles formes de travail collaboratif que cela pourra entraîner sont également avantageux sur le plan environnemental et économique (diminution de l’impact carbone et réduction du coût économique de la mobilité forcée).
Dans le contexte de la digitalisation, il sera utile de généraliser la remise et la validation des dossiers en ligne pour tous les acteurs publics (maîtres d’ouvrage et administrations), et d’assurer la sécurité juridique des échanges dématérialisés. De manière générale, cette crise montre qu’une véritable simplification administrative et une digitalisation efficiente sont vitales.
Quelles solutions souhaiteriez-vous proposer ou mettre en place en réponse à ces éventuels défis et changements?
Il est essentiel de relancer voire de mettre à jour le programme de politique architecturale préparé à l’initiative de l’OAI par le groupe interministériel et interprofessionnel «Pour une politique architecturale» et approuvé par le gouvernement le 11 juin 2004.
Nous proposons de nous orienter vers un «code» de l’architecture de qualité, réalisé en symbiose avec le code de la construction, ceci dans l’objectif de tendre vers un environnement bâti plus cohérent, durable, inclusif, résilient et beau. Le but ultime est de trouver le juste équilibre entre le déploiement des techniques et la réponse adéquate au contexte du lieu et du bien-être des usagers. Car, qui construit, construit également pour nous tous…
Par ailleurs, il faut mettre l’accent sur la phase de programmation, en définissant mieux les besoins et le cadre d’intervention. Une fois le programme bien défini, il sera plus aisé de trouver le bon moyen pour le mettre en œuvre. Pour cela, il faut par exemple que les services des communes continuent de s’étoffer et que leur collaboration s’intensifie afin de résoudre les questions au bon moment. L’OAI, en collaboration avec le SYVICOL, travaille actuellement sur des outils en la matière.
Plus d’infos sur www.oai.lu