Une crèche pour l’avenir

En tant que commune adhérente au Pacte Climat, Betzdorf s’est fixé des objectifs ambitieux dans le cadre de sa stratégie climatique et énergétique. Il y a trois ans, la commune s’est engagée à réaliser une nouvelle crèche à Roodt-sur-Syre. Jean-François Wirtz, Martine Schummer et Filipe Valente, respectivement bourgmestre de Betzdorf, associée-administrateur de Schroeder & Associés et architecte fondateur du bureau Valente, nous expliquent les principes de ce projet pilote en écologie, en construction durable et en économie circulaire.

 

Pouvez-vous présenter la future crèche de Betzdorf?

JFW: Nous construirons une nouvelle crèche à Roodt-sur-Syre. Celle-ci sera livrée en 2023 et fait suite à une étude, lancée en 2018, relative au développement démographique de notre commune et au potentiel d’extension du campus scolaire actuel. Les résultats de cette analyse ont confirmé la nécessité de mettre en place une nouvelle crèche pour répondre aux besoins futurs et qui pourra accueillir 96 enfants de 0 à 4 ans. Après plusieurs réflexions et discussions, nous avons opté pour une construction innovante, durable et écologique s’appuyant sur les principes de l’économie circulaire. Nous sommes accompagnés par le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable et le ministère de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire et collaborons notamment avec le bureau d’ingénieurs conseils Schroeder & Associés et les bureaux d’architectes berlinois ZRS et luxembourgeois Valente.

 

Pourquoi avoir choisi cette philosophie et quelles sont les principales caractéristiques techniques et structurelles de cette crèche?

JFW: C’est suite à une rencontre avec le bureau d’architectes ZRS dont la philosophie se fonde sur les aspects liés à l’environnement, à l’économie circulaire et à la réutilisation des matériaux que nous nous sommes dit qu’il fallait lier la crèche à ces principes. Ce bureau est même considéré comme un pionnier dans le domaine de la construction durable. En tant que maître d’ouvrage, il est nécessaire d’assurer les frais et de s’engager dans cette direction puisque nous axons notre politique autour des principes écologiques. De notre point de vue, cette philosophie est indispensable pour toutes les constructions futures, et pas seulement pour cette crèche.

Une construction innovante, durable et écologique s’appuyant sur les principes de l’économie circulaire

FV: Dans le cadre de cette construction, nous recourons majoritairement au bois et à l’argile. Ce dernier matériau ancien est de plus en plus utilisé en Allemagne. Par chance, la commune construit le nouveau centre d’incendie et de secours à Mensdorf et a dû excaver de l’argile du sol pour ce chantier. La matière première était dès lors présente localement. Dans la même idée, le bois provient en partie des forêts communales et de différents projets de déconstruction de bâtiments communaux, à savoir l’ancienne école de Betzdorf, une ancienne ferme à Olingen et la maison unifamiliale qui se trouve sur le terrain de la future crèche. Un inventaire des matériaux de ces sites a été réalisé. Ceux-ci ont été démontés et stockés afin de pouvoir les réutiliser comme éléments de construction pour notre nouveau chantier.

MS: Si les blocs sont en terre crue, les structures en bois régional et les cloisons en bois de hêtre local, nous recourons également au béton pour les parties du bâtiment qui sont au contact du sol. Étant donné l’importance de l’aspect environnemental du projet, nous avons opté pour un ciment qui émet le moins de CO2 possible, soit 80% de carbone en moins par rapport à un ciment standard. L’ensemble des matériaux qui compose ce projet est soumis à une batterie de tests et d’analyses écologiques pour créer un bâtiment sain. C’est un vrai défi car les technologies, les produits et les matériaux évoluent très vite et les recommandations sur ces derniers aussi.

 

À l’heure où les bâtiments s’imprègnent de technologies en tous genres, vous avez opté pour une infrastructure «low tech». Pourquoi?

JFW: C’est un pilier important de notre projet. Nous ne souhaitions pas investir dans pléthore d’appareils pour optimiser la ventilation ou remplir le lieu d’écrans aux multiples fonctions. Nous désirons simplement un bâtiment qui soit robuste et ouvert à la diffusion en se séparant des technologies superflues. La construction de la crèche est un retour aux sources car nous y utilisons le bois et l’argile. L’argile régule de façon naturelle le taux d’humidité. Le vitrage capte la chaleur du soleil pour chauffer le bâtiment en hiver et pour l’été, nous avons opté pour des plantations afin d’amener de l’ombre. L’objectif était de réduire la consommation énergétique par la lumière et la chaleur solaire. Enfin, la toiture verte offre un effet naturel de régulateur. En quelque sorte, nous construisons comme nos ancêtres l’auraient fait il y a 100 ou 200 ans.

FV: En résumé, nous souhaitions que l’homme participe au bâtiment et à son fonctionnement au quotidien. L’un des challenges était de construire un édifice qui s’intègrerait dans un site peu spacieux en choisissant les matériaux les plus écologiques.

 

Qu’en est-il de la participation citoyenne à ce projet?

JFW: En raison de l’épidémie de Covid-19, nous avons eu des relations minimales avec nos citoyens. Aujourd’hui, nous désirons communiquer davantage à ce sujet. De plus, les gens commencent à prendre conscience des enjeux environnementaux. Les citoyens jouent un rôle important dans nos projets. Lors de la construction de l’école, par exemple, nous avions fait appel aux parents, aux enfants ou encore aux éducateurs pour l’aménager et créer une cour personnalisée. Dans le cadre de la crèche, nous partons sur les mêmes principes. Les bancs seront élaborés avec le garde forestier et les parents, tandis que les enfants réaliseront des œuvres qui leur sont personnelles pour décorer l’intérieur par exemple.

Par ailleurs, le concept du bâtiment a été élaboré en étroite collaboration avec les exploitants de notre maison relais afin de définir, avec eux, une infrastructure optimale qui puisse répondre à leurs besoins et à ceux des enfants. Ce n’est pas la crèche du conseil communal, mais bien celle des jeunes enfants de Betzdorf.

MS: Tous les parents aspirent au meilleur pour leurs enfants. L’idée d’une crèche implantée dans un environnement sain et avec des matériaux du même acabit prend ainsi tout son sens.

 

Ce projet a-t-il vocation à inspirer d’autres communes?

MS: En tant que bureau d’études, nous ne pouvons que saluer le courage et la détermination du maître d’ouvrage, à savoir la commune de Betzdorf. Un tel projet demande énormément de travail, de recherche et d’investissement. Cette méthode de construction est plus coûteuse. Si elle n’est pas rentable à court terme, elle l’est à long terme puisque les frais de fonctionnement ou d’entretien de la structure seront moins élevés tout au long de sa durée de vie.

JFW: La crèche est un projet phare dans notre stratégie Pacte Climat. Nous nous engageons dans de nouvelles méthodes de construction en mettant un accent particulier sur l’économie circulaire. Tous les matériaux utilisés pour la construction du bâtiment doivent être réutilisables à d’autres fins, à une date ultérieure. Pour permettre une seconde vie à ces matériaux, ceux-ci ne seront pas collés, mais fixés de manière mécanique, de sorte que le bâtiment puisse être démonté en fin de vie. À travers ce projet, nous souhaitons démontrer qu’il est possible d’appliquer cette philosophie de construction au niveau communal. Si nous pouvons inspirer d’autres bourgmestres dans cette voie, alors nous aurons tout gagné.

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