Centre de Consolidation de la Construction: une expérience logistique prometteuse

En moyenne, un paquet livré sur un chantier sera déplacé à huit reprises avant d’être utilisé, soit parce qu’il n’a pas été déposé au bon endroit, soit parce qu’il est délivré en avance par rapport au planning et gêne les corps de métier en activité. Une gestion logistique inappropriée détourne les ouvriers et artisans de leur cœur de métier. Pour mettre fin à ce gaspillage de temps et de compétences, l’entreprise générale CLE a créé, en collaboration avec le LIST et les CFL, un Centre de Consolidation de la Construction (CCC). Ce système logistique où les flux de livraison sont régulés par les besoins du chantier permet d’atteindre le fragile équilibre entre stockage rationnalisé sur site et transports optimisés. Explications avec Omar Maatar, directeur de travaux chez CLE.

 

Qu’est-ce qu’un CCC et quels avantages présente ce système logistique?

Un Centre de Consolidation de la Construction consiste à confier la logistique à un professionnel du secteur qui met à disposition un lieu de stockage intermédiaire où transite le matériel de nos sous-traitants avant sa livraison sur chantier. Plutôt que de surcharger les espaces de stockage d’un chantier pour rationaliser le transport et au lieu d’affréter des camions à moitié vides pour libérer de la place sur site – deux situations qui peuvent engendrer des conflits, des nuisances mais aussi une perte de visibilité et de fiabilité tant au niveau du planning des travaux qu’au niveau des coûts – recourir à un CCC permet d’optimiser les flux d’approvisionnement. En effet, les logisticiens de cet entrepôt intermédiaire préparent des kits de matériaux en fonction des besoins du chantier et affrètent le véhicule justement dimensionné qui délivrera la commande au bon moment et là où elle doit être mise en œuvre. Cette optimisation de nos processus a pour objectif de fiabiliser nos délais d’exécution et de maîtriser nos coûts. La démarche étant totalement expérimentale au Luxembourg, il nous a fallu convaincre nos sous-traitants de se lancer dans l’aventure.

 

Comment avez-vous appréhendé l’introduction d’un intermédiaire dans la chaîne logistique?

Recourir à un CCC permet d’optimiser les flux d’approvisionnement

En recourant à un CCC, une relation tripartite s’établit entre l’entreprise générale, les sous-traitants et le logisticien. Pour éviter de nous noyer dans les papiers et les emails, nous avons mis en place un site internet consultable par toutes les parties prenantes et permettant d’avoir une vue d’ensemble sur les réceptions qui s’effectuent au CCC et de planifier les livraisons des différents kits sur le chantier. Les nombreuses fonctionnalités de cette plateforme digitale permettent à chacun de suivre sereinement l’état d’avancement du projet.

 

Ce système logistique a été expérimenté sur le chantier de la tour Aurea à Differdange. Est-il transposable à tout type de projet?

Le projet Aurea est localisé dans une zone résidentielle où nous manquions cruellement de place: nous n’avions pas de zone de stockage et ne disposions que d’un seul accès pour livrer une tour de 14 étages et 138 logements dans lesquels tous les corps de métier travaillaient simultanément. Sans approche de gestion des flux parfaitement maîtrisée, nous aurions eu des difficultés supplémentaires à gérer. C’est pourquoi ce système, auquel nous réfléchissions déjà depuis quelque temps, a pu et a dû se concrétiser ici. J’estime toutefois qu’il pourrait être appliqué à d’autres projets, notamment parce qu’il permet les livraisons en horaire décalé. C’est un moyen d’éviter les embouteillages et c’est finalement un choix qui risque de se muer en nécessité tant le Luxembourg connaît de problèmes de trafic. D’autre part, notre expérience a révélé que le recourt à un CCC permettait de diviser par deux le nombre de livraisons sur chantier et, par conséquent, de diminuer de moitié les émissions de CO2, mais aussi de réduire les coûts de 20%. Bien que nous n’ayons pas pu quantifier ce facteur, l’introduction du CCC a aussi permis à l’encadrement de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. C’est donc une approche logistique qui peut s’avérer bénéfique sur tout type de chantier.

 

Les entreprises qui ont tenté l’expérience à vos côtés ont-elles été convaincues par ce système?

Nous avons réalisé trois enquêtes de satisfaction au terme de l’expérimentation. La première, menée auprès des chargés d’affaires et des directeurs des entreprises partenaires, a récolté 100% d’avis favorables. La même enquête réalisée auprès de leurs ouvriers a obtenu 95% de retours positifs. Finalement, nous avons réalisé le même sondage en interne, auprès de notre encadrement, et avons reçu 100% d’opinions positives également. Toutes les parties prenantes ont donc tiré profit de cette expérience et chacune souhaite d’ailleurs réitérer l’expérience.

 

Compte tenu des résultats prometteurs obtenus, quel avenir réservez-vous au CCC?

Le projet suscite l’engouement grâce au bouche-à-oreille et de nouveaux sous-traitants sont venus frapper à notre porte avec la volonté de participer à une seconde expérimentation. C’est pourquoi nous répliquons actuellement l’expérience sur plusieurs sites en étendant le dispositif à d’autres lots, ce qui permettra de diminuer encore le nombre de véhicules sur chantier.

Ces nouveaux projets nous permettent également de travailler sur d’autres axes d’amélioration. Nous nous sommes par exemple associés à Polygone qui jouera non seulement le rôle de logisticien mais qui optimisera aussi la gestion et l’évacuation des déchets afin que, une fois déchargés, les camions de livraison ne repartent pas à vide. De plus, nous testons actuellement un système de tournées. Dans cette configuration, un CCC est mis au service de deux chantiers et les véhicules livrent successivement chaque site avant de rentrer au dépôt. Nous espérons que cette alternative améliorera encore les résultats du système.

 

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