«L’architecture est un art lié à une fonction»

WeB Architecture & Urbanisme

Leurs volumes atypiques, leurs formes asymétriques et leur caractère anguleux leur confèrent un je-ne-sais-quoi d’unique. Les réalisations de WeB Architecture, de l’aménagement d’espaces publics et bâtiments au design de mobilier en passant par l’architecture d’intérieur, sont aussi diversifiées que reconnaissables. Depuis ses débuts en 2004, le bureau a considérablement étendu ses activités de manière à pouvoir penser ses projets de la première esquisse à la dernière vis. Rencontre avec Jean-Claude Welter, associé et fondateur de WeB Architecture.

 

L’«art»chitecture

Jean-Claude Welter, architecte, et Maurice Bley, technicien en bâtiment, décident d’associer leurs compétences (et leurs initiales) en 2004, fondant ainsi WeB Architecture. Leur bureau, niché au centre de Grevenmacher, se développe au fil des années. Désormais fort de 17 talents et aujourd’hui établi dans des bureaux à la physionomie sculpturale sur les rives de la Moselle, il conçoit des édifices de tous types. «Nous travaillons sur une grande diversité de projets, ce qui est un peu notre atout. Nous édifions aussi bien des bâtiments résidentiels, administratifs que commerciaux, de petite, moyenne ou grande taille, pour des maîtres d’ouvrage publics ou privés. Dans tous les cas, l’important pour nous est l’architecture en elle-même. Même si cela nécessite davantage de patience, que ce soit au niveau des autorisations ou de l’exécution, nous avons à cœur de développer des projets qui sortent des standards. Selon nous, l’architecture est un art lié à une fonction. C’est pourquoi nous imaginons pour chaque projet une architecture unique, voire inaccoutumée pour sa fonction», dévoile Jean-Claude Welter.

Une fois la porte d’un bâtiment poussée, il est possible de retrouver la patte de WeB Architecture à l’intérieur puisque le bureau propose également des services d’aménagement et de décoration d’intérieur mais aussi de design de mobilier. De la poignée de porte au meuble sur-mesure en passant par la chaise de salle à manger, WeB prolonge l’identité architecturale du projet jusque dans les moindres détails. «Nous développons essentiellement ces activités pour nos maisons exclusives. Le maître d’ouvrage nous demande parfois d’aménager tout l’intérieur (à savoir la cuisine, les chambres à coucher, les dressings, la bibliothèque, etc.) afin de prolonger la ligne architecturale dans l’habitation. Nous pensons alors le projet jusqu’à la dernière vis! Parfois nous aménageons également les jardins, ce qui est une de mes passions», explique le cofondateur du bureau.

 

Des réalisations remarquables et remarquées

Parmi les récentes réalisations du bureau d’architecture, trois se sont dernièrement distinguées lors du Bauhärepräis OAI 2020. Le prix, remis par l’Ordre des Architectes et des Ingénieurs-Conseils, récompense tous les quatre ans les maîtres d’ouvrage à l’origine de projets aboutis salués pour leur architecture, leur ingénierie ou leur urbanisme de qualité. C’est ainsi que WeB Architecture s’est vu gratifier de trois nominations: l’une dans la catégorie «logement individuel» pour une maison unifamiliale à Berbourg, l’autre dans la catégorie «logement collectif, public» pour les logements sociaux Gilgesgässel à Grevenmacher et la dernière dans la catégorie «bâtiment à vocation commerciale» pour un immeuble administratif à Potaschberg.

«L’habitation de Berbourg qui nous a valu une nomination a été conçue avec des matériaux durables et authentiques. Structure, charpente et bardage sont en bois et rappellent la forme d’une grange, clin d’œil à l’ancienne ferme qui occupait auparavant le terrain. Le second projet pour lequel nous avons reçu une nomination est né de la volonté de la commune de Grevenmacher d’exploiter des Baulücken proches du centre-ville. Nous y avons conçu un bâtiment renfermant cinq logements sociaux. Situé dans le noyau historique de Grevenmacher, nous avons veillé à ce qu’il s’intègre au mieux à l’architecture de la vieille ville en en reprenant certains codes, notamment au niveau des ouvertures. Quant à l’immeuble de Potaschberg, il abrite différents commerces au rez-de-chaussée et deux étages de bureaux. La difficulté du projet résidait essentiellement dans la forme du terrain: un triangle de terre aux abords d’un rond-point. Afin d’exploiter au maximum la surface disponible, ce sont finalement les limites de la parcelle qui ont déterminé la forme du bâtiment. À l’intérieur, les techniques dans le sol ou dans les plafonds ont été compactés au maximum pour gagner en volume», détaille l’associé.

Au-delà des bâtiments de bois, de pierre, de béton et d’acier qui s’élèvent aux quatre coins du pays, d’autres se dessinent sur plans et devraient bientôt se matérialiser. Le bureau travaille actuellement sur un pavillon restaurant en ossature bois qui trouvera ses quartiers dans un parc de la capitale pour la LUGA 2023, sur le nouveau centre culturel de Biwer ou encore sur un projet de résidence de six appartements pour l’Agence Immobilière Sociale (AIS) à Altrier. Avant que ces nouveaux édifices ne sortent de terre, il aura également mis un terme à la rénovation et à l’extension de la maison d’Osbourg, monument national qui abrite l’école régionale de musique de Grevenmacher.

 

Façonner l’espace public

Communément classifié comme le «premier art», l’architecture aime profiter d’une certaine liberté, latitude que confèrent souvent les marchés publics. «Lorsque nous concevons un projet privé, nous devons composer avec les visions (parfois très précises) du maître d’ouvrage. Par contre, quand nous travaillons pour le secteur public, nous pouvons laisser libre cours à notre créativité, d’autant plus que les restrictions sont moindres au niveau du règlement sur les bâtisses. Malheureusement, les nouveaux PAG viennent rogner un peu de ces libertés. La peur du tribunal administratif pousse architectes, urbanistes et responsables communaux à appliquer les consignes à la lettre, parfois au détriment du projet ou même du tissu urbain. Une bonne architecture a toujours besoin d’un peu de liberté et je crains que les nouveaux PAG entraînent une perte de qualité architecturale», regrette Jean-Claude Welter.

Malgré ce constat, WeB Architecture s’intéresse de près à l’organisation de l’espace public. Avec sept PAP à son actif, le bureau a ajouté l’aménagement du territoire et l’urbanisme à la liste de ses spécialités et se fait une idée très claire de ce que devrait être le développement urbain luxembourgeois: «Aujourd’hui, nous travaillons malheureusement sur base de visions à court terme. Nous ne regardons pas assez loin. L’urbanisme se pense pour les 40 ou 50 prochaines années. Si nous voulons réduire la pression sur le marché du logement, nous devons cesser de parler de densité de logement, accélérer les procédures d’autorisation, mettre en place des guichets uniques, mais aussi répondre aux nouveaux besoins. A l’heure actuelle, la demande pour de petits appartements ou même des studios à la location est très importante et reflète l’évolution de nos modes de vie. Les jeunes ne cherchent plus tellement à acquérir leur terrain, leur maison, leur voiture. Ils sont flexibles, travaillent à Luxembourg aujourd’hui puis à Paris ou à New-York demain. C’est pourquoi l’on gagnerait à encourager la flexibilité des logements, à développer d’autres structures, plus petites, et à accroître l’offre de logements locatifs. Au Kirchberg, on construit des résidences de quatre ou cinq étages (parfois davantage), mais à mon avis il faut parier sur dix étages ou plus. Alors qu’on envisage une croissance démographique atteignant le million d’habitants à l’avenir, le Luxembourg conserve une mentalité un peu provinciale, ne pense pas comme un «big player», mais il faut voir plus grand si nous voulons concurrencer d’autres villes importantes», considère Jean-Claude Welter.

 

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