L’urgence climatique: vers une véritable prise de conscience?

La lecture de l’actualité climatique est devenue source d’angoisse et de remise en question constante: les Etats-Unis ont officialisé il y a quelques semaines leur retrait des accords de la COP21; la Chine, premier pollueur mondial, a annoncé qu’elle n’atteindrait son pic de rejet de CO2 qu’en 2030, au plus tard; 55,3 gigatonnes de CO2 ont été produites en 2018, établissant ainsi un nouveau record de pollution. L’éco-anxiété provoquée par le rappel constant des conséquences du réchauffement et par le sentiment d’incapacité à agir concrètement pour les atténuer prend doucement de l’ampleur.

Alors que le Royaume-Uni, la France et l’Autriche avaient déjà décrété l’urgence climatique, ce n’est que le 28 novembre dernier que le parlement européen a pris cette résolution à son tour. Sans être lié à des contraintes légales fortes, le vote a surtout réaffirmé symboliquement l’ambition européenne de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré depuis l’ère pré-industrielle. Ces objectifs sont par ailleurs intégrés au plan d’investissement InvestEU prévoyant le financement d’infrastructures durables et de projets de recherche et innovation de 2021 à 2027. Ce vote intervient à l’aube de l’entrée en fonction d’une nouvelle commission d’une part et du lancement de la COP25 à Madrid de l’autre. Un peu à la traine comparativement à ses Etats-membres, la décision fait toutefois de l’Europe le premier continent à reconnaitre l’urgence climatique.

Mais les ambitions européennes sont-elles suffisantes? Suite aux retards accumulés mondialement dans la réduction des émissions de CO2, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) indique dans son dernier rapport qu’il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre globales de 7,6% par an jusqu’en 2030 pour espérer atteindre un objectif de réchauffement maximum de 1,5 degré. Le Programme souligne également qu’une procrastination au-delà de l’année 2020 rendrait cet objectif tout simplement inatteignable. Face à ces chiffres, les engagements pris par les Etats lors de la COP21 apparaissent donc insuffisants. Déjà à l’époque, l’accord avait anticipé cette insuffisance puisqu’il prévoyait une révision de ces obligations d’ici 2020. Or, à l’heure actuelle, seuls 68 pays ont promis de revoir leurs engagements à la hausse. Le hic? ils ne représentent que 8% des émissions mondiales.

L’Etat luxembourgeois s’est quant à lui engagé à réduire ses émissions de 50 à 55% d’ici 2030, objectif parfaitement aligné aux nécessités rappelées par l’ONU. Toutefois, le 29 novembre dernier, alors que le Black Friday faisait s’amasser les foules aux caisses des grands magasins dans un élan effréné de consumérisme, 80 manifestants de Youth for Climate se sont mobilisés devant la Chambre pour réclamer des éclaircissements sur les moyens qui seront mis en place par le gouvernement pour y parvenir.

Le même jour, on observait des marches pour le climat et mouvements anti Black Friday grandir dans de nombreux pays d’Europe. En France par exemple, où cette pratique commerciale pourrait devenir illégale car jugée agressive, antisociale et antiécologique, les partisans du Block Friday ont manifesté dans les rues et bloqué l’accès de grandes enseignes. Le mouvement Green Friday a quant à lui été rejoint par de nombreux magasins cherchant à mieux valoriser les ressources et revenir à une consommation plus sociale et durable.

Alors que les émissions de gaz à effet de serre ne cessent d’augmenter, l’ONU envoie un message alarmant, clairement exprimé dans l’intitulé de sa nouvelle Conférence des Parties: «Time for action». La fenêtre d’action climatique permettant de préserver ce qu’il reste de la biodiversité se referme en effet doucement. Les politiques mondiales parviendront-elles à répondre aux attentes d’une population dont les actions citoyennes concrètes prouvent l’attachement à la cause? Le coup d’envoi de la COP25 est donné.

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