Sur le chemin d’un engagement

Sam Tanson

 C’est au hasard d’un parcours professionnel très chargé qu’est né l’engagement politique de Sam Tanson, ministre du Logement et de la Culture. Semblant s’investir considérablement dans tout ce qu’elle entreprend, ses idéaux écologiques avaient déjà fait germer en elle un besoin d’action plus concret; il ne lui aura fallu que le hasard d’une rencontre pour se jeter à l’eau. Retour sur les différentes étapes d’un parcours formateur l’ayant menée à sa fonction de ministre.

 

La curiosité de l’enfance

Sam Tanson a grandi au détour des rues aux façades colorées du quartier de Bonnevoie et y habite encore aujourd’hui. L’ambiance de son centre, arborant restaurants et commerces de proximité, ainsi que son foisonnement de cultures différentes l’ont tant charmée qu’elle y a réélu domicile après des années d’absence.

Très jeune déjà, ses parents la voient plongée dans les pages du Luxemburger Wort, de «Libé» et du Monde, cherchant à comprendre les rouages des politiques nationales et internationales. «Nous regardions tous les soirs le journal de 20 heures en famille. Mon père et moi avions ensuite des débats animés sur l’actualité», se souvient-elle. Encore aujourd’hui, la ministre lit avec avidité des quotidiens auxquels elle est abonnée en ligne et dont elle apprécie le travail de recherche et d’analyse.

 

 

Soif de savoir

Comment se construisent les relations internationales? Comment fonctionne un Etat? La jeune femme veut entreprendre des études en sciences politiques afin de décortiquer ces questions théoriques. Le Luxembourg de l’époque, moins ouvert sur le monde, lui donne des envies d’ailleurs tant et si bien qu’elle choisit de vivre à Paris pendant la durée de ses études.

Mais avant d’accéder au parcours universitaire qu’elle convoite, l’étudiante doit d’abord obtenir un Diplôme d’études universitaires générales (DEUG). Son envie d’aider les autres à obtenir justice la pousse vers des études de droits, qui la passionneront tant qu’elle ira même jusqu’à décrocher une maîtrise dans cette matière avant de finalement poursuivre ses études en sciences politiques.

 

Rencontres parisiennes

Sam Tanson tombe rapidement amoureuse de Paris. Qui ne pourrait tomber en pâmoison devant la richesse et l’éclectisme de l’offre culturelle de la ville? Comment ne pas s’émerveiller devant l’architecture osmanienne des beaux quartiers? Mais ces attraits l’émerveillent moins que le foisonnement de cultures qu’elle découvre au croisement des boulevards Barbès et Rochechouart.

En à peine quelques stations de métro, la jeune femme y est plongée dans une autre culture, en plein cœur du XVIIIe arrondissement de Paris. Ce changement radical amuse et ravit celle qui n’a connu que les quartiers, relativement similaires, de Luxembourg-Ville. Elle entend parler d’autres langues, voit les passants dans des habits traditionnels d’autres horizons et se familiarise avec des cultures plus expansives et accueillantes. Souhaitant s’imprégner plus encore de cette ambiance, elle élira domicile dans ces quartiers si particuliers, mais aussi si chaleureux, de la capitale française.

 

Au carrefour de deux carrières

De retour au Luxembourg avec deux diplômes en poche, Sam Tanson travaillera pendant deux années pour RTL Radio. Celle qui se définit elle-même comme une «accro à l’actualité» en fait un suivi journalier. Le mode de fonctionnement de l’entreprise n’en permet toutefois pas un réel approfondissement, ce qui génère en elle des frustrations. Ne parvenant pas à se projeter sur le long terme à ce poste, elle décide alors de mettre à profit son diplôme de juriste et de passer le barreau.

Son métier d’avocate lui aura certainement donné des armes pour celui qu’elle exerce aujourd’hui: «Défendre une idée, comprendre les textes de loi, les synthétiser, plaider, anticiper ce qu’un adversaire plaidera le lendemain, trouver les bons arguments pour contrer la partie adverse, sont des activités dans lesquelles je m’épanouis et qui ne sont pas si différentes de celles que j’exerce dans ma fonction ministérielle!», remarque-t-elle. Très investie dans son travail, l’avocate qu’elle était, tout comme la ministre qu’elle est récemment devenue, éprouve toutefois des difficultés à faire preuve de détachement par rapport à son travail et à mettre de côté ses déceptions, «je suis une éternelle insatisfaite et cherche toujours à m’améliorer», confie-t-elle.

 

Feu vert: engagement en politique

C’est à François Bausch qu’elle doit son premier engagement politique. Alors qu’elle était inscrite au barreau, l’homme politique – qui la connaissait en tant que journaliste – lui propose de devenir candidate aux élections communales de 2005 sur la liste déi gréng. Elle, qui avait toujours eu l’idée de s’engager, met à peine 24 heures à se décider à accepter sa proposition. Bien qu’elle n’ait pas été élue, cette aventure lui aura donné le courage de se lancer au sein d’un parti dont elle partage les valeurs. «A l’époque il s’agissait du seul parti à s’intéresser à la question écologique. De plus, au niveau local les Verts étaient plus terre à terre et voulaient favoriser la mobilité douce», explique la ministre qui aujourd’hui encore effectue un maximum de ses trajets en vélo.

L’ascension de Sam Tanson jusqu’à sa fonction de ministre s’est ensuite faite progressivement; occupant différents postes au sein des Verts, elle a également assumé de nombreuses fonctions politiques. Conseillère communale, première échevine (finance et mobilité), membre du Conseil d’Etat, puis enfin députée, la liste est longue… «Ces expériences m’ont aidée à saisir les subtilités du fonctionnement d’une administration communale, d’un système de coalition et de la Chambre des députés. Cela m’a permis d’être opérationnelle relativement tôt dans mon rôle de ministre», explique-t-elle.

 

Logement et culture: des objectifs précis

La nouvelle ministre du Logement sait l’ampleur de sa tâche: «Cinq ans, c’est une période très courte pour observer des changements, surtout au niveau du logement où toutes les démarches prennent beaucoup de temps. Au cours de mon mandat, j’aimerais que notre collaboration avec les communes s’intensifie et que davantage de logements soient gérés par la main publique afin que nous puissions avoir une incidence sur les prix trop élevés du marché», explique-t-elle.

Pour y parvenir, la ministre Sam Tanson cherche à transposer le principe du Pacte Climat au logement. Le Pacte Climat récompense les communes par rapport à leurs bonnes pratiques environnementales; le Pacte Logement 2.0 partirait du même principe et soutiendrait les communes créant du logement abordable et social, en finançant par exemple l’embauche d’un conseiller logement. «Les communes sont notre interlocuteur privilégié en matière de logement car tous les terrains sont sur un terrain communal et elles sont maîtres de leurs PAG. Nous allons organiser des ateliers régionaux pour mieux cerner leurs attentes envers l’Etat et leurs besoins pour créer davantage de logements abordables. En septembre prochain, nous lancerons un débat de consultation à la Chambre des députés puis entamerons la procédure législative nécessaire au lancement de ce Pacte», nous dit-elle d’un ton déterminé.

Quant au portefeuille de la Culture, le plan de développement culturel conçu par ses prédécesseurs prévoit la mise en place d’un Luxembourg Art Council. Ce dernier aura pour vocation de regrouper tous les secteurs de l’art et de fédérer davantage l’export des artistes locaux tout en continuant à les soutenir au Luxembourg. Son objectif sera aussi de rassembler la politique de subventionnement. «Je travaille également sur un projet de loi sur la protection du patrimoine pour lequel les scientifiques dresseraient un inventaire des bâtiments qui doivent être protégés, et ce, commune par commune».

Il est souvent demandé à la ministre à quelle forme d’art elle est la plus sensible. Incapable de choisir, elle nous répond: «Je suis végétarienne dans mon alimentation, mais omnivore en matière de culture, j’aime toutes les formes d’art! L’avantage de la gestion de ce portefeuille est que je peux combiner passion et travail. J’ai donc moins mauvaise conscience lorsque je visite une exposition ou me rend au théâtre…».

Très réservée quant aux questions portant sur ses perspectives d’avenir personnelles, la ministre Sam Tanson nous fait en revanche part de ses aspirations pour le pays. La nette progression déi gréng des dernières élections législatives a démontré une prise de conscience écologique au sein de la population luxembourgeoise. La ministre défend à ce sujet un enjeu précis: «Les effets du réchauffement sont réels pour notre génération et les suivantes. Peu importe qui assumera cette responsabilité, que ce soit mon parti ou un autre, pour peu que la question climatique soit prise au sérieux».