Economie circulaire: le modèle de Schifflange

Pacte climat

Certifiée à 75% du Pacte Climat, Schifflange fait partie des pionniers en termes d’écologie et d’environnement au Grand-Duché. Guy Spanier, conseiller climat de la commune de Schifflange, et Albert Kalmes, échevin de la même administration communale, reviennent sur les différents projets de la ville en matière d’économie circulaire.

 

Quand avez-vous intégré ce concept d’économie circulaire dans vos travaux et vos projets communaux?

GS: En fait, nous nous y intéressons depuis très longtemps, mais sans le savoir et sans pouvoir le nommer (rires). Pourquoi? Car l’expression «économie circulaire» est encore un concept récent. Nous avons par exemple appuyé notre production d’énergie au niveau local, sans oublier la distribution d’énergie thermique que nous avons mise en place depuis désormais 20 ans.

Depuis dix ans, aussi, nous avons modifié nos règles urbanistiques, notamment dans le secteur de la construction. Nous portons une attention toute particulière aux produits régionaux, aux modes d’édification démontables et réutilisables, avec des matières qui n’ont pas besoin d’être incinérées ou placées en décharge.

Nous sommes également actifs dans la gestion des déchets et du recyclage. En presque 20 ans, nous sommes passés de 270 kg de déchets par habitant à environ 142 kg aujourd’hui, ce, depuis que nous avons introduit l’e-container auquel s’ajoute un système d’identification (du poids et des résidents). Cela s’inscrit dans le principe pollueur payeur, un citoyen qui polluera moins et qui se raccorde aux collectes des fractions recyclables du papier, du verre et des biodéchets, verra sa taxe de raccordement diminuée par exemple. D’ici quelques années, nous visons les 100 kg de déchets par personne.

AK: L’école Nelly Stein, par exemple, a été réalisée en 1988 avec des pierres produites au Luxembourg et avec un système de récupération des eaux de pluie. Aujourd’hui ce système est installé dans chaque nouveau projet de la commune et permet de répondre à plusieurs besoins liés aux sanitaires, à l’arrosage, au nettoyage,… Toutes nos avancées en matière de circularité et d’environnement forment, au fur et à mesure, des critères qui se trouvent fixés dans nos parties écrites pour les PAP, elles concernent en particulier les logements ou les nouveaux quartiers. Je pense aussi aux panneaux photovoltaïques qui font partie de nos prérogatives, tout comme les déchets bios qui sont circulaires à 100% et transformés en composte ou en biogaz.

Nous avons défini une classe énergétique B pour l’ensemble des bâtiments

Au niveau du réseau de chaleur, nous allons procéder d’ici 2020 à 2021, à l’ajout d’une troisième centrale d’énergie qui utilisera comme énergie primaire, le bois. Pour un PAP, nous avons installé une centrale d’énergie avec possibilité de raccordement pour toutes les résidences. Ceci permet d’éviter l’installation d’une chaudière individuelle. Cela a plusieurs avantages pour l’habitant car économiquement c’est plus viable et en termes d’espaces, nul besoin de posséder un local de chaufferie,… Chaque mètre carré dans une résidence a son importance, il faut pouvoir les optimiser du mieux possible.

 

Vous évoquez d’anciens projets, existe-t-il de nouveaux liés à l’économie circulaire qui sont en cours de réflexion ou de construction?

GS: Oui, la nouvelle zone d’activité économique «Op Herbett» va s’inscrire dans ce concept d’économie circulaire. Elle sera surtout dédiée à l’artisanat. Nous ne voulions pas nous calquer sur les autres ZAE plus classiques, nous avons ainsi imaginé une zone qui répond, au mieux, à ce concept. Ce projet est actuellement en cours de réalisation et nous sommes en train de réaliser les infrastructures. Le projet devrait être bouclé d’ici 2020, tout en sachant que la surface totale du PAP s’élève à 21,4 ha.

D’abord, nous exigeons une utilisation optimale des toitures, qu’elles soient productrices d’énergie, utilisées sous la forme de parking, d’une toiture verte pour l’«urban-gardening», intégrées de coupoles pour laisser l’éclairage naturel entrer dans le bâtiment et donc limiter la consommation en électricité,… Les choix qui s’offrent sont donc multiples. Nous avons également défini une classe énergétique B pour l’ensemble des bâtiments, ce qui se situe au-delà du standard actuel.

AK: Comme évoqué précédemment, il ne faut pas oublier non plus le choix vis-à-vis des matériaux. Nous mettons un point d’honneur à utiliser des matières et des éléments écologiques, régionaux et respectueux de l’environnement. Il faut aussi savoir que nos conceptions peuvent, certes, être valables aujourd’hui, mais qu’en sera-t-il dans dix, quinze ou vingt ans? Le modulable et le démontable font partie des solutions qui peuvent apporter une réponse à cette problématique.

 

Quels sont les autres grands principes qui seront mis en place au sein de cette nouvelle zone?

GS: Très souvent, les zones d’activités sont formées avec des bâtiments isolés les uns des autres, avec des surfaces vertes éparses qui n’ont finalement pas beaucoup d’utilité. Ce sont des espaces perdus qui ne sont pas utilisés de manière optimale, tant écologiquement qu’économiquement. De notre côté, les bâtiments seront alignés et accolés et ils s’élèveront jusqu’à une hauteur de 12 m maximale. Nous avons également décidé de créer une grande zone verte, commune à tous, au niveau de la plaine alluviale Kiemelbach. L’objectif sera alors de renaturer le cours d’eau en le réaménageant, la nature suivra ensuite son cours et s’occupera du reste.

Mettre en place des infrastructures dédiées à la mobilité douce

Cette nouvelle zone reliera Foetz et nous concentrons aussi nos efforts pour mettre en place des infrastructures dédiées à la mobilité douce comme des pistes cyclables ou des chemins piétonniers qui relieront la zone «Op Herbett» au centre de Schifflange avec sa gare et à la zone limitrophe de Foetz, qui se raccordera à la piste cyclable express reliant Belval à Luxembourg-Ville. Nous réfléchissons également à un système de car-sharing et de vélo-sharing (Vël’ok). Il faut aussi revoir l’utilisation de l’espace et l’optimiser. Les emplacements dédiés au déchargement des camions ne doivent, par exemple, pas être individuels mais collectifs. Pourquoi ne pas imaginer une cour intérieure commune à toutes les sociétés avec des quais et qui limiterait ainsi la demande en surface? Il s’agira aussi de réduire et optimiser le nombre de places de stationnement. Le volet financier de l’économie circulaire n’est pas à négliger puisque ce concept permet à la fois d’économiser de l’argent, tout en gagnant plus de surfaces à exploiter.

En résumé, la ZAE «Op Herbett» est un laboratoire pour l’économie circulaire. Le ministère de l’Economie nous a rejoint dans nos réflexions, il participe et nous accompagne dans notre démarche, tout comme la société PositivImpaKT.

AK: Nous ne nous posons aucune limite et nous sommes ouverts à toutes sortes d’idées. La thématique de l’économie circulaire est très vaste, elle englobe plusieurs paramètres comme le télétravail, le coworking pour créer un espace d’échanges et de synergies, le partage d’outils et de machines,… Jusqu’à présent, tout le monde semble ouvert à notre projet, même si les propriétaires nous demandent tout de même une conception plus précise du rendu final car l’économie circulaire reste quand même un principe relativement récent. Ce sont aujourd’hui des réflexions nouvelles, mais jusqu’à présent, ils sont tous restés ouverts d’esprit et sensibles par rapport à l’essence de notre projet.

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