Repousser les limites de l’imagination

Luxembourg-City Incubator

Martin Guérin, aujourd’hui CEO du Luxembourg-City Incubator, a accepté de nous livrer le récit de son parcours atypique et riche en rebondissements. Il démontre ainsi qu’à force de travail et de détermination, entreprendre est un rêve qu’il est possible de toucher du bout des doigts.

 

Martin Guérin a débuté son parcours original de manière pourtant très traditionnelle, sur les bancs de l’école. Dès l’âge de dix ans, le jeune garçon rêvait de devenir un véritable homme d’affaires, parcourant le monde à la recherche d’opportunités. Également passionné par les nouvelles technologies, ses ambitions précoces semblaient déjà présager un avenir dans le domaine de l’innovation et de l’entrepreneuriat.

Le Bac S en poche, l’étudiant peut enfin commencer à concrétiser ses rêves d’avenir et passe alors les concours de grandes écoles de commerce françaises, avec une appréhension toutefois, celle d’entrer dans un univers qu’il pensait à tort prétentieux et à ce titre trop éloigné de lui. Retenu dans cinq écoles, son choix se porte finalement sur celle du Havre à la fois pour son réseau, ses programmes à l’étranger, son bon niveau, son concours international des ventes mais aussi sa localisation parfaite pour la pratique de la planche à voile!

 

Premiers pas dans l’entreprenariat

En fin d’études, Martin Guérin est toujours à la recherche de l’idée révolutionnaire qui pourrait le porter dans ses projets. La laissant germer, il se lance dans une carrière dans le marketing de l’innovation et intègre de grands groupes, à la pointe de la technologie. Au lancement du GSM en Europe, il travaille ainsi pour Motorola et s’initie au Trade Marketing dans l’objectif d’introduire ce produit révolutionnaire auprès des distributeurs afin de toucher plus largement les consommateurs.

Quand j’accompagne un entrepreneur je sais de quoi je parle, je l’ai vécu sur le terrain

A cette époque, une société en particulier nourrit le marché par les nouvelles technologies qu’elle concrétise et démocratise en Europe et Martin Guérin rêve de l’intégrer: «Les produits de Sony étaient tellement innovants que tout le monde voulait rejoindre cette entreprise. Quand j’ai vu passer une annonce indiquant qu’ils cherchaient des commerciaux, j’ai tout de suite sauté sur l’occasion», explique-t-il. Grâce à son expérience professionnelle et à son premier prix du concours international de vente des grandes écoles, il obtient le poste et grimpe petit à petit les échelons de la société jusqu’à se voir confier, à 27 ans à peine, la gestion de comptes clés pour toute la gamme audio.

Travailler pour un grand groupe n’a toutefois jamais freiné Martin Guérin dans sa dynamique d’entreprendre. Alors que pendant son temps libre il anime musicalement des soirées avec un ami ingénieur, ils ont tous les deux l’idée de stocker de la musique dématérialisée dans un dispositif. Le projet leur paraît tellement idéal que Martin Guérin s’empresse de le proposer à Sony… qui n’a pas jugé bon d’y donner suite. Quelques temps plus tard, le premier lecteur MP3 par Diamond Multimédia sortait et se vendait à un million d’exemplaires. Avec le sentiment amer d’avoir raté une grande opportunité, le jeune entrepreneur se promet qu’à la prochaine occasion, il exploitera son idée jusqu’au bout.

 

La création d’une startup

Quelques mois plus tard, les deux amis décident de se lancer dans un nouveau projet: la conception d’une chaîne hifi connectée à internet pouvant stocker et échanger de la musique dématérialisée. En 1999, ils créent alors leur première startup «Future Sound Technologies», accompagnée par Paris Innovation, le premier – et à l’époque seul – incubateur de la capitale française. «Tout va alors très vite!», se souvient-il. «Notre produit était révolutionnaire. L’entreprise a été valorisée à hauteur de treize millions et nous en avons levé six, tout en gardant la majorité des parts. Mais alors qu’en octobre 2001 nous devions organiser une levée de fonds pour lancer notre première présérie, l’explosion de la bulle internet et les attentats du 11 septembre ont gelé le marché», relate-t-il, encore déçu.

Pendant deux ans, l’entreprise poursuit ses efforts et lance d’autres produits annexes pour générer des profits. Le succès est au rendez-vous, mais le projet initial qui avait fédéré toute une équipe étant passé au second plan, la motivation des débuts retombe. L’équipe décide alors de vendre les actifs et de procéder à une dissolution anticipée amiable de la startup afin de redistribuer les profits parmi les actionnaires et de passer à un autre projet.

 

De l’autre côté

Dans le même temps, afin de consolider ses compétences managériales, l’entrepreneur a pris l’initiative de se former au coaching professionnel d’entrepreneurs. Paris&Co, intéressée par son profil professionnel atypique, lui propose de rejoindre ses rangs et pour la première fois, il travaille pour un incubateur et conseille de jeunes entrepreneurs tout au long du chemin qu’il a lui-même déjà emprunté. «Quand j’accompagne un entrepreneur je sais de quoi je parle, je l’ai vécu sur le terrain: je connais l’angoisse et sa gestion, les difficultés ou les grands plaisirs managériaux,…», explique-t-il.

Dix ans plus tard, il est à l’origine de trois des plus gros incubateurs parisiens et accompagne chaque année plus de 250 startups.

Nicolas Buck, aujourd’hui président de la Fedil, s’intéresse à son profil et lui propose le poste de CEO chez Nyuko, au Luxembourg. Mais son projet à long terme est bien plus ambitieux encore: «Nicolas Buck projetait déjà de faire du pays une Startup Nation. Pour y parvenir, il souhaitait que je sois le gestionnaire du projet qui a préfiguré la House Of Startups, fer de lance du pays en matière d’accompagnement des startups», dit-il.

Rapprocher le monde des startups de celui des industries locales pour favoriser l’open innovation

Le chef d’entreprise est aujourd’hui optimiste quant à sa mission, mais il mesure le chemin qu’il reste à parcourir: «Tout d’abord, nous devons fédérer la Grande Région pour qu’elle devienne une entité cohérente dont la taille critique atteint celle des autres grandes capitales européennes. Ensuite, nous devrons rapprocher le monde des startups de celui des industries locales afin de favoriser l’open innovation dans nos grands groupes et de leur donner un avantage compétitif au niveau international», détaille-t-il.

Martin Guérin reste attaché à l’accompagnement des entrepreneurs et espère que son expérience pourra les encourager dans leurs démarches: «Créer sa propre startup est une aventure, il en restera toujours une trace et même en cas d’échec, l’apprentissage est garanti. Créer un réseau, prouver sa capacité à entreprendre, être autonome, gérer une équipe,… les défis sont multiples. Quoi qu’il arrive, chaque entrepreneur aura acquis un solide bagage et vécu une aventure qui aura bouleversé sa vie», conclut-il.

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