Les agenceurs de l’espace

BETIC

Imaginez des murs qui s’adaptent au nombre d’occupants; la technique serait pensée pour accueillir une, deux ou trois chambres supplémentaires sans changer la ventilation, les interrupteurs ou les installations électriques. Tout serait pensé en amont, dès la conception pour permettre une modularité légère tout au long de la vie du bâtiment. L’adaptabilité des établissements scolaires, des bureaux ou “flex office“ et des logements séduit toujours plus d’utilisateurs. Explications de David Determe, administrateur délégué du bureau d’Ingénieurs-Conseils Betic.

 

Comment est né ce besoin de flexibilité dans l’agencement des espaces?

C’est un phénomène qui a émergé il y a une quinzaine d’années et que nous appliquons dans une majorité de nos projets depuis cinq ans déjà.

Les écoles et les lycées ont été les premiers à nous demander de penser des salles de classes modulables selon les matières enseignées. Cette demande a été formulée par le corps enseignant qui souhaitait passer librement d’un enseignement classique à un autre, plus participatif et moderne. Ces espaces qui peuvent accueillir de 20 à 50 élèves, nécessitent des cloisons murales modulables et des installations techniques (ventilation, climatisation, câblage, interrupteur, etc.) pensées, programmées et posées en conséquence.

 

Quel est l’intérêt de cette modularité pour les espaces de travail?

La modularité des surfaces est donc déjà bien ancrée sur la Place

L’émergence du télétravail, le changement de compétences au sein des équipes et les restructurations managériales qui tendent à l’horizontalité, sont autant de facteurs qui favorisent le travail dans des espaces partagés. Les entreprises sont toujours plus nombreuses à se doter d’espaces ouverts qui favorisent le travail d’équipe et la proximité avec la direction, mais aussi de zones de détente qui permettent la cohésion d’équipe et les réunions informelles et enfin de lieux confinés qui donnent l’intimité nécessaire à la concentration ou à des appels téléphoniques par exemple. La modularité des surfaces est donc déjà bien ancrée sur la Place.

On sait d’études que le confort thermique, l’éclairage naturel et l’isolement acoustique sont intrinsèquement liés à la productivité des employés. C’est pourquoi nous collaborons actuellement avec un centre de recherche dont l’objectif commun est de répondre aux besoins de l’utilisateur. Nous planchons actuellement sur la modularité des installations techniques qui serait intégrée au mobilier. L’employé pourrait ainsi choisir son intensité de lumière, son isolement acoustique et son confort thermique depuis son bureau.

 

On imagine toute l’utilité de la modularité pour le secteur du logement…

Jusqu’à peu, détruire les murs, rajouter une annexe ou déménager étaient les seules solutions aux changements de vie. Un couple qui emménage dans son logement souhaite pouvoir utiliser un maximum d’espace pour les besoins de deux personnes mais les choses changent à la naissance des enfants. Les besoins ne sont plus les mêmes et l’agencement des pièces peut alors être revu. Il en va aussi de même lorsque les enfants quittent le concon familial.

Certes, la modularité des espaces représente un coût mais à la vue de celui du foncier, elle anticipe ceux à venir et évite les désagréments liés à la destruction des cloisons, à la reprogrammation des installations et au recâblage. Tout ceci peut être pensé en amont, dès la conception du bâtiment ou de la maison.

 

Avez-vous quelques exemples de réalisations conçues selon la modularité des espaces?

Il y a tous les grands projets de bureaux comme Deloitte ou encore Alter Domus mais aussi de nombreux autres plus modestes.

Je pense tout particulièrement aux deux tours de logements que nous avons conçues à Belval et dont le gros œuvre est presque achevé. Les cahiers des charges étaient clairs dès le départ et il fallait pouvoir adapter les murs à la vie des occupants. Nous avons donc pensé les projets en fonction des modularités futures: les bâtiments sont démontables, les matériaux utilisés peuvent être recyclés et les espaces intérieurs peuvent même se transformer en bureaux ou commerces.

Le confort thermique, l’éclairage naturel et le confort acoustique sont intrinsèquement liés au bien-être des employés et donc à la productivité

La grande difficulté est de prévoir les cas les plus défavorables afin de concevoir les installations en conséquence. Il nous faut alors cerner les besoins des utilisateurs ou résidents finaux. C’est pour cela qu’avec le Fonds Kirchberg, nous participons au processus de cocréation entre les ingénieurs, architectes, promoteurs et futurs habitants pour les projets mixtes Grünewald et Kiem. Le Fonds Kirchberg et les citoyens ont alors formulé des désirs de proximité, de modularité des services, des espaces d’échanges et d’un accès rapide à la mobilité, tout ceci s’inscrit dans une démarche forte d’écoconception Cradle to Cradle. Ce fût certes un gros effort d’écoute, de réflexions communes et d’explications didactiques mais à la fois tellement enrichissant!

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