Démonstration à l’échelle mondiale du lien entre les inégalités d’éducation et le fonctionnement cognitif chez les adultes âgés

Un récent article scientifique rédigé par des chercheurs du LISER et de l’université du Luxembourg (Javier Olivera, Francesco Andreoli, Anja Leist et Louis Chauvel) a été publié dans la revue Economics & Human Biology1. Il traite des effets persistants des inégalités d’éducation passées sur les différences de fonctionnement cognitif observées aujourd’hui chez les adultes âgés dans 29 pays. Le fonctionnement cognitif intact chez le sujet âgé concerne des domaines tels que l’attention, la réflexion, la compréhension, l’apprentissage, la prise de décisions et la résolution de problèmes. Lorsque l’âge augmente, un niveau initial élevé de fonctionnement cognitif prend toute son importance du fait de son déclin engendré par les processus de vieillissement cognitif.
Cependant, si de nombreuses études se sont intéressées à la mesure du niveau de fonctionnement cognitif et de ses déterminants, nous en savons peu sur les inégalités en la matière chez les sujets âgés. Leur degré et leurs déterminants pourraient pourtant fournir des informations importantes en termes de santé publique et d’élaboration de politiques. La répartition du fonctionnement cognitif chez les individus âgés peut refléter un potentiel non exploité dans ce domaine du fait d’inégalités scolaires dès l’enfance et d’un manque d’opportunités éducatives. Par conséquent, des inégalités cognitives prononcées chez les sujets âgés peuvent être associées à de faibles niveaux cognitifs moyens parmi ces personnes. Au vu des coûts élevés des troubles cognitifs et de leur importance dans les dépenses de santé, il est probable que des inégalités élevées de fonctionnement cognitif pèsent négativement sur la durabilité des services de santé.
D’un point de vue plus large, les inégalités cognitives chez les sujets âgés peuvent également être associées à la répartition du bien-être au sein de cette population. En effet, le fonctionnement cognitif peut déterminer des dimensions essentielles à ces personnes, comme l’autonomie, la santé mentale ou encore la capacité à anticiper. Il a été démontré que les inégalités d’éducation avaient des conséquences durables en réduisant l’égalité des chances d’accumuler des ressources au fil de la vie.
L’étude exploite l’ensemble des enquêtes représentatives et publiquement disponibles comportant des informations comparables sur les personnes âgées en vue d’évaluer les inégalités de fonctionnement cognitif dans 29 pays. Elle utilise différentes mesures de fonctionnement cognitif considérées comme des indicateurs de performances cognitives des personnes âgées. L’un de ces indicateurs est le « rappel différé », qui correspond au nombre de mots correctement restitués à partir d’une liste de dix mots préalablement lus par la personne effectuant l’entretien. Il a été démontré qu’une augmentation d’un point de pourcentage de l’indice de Gini de l’éducation passée était associée à une hausse de 0,45 point de pourcentage de l’indice de Gini de rappel différé. Cela signifie que l’inégalité cognitive des personnes âgées peut s’expliquer en grande partie par les inégalités en matière d’éducation vécues dans le passé.
Il est bien connu que l’inégalité des chances se produit lorsque des circonstances personnelles (comme le sexe ou l’éducation des parents) affectent le niveau de réussite éducative et, par conséquent, celui des inégalités en la matière. Un résultat particulièrement parlant ressort de cette étude : l’inégalité des chances dans le domaine de l’éducation (matérialisée par les différences entre les sexes et dans les parcours des parents) exerce également des effets durables et significatifs sur les inégalités cognitives chez les sujets âgés.
Dr. Javier Olivera & Dr. Francesco Andreoli
Département ‘Conditions de Vie’
1 OLIVERA Javier, ANDREOLI Francesco, LEIST Anja K., CHAUVEL Louis. Inequality in old age cognition across the world. Economics & Human Biology, 2018, vol. 29, pp. 179-188

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