La propriété intellectuelle cherche ses experts

Marks & Clerk

Certains secteurs peinent plus que d’autres à recruter. C’est le cas de celui de la protection de la propriété industrielle, en plein essor. Luca Polverari, associé dans le cabinet Marks & Clerk, à Luxembourg, revient sur les spécificités de cet acteur indispensable de l’économie.

«Pour nous, le recrutement est un processus très délicat car il existe très peu de candidats dans notre secteur». Luca Polverari, spécialiste de la propriété industrielle au sein du cabinet Marks & Clerk, n’y va pas par quatre chemins quand il exprime la réalité du marché de l’emploi local. «Depuis six mois, il s’est encore un peu plus tendu. C’était déjà difficile et ça l’est d’autant plus aujourd’hui, dans un secteur très spécialisé comme le nôtre».
Le cabinet Marks & Clerk est une référence mondiale de la Propriété Industrielle, sa clientèle s’étend du petit inventeur à la multinationale. Une activité qui va en s’accélérant, et qui demande des compétences toujours plus spécifiques. «Nous recherchons des juristes, des ingénieurs, ou des docteurs en sciences qui peuvent travailler soit dans le domaine des brevets soit des marques. Nous avons aussi besoin de personnel administratif ainsi que de traducteurs. Ce sont des postes très spécialisés, qui demandent un certain nombre de connaissances, et surtout une grande attention aux détails, ainsi qu’une stricte observation des délais». Autant de compétences difficiles à trouver au Grand-Duché. «Le problème est que la propriété intellectuelle est une discipline peu connue et pas ou peu enseignée. Il existe bien le Centre d’Etudes internationales de la propriété intellectuelle, à Strasbourg, en France, mais cela reste un domaine marginal ».
L’Université de Luxembourg est sensible à ces questions, dans un pays qui mise beaucoup sur la recherche et l’excellence scientifique, mais l’intérêt des étudiants est encore bien limité. A l’instar de ses voisins européens, il ne saisit pourtant pas encore le retour sur investissement que cela peut représenter. Le Luxembourg est avant tout un pays de services, pas encore d’innovation. Mais il le devient, avec beaucoup de mouvements, d’excellentes infrastructures et une attractivité grandissante pour la communauté de la recherche et de l’innovation.
Reste que la différence est encore importante avec les grands pays de recherche. «Aux Etats-Unis ou en Asie, les universités ont cette culture du brevet. C’est une ressource importante lorsqu’il est utilisé à bon escient par l’établissement. En Europe, les publications scientifiques sont primordiales pour le renom des universités et non le nombre de demandes de brevet, les étudiants chercheurs ne rentrent pratiquement jamais en contact avec le monde de la Propriété Industrielle. Un modèle universitaire ayant une bonne culture brevet peut générer un certain profit pour l’université et aussi rendre notre métier bien plus attrayant pour les jeunes diplômés ». Ces difficultés de recrutement ne portent pas seulement sur les compétences mais aussi sur certains aprioris des candidats étrangers vis-à-vis du Grand-Duché. «Ils réclament parfois des salaires déraisonnables ou sont convaincus qu’ils ne paieront pas d’impôts au Luxembourg. Or, la réalité est toute autre. Mais ceux qui viennent restent car ils sont séduits par le cadre de vie et l’environnement international», raconte Luca Polverari. Encore faut-il attirer des talents qui choisissent souvent d’autres voies, ou les très attractives villes de Munich et de Londres, d’importants centres de la Propriété Industrielle  en Europe. Le Luxembourg arrive bien après.
«Il nous faut au moins un an pour recruter un avocat spécialisé dans les brevets mais une fois que nous avons réussi son recrutement, nous mettons tout en œuvre pour le conserver», continue Luca Polverari. Des recrutements qui sortent parfois du cadre défini. «Nous sommes obligés de prendre des risques, avec des profils qui ne correspondent pas toujours exactement à ce que nous recherchons. Mais nous assurons une formation permanente au sein de Marks & Clerk». Une nécessité dans un secteur en évolution permanente. «Depuis vingt-six ans et l’ouverture du bureau luxembourgeois de Marks & Clerk, le monde des brevets et de la propriété intellectuelle a beaucoup changé, avec de nouvelles législations, de nouvelles obligations. C’est ce qui rend ce secteur passionnant», s’enthousiasme-t-il.
Le secret d’un bon recrutement n’est pas nécessairement celui d’une petite annonce, mais bien dans le bouche à oreille et le réseau. «Nous trouvons souvent la perle rare par la recommandation d’employés déjà présents dans la société, reconnaît Luca Polverari. C’est plutôt un signe qu’il fait bon travailler chez nous quand un salarié parle de notre entreprise à une de ses connaissances».
Le développement des technologies de l’information et de la communication (ICT) est également un tout nouveau pan d’activité, qui génère son lot des difficultés de recrutement. «Au Luxembourg, le secteur ICT est en plein boum et les programmeurs sont plus portés sur la création que la protection. Cela peut se comprendre et constitue un obstacle majeur pour des cabinets comme le nôtre. Il nous est difficile d’attirer des experts car ils sont également très demandés et peu nombreux sur le marché». Dans ce domaine, toutes les entreprises luxembourgeoises sont logées à la même enseigne, face à un marché qui a été totalement asséché.
Pourtant, sans dépôt de brevets et/ou enregistrements de marques, point de salut pour les startups comme pour les multinationales. C’est dans ce sens que Luca Polverari tente de convaincre les candidats.

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