Réfléchir pour mieux agir
Le budget base zéro (Zero-based budgeting) est une technique budgétaire qui vise une allocation des ressources de la manière la plus efficace possible. Il s’agit de repenser de façon stratégique chaque dépense afin d’allouer uniquement les budgets nécessaires pour atteindre ses objectifs. Cette technique qui a vu le jour au début des années 70 aux Etats-Unis et qui connaît aujourd’hui une renaissance, permet de réduire considérablement le coût des frais de fonctionnement. «Les gains réalisés peuvent être ensuite alloués au cœur de métier mais également au recrutement et dans le bien-être du personnel», Interview de Pierre Mangers, associé intervenant dans le conseil auprès des PME et leader du secteur public chez EY.
A qui profite le budget base zéro?
Le budget base zéro (BBZ) peut s’appliquer à tous les secteurs d’activités dans le but de mieux maîtriser les frais de fonctionnement. Nous avons observé dans plusieurs cas que la complexité administrative des principales fonctions de support (de la gestion financière, des ressources humaines ou de l’informatique) peut occasionner une augmentation quasi incontrôlée des frais de fonctionnement d’une entreprise, se situant entre 4 et 12% du chiffre d’affaires.
Les frais de fonctionnement élevés des entreprises représentent cependant un véritable frein à l’investissement et notamment dans les nouvelles technologies informatiques qui sont pourtant indispensables pour s’adapter à l’ère du numérique.
Grâce à la méthodologie BBZ, une entreprise pourra justement trouver une partie ou l’ensemble des moyens financiers nécessaires pour assurer sa pérennité future.
EY assiste les directions des entreprises à identifier les éléments susceptibles de réduire la complexité administrative des fonctions de support et de se focaliser uniquement sur les activités à haute valeur ajoutée (par exemple la gestion des compétences du personnel au sein de la fonction RH) et d’automatiser par un algorithme les activités à valeur ajoutée moins élevée (par exemple la gestion de l’absentéisme).
Contrôler les frais de fonctionnement afin de libérer des gains de gestion pour investir dans le cœur du métier… mais quelle est la méthode du BBZ?
Si un budget classique tient généralement compte des années précédentes, le BBZ ne tient pas compte des ajustements annuels et propose de repartir à zéro comme le fait une startup. Il s’agit de définir les besoins par département et plus précisément les ressources indispensables consommées par les activités utiles et nécessaires pour atteindre les objectifs opérationnels d’un département, et ce en lien avec les objectifs stratégiques de l’entreprise. Cette méthode de segmentation des activités permet de dresser un tableau précis des ressources disponibles en interne. En se concentrant sur les besoins utiles et nécessaires, il est possible de réaliser des réductions qui peuvent atteindre 30% des frais de fonctionnement.
Le comportement est aussi un élément à considérer et les conférences téléphoniques ou visioconférences peuvent se substituer aux voyages d’affaires par exemple. Le BBZ ne saurait néanmoins se résumer à l’ajustement des ressources aux activités utiles et nécessaires, c’est une méthode qui s’inscrit plus largement dans un processus de réflexion stratégique. C’est par conséquent en se posant des questions simples que l’on arrive à travailler mieux avec moins de ressources et c’est là, tout le charme de cette solution.
Le BBZ est-il bénéfique pour les PME?
Cela peut s’appliquer à toutes les entreprises et notamment aux PME qui n’ont pas nécessairement prêté suffisamment d’attention à l’évolution de leurs frais de fonctionnement suite au développement de leurs fonctions de support. Des frais de fonctionnement au-delà de 8% du chiffre d’affaires dans une conjoncture qui nécessite des investissements est paradoxal. Les gains réalisés peuvent alors être mobilisés pour l’acquisition d’une nouvelle machine, dans les compétences et le bien-être des ressources humaines, dans le numérique ou pour résumer, dans ce qui sert le cœur du métier.
Cette méthode est-elle transposable au secteur public?
Elle l’est d’autant plus lorsqu’on sait que les gains réalisés peuvent être au moins aussi importants que dans le secteur privé. La revue systématique des dépenses publiques relève d’une décision politique qui est plus facilement applicable en période de croissance et de stabilité. La nécessité d’un changement en temps de crise crée un sens d’urgence et ne laisse pas d’autre choix que de l’accepter; il est donc important de réaliser cet exercice lorsque nous en avons les moyens, écartant les tensions et la précipitation des temps de crises. Les administrations contribueraient à faire encore un meilleur usage du denier public et les gains réalisés pourraient être orientés davantage vers les projets stratégiques pérennisant la richesse de notre pays.
Quels en sont les bénéfices?
Une fois les gains de gestion identifiés, il revient aux dirigeants de l’entreprise ou respectivement aux décideurs politiques, de faire le choix du réinvestissement. Cette décision managériale doit s’inscrire dans un processus de réflexion stratégique qui dépasse largement le simple montant des gains libérés.
Notre cabinet a acquis une grande technicité dans le BBZ et a développé comme par accompagnement, une qualité de modérateur dans les dialogues entre les actionnaires, les dirigeants et le personnel. La motivation de tous les employés est intrinsèque à la réussite du BBZ qui peut être un levier de financement du bien-être du capital humain. EY Luxembourg a par exemple impliqué son personnel au préalable de la conception de son bâtiment, ce qui nous a permis d’optimiser nos modes de travail.
D’un point de vue plus large, la majorité des entreprises ne réagit aux mutations uniquement lorsqu’elles y sont contraintes, le BBZ permet à l’inverse d’anticiper l’impact de la prochaine crise sur le cœur du métier et de générer alors, de nouveaux souffles pour se préparer au futur.