La titularité des droits d’auteur en matière de création de logiciel
L'avènement de la société de l'information a décuplé l'importance économique des créations dites intellectuelles. L’industrie du logiciel, dont l’essor a été fulgurant, en est un exemple particulièrement éloquent. Si un logiciel peut être la création d’une seule personne, il arrive fréquemment qu’elle soit le fait des salariés d’une entreprise, l’un des enjeux étant alors de savoir qui de l’employeur ou du salarié est titulaire des droits attachés au logiciel développé au sein de l’entreprise.
Quel est le cadre légal?
Le logiciel est à classer dans la catégorie des ‘œuvres littéraires’ régies en tant que telles par la loi modifiée du 18 avril 2001 sur les droits d’auteur, les droits voisins et les bases de données. L’article 1.1 de cette loi énonce sans ambiguïté que “les droits d’auteur protègent les œuvres littéraires et artistiques originales, quels qu’en soient le genre et la forme ou l’expression, y compris les photographies, les bases de données et les programmes d’ordinateur”.
Ce texte a pour objet de fixer les droits attachés à une œuvre littéraire et artistique et d’identifier le titulaire de ces droits, l’idée étant que celui qui a créé l’œuvre originale doit être protégé contre toute dénaturation ou exploitation non voulue de son œuvre.
Notons cependant que ce texte n’est pas le seul qui soit applicable. Une même création peut en effet être protégée à différents titres. Par exemple, les éléments purement techniques d’un logiciel pourraient le cas échéant faire l’objet d’une protection au travers d’un brevet alors que les autres composantes du programme resteraient soumises à la législation sur les droits d’auteur. A cela s’ajoute que d’autres composantes d’un logiciel peuvent aussi faire l’objet d’une protection additionnelle au titre par exemple des dessins et modèles (l’interface graphique), des marques (le nom du logiciel et son logo), des noms de domaine (si le programme est accessible depuis Internet).
Il peut ainsi y avoir une véritable superposition de droits, d’où l’importance d’identifier pour chaque composante d’une création les textes spécifiques qui lui sont applicables alors que le régime de protection applicable à chacune de ces composantes peut varier.
Qui en est le titulaire des droits d’auteur attachés au logiciel?
En principe, c’est le créateur de l’œuvre qui est également le titulaire des droits qui y sont attachés. Il en résulte notamment que même si une œuvre a été créée par un salarié pour compte et à la demande de son employeur, il n’y a pas de transfert automatique des droits d’auteur sur la tête de l’employeur. L’employeur ne pourrait donc exploiter la création du salarié qu’avec l’accord de celui-ci.
D’importantes dérogations ont été prévues à ce principe et notamment en matière de création de logiciels où l’article 32.2 de la loi modifiée du 18 avril 2001 précitée dispose que “lorsqu’un programme d’ordinateur est créée par un employé dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions de son employeur, seul l’employeur est habilité à exercer tous les droits patrimoniaux afférents au programme d’ordinateur ainsi crée, sauf dispositions contractuelles contraires ”.
Les conditions au transfert des droits d’auteur à l’employeur sont précises: le logiciel doit avoir été créé par le salarié, dans l'exercice de ses fonctions ou d'après les instructions de l'employeur. Si ces conditions sont remplies, l'employeur pourra librement exploiter le programme, soit dans sa propre entreprise, soit en le commercialisant, sans être tenu au versement d'une rémunération supplémentaire au salarié-créateur.
Il reste que seuls les droits patrimoniaux (intégrant le droit de reproduction, droit d’adaptation ou encore le droit de distribution) sont dévolus à l'employeur, les droits moraux (droit de divulgation, droit de paternité, droit au respect de son œuvre et droit de repentir) restant, sauf clause contraire insérée dans le contrat de travail, la propriété du salarié.
A partir du moment où les droits d’auteur sont dévolus à l’employeur, il sera évidemment interdit au salarié quittant son emploi d'exploiter par la suite le logiciel créé par lui ou de concevoir ou de commercialiser un logiciel similaire après son départ de l'entreprise, de tels actes étant susceptibles d’être qualifiés de contrefaçon.
A l’inverse, le logiciel dont l'auteur est, au moment de sa conception, certes dans les liens d'un contrat de travail, mais dont la création ne répond à aucune prescription hiérarchique et qui est sans rapport avec l'activité salariée de son concepteur, n'entre plus dans le périmètre du contrat de travail de sorte que les droits relatifs à une telle œuvre devraient naturellement revenir à son concepteur.
Entre ces deux extrêmes, l’on retrouve des situations moins claires où un logiciel peut avoir été créé en utilisant les moyens de l'entreprise, sans que cette création ne présente pour autant un réel lien avec l'activité salariée de son concepteur.
C'est précisément lorsque les moyens de l'entreprise ou les connaissances acquises par le salarié au sein de celle-ci auront été indispensables, voire simplement utiles à la conception d'un logiciel conçu sur l’initiative personnelle du salarié que des conflits peuvent surgir avec l’employeur quant à l’attribution des droits attachés à ce logiciel.
Les solutions n’étant pas clairement affirmées dans ce type de situations, il est recommandé à l’employeur de prendre les devants en réglant précisément le sort de ce type de créations dès l’embauche du salarié au moyen de clauses spécifiques insérées dans le contrat de travail.
Me Michel Schwartz