Eviter les recherches isolées

Les fonds européens font l’objet d’audits externes pour garantir aux citoyens de l’Union la bonne gestion des deniers européens. A ce titre, KPMG a été mandatée par la Commission européenne pour le programme «Coopération du 7e Programme Cadre de Recherche et Développement» communément appelé «FP7». Les explications avec Patrick Wies, Associé, et Saïd Qaceme, Senior Manager chez KPMG.

 

KPMG est auditeur du programme «FP7» de la Commission européenne. Pouvez-vous nous présenter ce programme ?

Sous forme de divers programmes, la Commission européenne propose des financements ou cofinancements pour soutenir la recherche et l’innovation dans les 27 pays membres de l’Union européenne. L’objectif de ces programmes est de rendre l’Union européenne plus compétitive face à la concurrence mondiale dans le cadre de la stratégie de Lisbonne renouvelée qui a pour objectif de devenir «l’économie de la connaissance la plus dynamique et la plus compétitive au monde».
Parmi ceux-ci, le programme FP7, (ndlr : «Framework Program»), un instrument européen de financement spécialement consacré au soutien des activités de recherche et de développement dans l’ensemble des Etats membres.
L’initiative est motivée par l’idée que l’Union européenne n’offre pas d’opportunités de financements suffisantes pour les premières étapes de la phase d’innovation d’un projet, d’un produit ou d’un service, c’est-à-dire au moment où le concept commercial potentiel doit être vérifié par des tests et par l’identification d’un marché approprié. C’est à cause de ce déficit en matière de financement que des idées très novatrices et à fort potentiel commercial ne sont pas concrétisées.
Il est doté d’une enveloppe totale de 53 milliards sur la période allant de 2007 à 2013 et a pour objectif d’harmoniser et de renforcer l'impact de la recherche européenne en permettant la mise en place de projets transnationaux dans les domaines jugés prioritaires par la Commission à l’instar de ceux du transport, des écotechnologies, de l’alimentation, de la logistique, des biotechnologies ou encore des TIC. A Luxembourg, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche encourage les participations luxembourgeoises en professionnalisant la préparation des candidatures. A cette fin, il a nommé Luxinnovation comme Point de Contact National du principal dispositif européen qui permet de cofinancer des projets de recherche collaborative dans dix domaines jugés prioritaires en Europe.
 

Comment la Commission européenne sélectionne-t-elle les projets sujets à financement ?

La Commission, qui lance régulièrement des appels à propositions, met en concurrence les différents projets  soumis par les organisations des différents pays éligibles, et ne sélectionne que les meilleurs dossiers. Les pourcentages des dossiers retenus peuvent fortement varier.  
Ce n’est pas sans poser de problème pour le Luxembourg dans la mesure où lorsque la Commission fait appel à des projets, des propositions dans le cadre d’une recherche spécifique dans un domaine donné, les sociétés et organismes luxembourgeois de recherche se retrouvent en concurrence directe avec les grands groupes ou pôles universitaires et de recherche européens. Dans certains domaines, le Luxembourg a un problème de masse critique, et il lui est difficile de faire le poids en termes de gestion de projets. Néanmoins, les participants grand-ducaux ont tout à gagner à profiter d’une participation au FP7 pour s’associer avec les meilleurs acteurs de la R&D en Europe pour mener une recherche collaborative.

 

Quelle est la valeur ajoutée de KPMG dans ce contexte ?

KPMG a deux missions bien distinctes. Le réseau de KPMG Europe a été nommé par la Commission européenne comme auditeur des projets FP6 et FP7 pour l’ensemble des pays européens sur une durée de cinq ans. Nous auditerons ainsi quelque 4.000 projets dont certains sont du ressort de KPMG Luxembourg, émanant notamment de sociétés, institutions ou organisations luxembourgeoises.
Notre travail consiste à valider l’éligibilité des dépenses déclarées à Bruxelles. Aussi, KPMG est bien positionné pour se poser comme interface et aider des clients privés comme publics à bénéficier des subventions européennes ou nationales. C’est notre deuxième mission, totalement indépendante de la première.
Les financements européens requièrent un consortium reprenant toute la chaîne des intervenants ; on peut imaginer un projet dans les TIC porté par une entreprise commerciale mais en partenariat avec une commune qui va tester la nouvelle technologie en question. Si l’établissement d’un tel partenariat n’est pas rendu obligatoire par tous les programmes européens de co-financement, il est en tout cas fortement encouragé.
Précisons que par consortium on entend l’obligation pour une entreprise ou organisation luxembourgeoise de trouver des partenaires dans d’autres pays européens, condition sine qua non, l’idée étant de créer des synergies ; il faut en effet d’éviter les recherches «isolées» dans les Etats membres.
Nous assistons pour ce faire les sociétés, institutions et organisations dans la préparation des dossiers de soumission. Récemment, nous avons ainsi pu accompagner une société luxembourgeoise dans cette démarche dont le projet a été finalement retenu par l’exécutif européen. Nous tenons à préciser que, dans un souci d’indépendance, nous ne pourrons jamais auditer la bonne tenue des comptes d’un projet d’un de nos clients qui s’inscrit dans le programme FP7.

 

En quoi consiste votre assistance à la soumission de dossiers de candidatures, plus concrètement ?

Dans un premier temps, il s’agit de faire un travail d’information, de sensibilisation, de marketing, notamment via l’envoi de bulletins qui reprennent les grands critères des bénéfices que les sociétés et les communes peuvent retirer de ces fonds européens.
Nous les aidons dans un deuxième temps à prendre connaissance de leurs besoins, de leurs projets innovants et reprenons les critères d’allocation des fonds de la Commission européenne pour réaliser une analyse des opportunités/menaces et lui recommandons de soumettre ou non son projet.
Si l’entreprise est intéressée, nous assistons à la préparation de la demande officielle de subventions. D’une part, cela implique la partie descriptive du projet, soit l’état de l’art scientifique, l’avancée technologique proposée par le projet – c’est-à-dire le plus qu’il est susceptible d’apporter à l’Europe. D’autre part, la partie financière ; pour cette dernière, il s’agit d’établir un plan financier reposant sur les revenus et le coût du projet à trois ans afin de calculer le montant des subventions nécessaires, généralement un cofinancement européen plafonné à 50 pour cent.
Pour finir, une partie administrative où l’on reprend les statuts de la société, les informations sur les différents partenaires impliqués afin que la Commission puisse réaliser ses vérifications préalables pour se rendre compte du sérieux du projet. L’objectif, au final, est de délester les candidats de tâches qui n’appartiennent pas à leur cœur de métier.

 

Quels sont les critères d’éligibilité pour l’obtention des fonds ?

En premier lieu, la société, l’organisation ou l’institution doit jouir d’une situation financière saine. Deuxièmement, le projet doit avoir un caractère innovant et doit permettre à l’Europe de bénéficier d’un avantage concurrentiel par rapport aux autres grandes puissances mondiales. Troisièmement, il s’agit de former un consortium à valeur ajoutée. Finalement, il faut pouvoir démontrer que le projet comporte un risque technologique, puisque les subventions sont précisément destinées à parer le risque et ainsi stimuler le porteur de projet à se lancer dans l’aventure.

Pour de plus amples détails : http://cordis.europa.eu/fp7/home_fr.html