Une décision prématurée

Les tensions inflationnistes actuelles ne justifient pas pour autant une augmentation à court terme des taux d’intérêts par la Banque centrale européenne, et ce, malgré la flambée des cours du pétrole, les risques financiers sur les marchés en cas d’aggravation de la crise au Moyen-Orient et la situation économique alarmante au Portugal, selon une récente étude d’Ernst&Young.
 

Malgré la hausse de l’inflation, l’Ernst&Young Eurozone Forecast (EEF) considère qu’une élévation des taux d’intérêt décidée par la Banque Centrale Européenne le 7 avril 2011— à laquelle succèderaient d’autres augmentations au cours de l’année pour tenter d’agir sur le niveau d’inflation — pourrait mettre en péril la reprise économique encore fragile de la zone euro. Et ce, même si l’inflation liée aux prix de l’énergie, des matières premières et des denrées alimentaires risque de se maintenir à un niveau élevé pendant quelque temps encore. L’EEF prévoit que les prix du pétrole quitteront progressivement leur niveau actuel de 110 à 115 dollars le baril environ pour descendre jusqu’à 95 dollars le baril avant fin 2011. Alain Kinsch précise que «l’inflation ne devrait pas constituer une préoccupation à moyen ou long termes car le potentiel économique de la zone euro reste fort. Il serait à notre avis erroné d’augmenter les taux pour pallier l’inflation apparente liée à la consommation puisque cela entraînerait des effets négatifs sur la croissance du PIB. Cette mesure ne devrait donc pas tenter la BCE d’autant que, comme nos prévisions l’indiquent, les prix du pétrole baisseront de nouveau, les prix des denrées alimentaires retrouveront des niveaux plus bas et les effets des différentes augmentations des taux de TVA du début 2011 ne se feront plus sentir à l’horizon 2012, ramenant de nouveau l’inflation en dessous de 2 pour cent».

 

… Mais des risques liés au prix du pétrole demeurent

La croissance du PIB et l’inflation subissent toutefois les effets de la situation au Moyen-Orient. Selon l’EEF, si le prix du pétrole devait augmenter et se stabiliser autour de 150 dollars le baril, l’inflation dans la zone euro atteindrait 3 pour cent environ cette année et resterait légèrement supérieure à 2,5 pour cent en 2012. Le PIB, quant à lui, pourrait baisser jusqu’à 1,2 pour cent cette année et 1,3 pour cent l’année prochaine. Si le prix du baril devait continuer à grimper jusqu’à 200 dollars, l’inflation continuerait de progresser jusqu’à atteindre 4 % cette année et se maintiendrait au-dessus de 3 pour cent en 2012, tandis que le PIB ne dépasserait pas 1 pour cent sur la période. Parallèlement, les effets négatifs de tels scénarios sur la croissance – tant européenne que mondiale- auraient pour corollaire une baisse de l’inflation hors produits énergétiques.

 

Des risques baissiers pèsent toujours sur la croissance

Une aggravation de la crise au Moyen-Orient pourrait en généraliser les effets négatifs, entraînant une réévaluation des risques sur les marchés financiers. Cela se traduirait par une chute rapide du cours des actions et une hausse des primes de risque sur un plus large éventail d’obligations. Dans la zone euro, les conséquences pourraient être néfastes, avec une intensification de la crise des obligations souveraines. D’après l’EEF, les probabilités d’un tel scénario sont relativement faibles, mais la situation au Portugal est devenue inquiétante et ses conséquences pourraient être graves. Les pays de la zone euro doivent aussi s’adapter aux mesures de renforcement fiscal mises en place. Marie Diron ajoute : «L’EEF considère que les gouvernements sous-estiment les effets négatifs des restrictions fiscales sur la croissance. Pour la première fois, on assiste simultanément à un resserrement fiscal dans de nombreux pays. Nos estimations, plutôt prudentes de ses effets négatifs sur la croissance, pourraient donc s’avérer trop optimistes».

 

La zone euro est-elle encore attrayante?

Au regard d’une telle morosité, il n’est pas facile de croire que la zone euro peut encore rester attrayante pour de nouveaux membres potentiels. Pourtant, le 1er janvier 2011, l’Estonie est devenue le 17e membre de la zone euro. Les avantages d’adhérer à un marché si grand avec une monnaie relativement stable sont déjà visibles. Marie Diron explique : «la relance des exportations entrainera une croissance du PIB estonien de plus de 4 pour cent cette année, et il ne fait aucun doute que la confiance du consommateur a été renforcée par l’entrée de l’Estonie dans la zone euro».

 

Trois situations économiques au sein d’une même zone

Malgré la bouffée d’air frais apportée par la mise en place du Mécanisme européen de stabilité lors du dernier sommet de l’UE, des tensions se font de nouveau fortement ressentir en raison de l’instabilité politique qui règne au Portugal depuis la démission du premier ministre Socrates. La reprise économique dans la zone euro reste fragile, et le fait que le Portugal ait demandé une aide financière pourrait désormais engendrer des préoccupations supplémentaires pour les autres économies de la zone Euro. Marie Diron ajoute : «Même si le Portugal et la zone euro arrivent à se sortir de cette crise spécifique, l’avenir reste incertain. La probabilité d’une Europe à deux, voire trois vitesses, que nous anticipons depuis un an, se profile.

Extrait du communiqué d’Ernst & Young Luxembourg S.A.

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