La finance, de plus en plus pointue
Dans un environnement de plus en plus concurrentiel, la tendance en termes de formation professionnelle dans le secteur financier est à la stabilisation des produits de masse et à la spécialisation. Interview de Werner Eckes, directeur de l’IFBL.
Aujourd’hui, le secteur financier luxembourgeois est-il toujours porteur d’opportunités en termes d’emplois?
Après une période creuse, le secteur commence progressivement à être de nouveau porteur. La place financière, qui était autrefois LA source de recrutement au Luxembourg, aura toujours un rôle à jouer, mais certainement pas le même qu’avant la crise: nous n’atteindrons plus le niveau de recrutement très élevé de ces dernières années.
Il y a eu un basculement: le secteur recherche aujourd’hui des profils hautement qualifiés. Après un pic en 2008, où nos classes ont doublé -ce qui est en partie dû au recrutement massif-, la formation standard a connu un retour à la normale l’année passée. En revanche, on enregistre une augmentation significative de tout ce qui est certification professionnelle.
Le leitmotiv du moment est donc la qualification. Comment cette tendance s’explique-t-elle?
La tendance à l’industrialisation est en recul. Le Luxembourg se concentrera probablement à l’avenir sur des clients très riches, qui vivent dans un pays et ont des propriétés dans d’autres pays. Ces clients cherchent une optimisation, une sécurisation et exigent souvent un service ‘all inclusive’. Le Private Banker de demain connaît les grandes lignes des régimes fiscaux et successoraux des pays cibles du Luxembourg, mais aussi de l’Amérique du Sud ou de l’Europe de l’Est. Il est également très fort en recherche de solutions.
Comment le Luxembourg tire-t-il son épingle du jeu sur un marché de plus en plus international?
La place financière conserve des atouts, qui sont de moins en moins ‘automatiques’ et de plus en plus liés aux compétences. Avec l’harmonisation grandissante des services en Europe, elle doit garantir un service avec une réelle valeur ajoutée à ses clients. Le Luxembourg n’a jamais été une place nationale. Contrairement à ses voisins qui travaillent pour une grande partie sur leurs propres marchés, il a toujours dû considérer tous les aspects internationaux, ce qui fait sa force.
Cette harmonisation concerne également les politiques de recrutement et de formation. Quelles sont les incidences sur un institut de formation?
Nous sommes au service des 147 banques implantées au Luxembourg qui sont nos membres et qui sont, à l’exception de deux d’entre elles, des multinationales. Nous ne pouvons donc pas nous permettre d’avoir une approche luxo-luxembourgeoise. En tant qu’institut de formation, nous devons faire preuve de flexibilité pour offrir des solutions adaptées aux besoins, mais aussi collaborer avec nos confrères étrangers. Notre mission est de construire des parcours ou de les offrir en partenariat avec des associations internationales.
Pourriez-vous citer quelques exemples de collaboration internationale?
Nous proposons, entre autres, des cours en collaboration avec des partenaires sur deux thématiques qui en sont à leurs débuts au Luxembourg: la finance islamique et la microfinance. Nous délivrons donc des diplômes qui ont une valeur internationale.
En ce qui concerne la finance islamique, nous travaillons avec une université londonienne et un organe spécialisé. Les premiers cours étaient complets, mais aujourd’hui la tendance se stabilise à un niveau neutre. Je pense qu’il nous faudra encore quelque temps pour donner à ce produit la place qui lui revient.
Dans le domaine de la finance et des produits alternatifs, la microfinance a rencontré un grand intérêt lors de son démarrage. En cette matière, le Luxembourg a de l’avance en termes de compétences. Nous voulons conserver cet avantage et le développer plus encore.
Qui dit formations de haut niveau, dit public de haut niveau. Quelles réponses l’IFBL apporte-t-il à ces stagiaires dont les agendas sont souvent bien remplis?
D’abord, nous constatons que si la formation est efficace, nous enregistrons davantage d’inscriptions. Aujourd’hui, on ne suit plus une formation pour découvrir une matière. Dans certains cas, nous avons développé un système de pre-reading qui permet de travailler le cours en amont. On s’y présente donc en étant préparé, en ayant fait des recherches. La formation en elle-même est plutôt axée sur des exercices pratiques. Les stagiaires peuvent ainsi mieux profiter de l’expert qui se trouve en face d’eux.
Nous envisageons également de prévoir pour certains cours deux versions pour une même formation: une version longue, étape par étape, pour les novices et une version accélérée pour les clients qui ont déjà une expérience. Nos cours offrent un renforcement par la pratique, mais permettent aussi une évolution, que nous allons construire sur le diplôme. Par exemple, dans le Private Banking, un juriste ou un économiste va suivre une formation comme Wealth Manager, Financial Planner ou Certified Private Banker.
L’IFBL a profité de ses vingt ans pour faire évoluer son image et donner une nouvelle direction à ses activités…
L’IFBL n’est plus l’Institut de Formation Bancaire Luxembourgeois, mais simplement l’Institut, ce qui signifie qu’il est plus qu’un acteur financier. En accord avec sa nouvelle philosophie, l’IFBL travaille aujourd’hui activement sur des projets à dimension sociale comme Fit for Financial Market, initié par le ministre du Travail et de l’Emploi et développé en partenariat avec l’ADEM et l’ABBL, qui vise à encadrer les personnes ayant perdu leur emploi dans le secteur financier.