Une rentrée scolaire sous le signe de la cohésion et de l’innovation

Une école plus inclusive, plus innovante et résolument tournée vers l’avenir : telle est l’ambition de cette rentrée scolaire au Luxembourg. Alphabétisation différenciée, diversification de l’offre et intégration maîtrisée de l’intelligence artificielle dessinent un paysage éducatif en pleine évolution. Rencontre avec Claude Meisch, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse.

 

Comment s’est déroulée cette rentrée scolaire et quels en ont été les moments les plus marquants ?

Le point fort de la rentrée, c’est avant tout le retour des enfants dans les écoles. On sent à quel point ils sont heureux de retrouver leurs camarades, leurs institutrices et instituteurs. Ces moments de joie restent pour moi l’élément le plus marquant. Chaque année, j’essaye d’être présent au moins dans un établissement. Cette fois-ci, je me suis rendu à l’école fondamentale de Roodt-sur-Syre, où j’ai visité deux classes, l’une au cycle 2 et l’autre au cycle 4. Avec les élèves, nous avons échangé sur leurs vacances, leurs attentes pour l’année scolaire et notamment avec ceux du cycle 4 qui, étant en dernière année de l’école fondamentale, se préparent déjà avec curiosité et impatience à entrer au lycée.

J’ai également visité une Classe Spécialisée d’Accueil de l’État (CSAE) accueillant des enfants issus de familles réfugiées ou bénéficiaires de protection internationale. Leur retour à l’école a été marqué par une joie particulièrement forte : n’ayant pas eu l’occasion de partir en vacances pour la plupart, l’école représente pour eux bien plus qu’un lieu d’apprentissage ; c’est aussi un espace de rencontres et de nouvelles perspectives.

 

Vous avez placé cette rentrée sous le signe de la cohésion sociale. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Je pense d’abord au rôle central de l’école publique dans un pays comme le Luxembourg, marqué par une très grande diversité linguistique, culturelle et sociale. Jusqu’ici, nous avons longtemps maintenu un modèle d’alphabétisation en allemand, mais ce choix ne correspond plus à la réalité : seul un tiers des élèves parlent encore luxembourgeois ou allemand à la maison, tandis qu’un autre tiers utilise le français ou le portugais et le reste grandit dans un environnement multilingue parfois très complexe. C’est précisément pour répondre à cette diversité que nous avons lancé le projet Alpha – zesumme wuessen, qui débutera à la rentrée prochaine. Il donnera désormais aux parents le choix entre une alphabétisation en allemand ou en français. Apprendre à lire, écrire et compter dans une langue plus proche de celle parlée à la maison augmente les chances de réussite scolaire et favorise l’intégration. Bien sûr, cette solution ne résout pas toutes les situations, mais elle apporte une réponse pertinente à la réalité linguistique de nombreux enfants au Luxembourg.

En parallèle, nous mettons en place des mesures d’accompagnement : formation des enseignants, développement progressif de matériels pédagogiques adaptés et suivi régulier du déploiement.

 

L’IA est de plus de plus présente dans nos quotidiens. Comment cela se traduit-il dans les salles de classe ?

L’intelligence artificielle aura, et a déjà, des répercussions majeures dans tous les secteurs : les médias, les administrations, les finances… et bien-sûr l’éducation. Il est essentiel que l’école prépare ses élèves à un monde où l’IA sera omniprésente, tout en s’assurant qu’ils continuent à réfléchir par eux-mêmes, à développer leur propre opinion et à exercer leur esprit critique. Ma plus grande préoccupation est que si les jeunes ont l’habitude d’utiliser l’IA pour rédiger un texte, traduire ou résumer, ils risquent de ne plus jamais mobiliser leur propre réflexion. Le cerveau, comme tous les muscles, a besoin d’exercice : si on ne l’utilise pas, il s’atrophie.

Concrètement, il n’y aura pas d’utilisation de l’IA à l’école fondamentale, afin d’encourager les jeunes à lire, écrire, rédiger et formuler leurs opinions eux-mêmes. L’apprentissage de l’IA débutera dans les classes inférieures du secondaire, pour comprendre son fonctionnement, ses opportunités et ses risques. Dans les classes supérieures du lycée, l’usage sera ponctuel et encadré, pour s’assurer que les élèves conservent la maîtrise de leurs propres compétences et ne se contentent pas de déléguer leur réflexion à un outil numérique.

 

Selon vous, quel est le plus grand défi de l’école luxembourgeoise ?

Le plus grand défi est sans aucun doute la gestion de la diversité. Chaque année, notre système scolaire accueille de plus en plus d’élèves : pour cette rentrée, nous avons 2.000 élèves supplémentaires, répartis à parts égales entre le fondamental et le secondaire. La grande majorité d’entre eux vient de l’étranger, ayant déjà commencé leur scolarité dans un autre pays, avec d’autres langues et dans un autre système scolaire. Notre responsabilité est de les intégrer au mieux, ce qui explique pourquoi nous travaillons depuis plusieurs années à diversifier notre offre scolaire.

Nous savons bien que nous ne pouvons pas proposer une section spécifique pour chaque nationalité ou chaque langue. Mais avec les écoles européennes publiques, nous avons trouvé une solution adaptée et très demandée. À titre d’exemple, l’École internationale de Differdange et d’Esch-sur-Alzette (EIDE) a reçu 1.200 demandes d’inscription pour seulement 300 places. C’est pourquoi nous allons ouvrir une nouvelle école publique européenne à Schifflange et d’ici 2028, deux autres établissements supplémentaires dans des localités encore à déterminer.

En parallèle, nous investissons dans la diversification de notre système scolaire national : davantage de classes francophones dans le secondaire général et bien sûr le projet Alpha – zesumme wuessen, qui constitue un changement de paradigme dans la manière d’enseigner et d’accompagner les élèves. Tous ces efforts visent un seul objectif : répondre à l’hétérogénéité croissante de notre population scolaire et garantir des parcours adaptés.

Alors oui, il existe d’autres défis, il y en a toujours dans un système éducatif, mais la diversité restera le défi majeur, probablement pour longtemps. C’est un challenge typiquement luxembourgeois, mais c’est aussi une richesse que nous devons transformer en atout pour l’avenir.

 

Par Barbara Pierrot

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