SYVICOL : davantage de visibilité et de poids politique pour faire face aux défis

Constitué en 1986 sous le statut de syndicat de communes à l’initiative de son père fondateur Henry Cravatte, un homme politique de gauche, le Syndicat des villes et communes luxembourgeoises est l’organisation faîtière des 100 communes du Grand-Duché de Luxembourg. Fort de l’adhésion de l’ensemble des communes, le SYVICOL a réussi à s’imposer comme leur porte-parole en devenant l’interlocuteur privilégié du gouvernement pour toutes les questions concernant le secteur communal. Emile Eicher, le député-échevin de Clervaux, qui préside le syndicat depuis le 7 mai 2012, fait le point sur le passé et l’avenir, et aborde les défis qui attendent les communes.

 

Quelles sont les missions et activités du SYVICOL ?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ses missions sont nombreuses et diversifiées. En tant que représentant général des 100 communes, sa principale mission consiste à rédiger des avis sur tout projet de loi ou de règlement ayant un impact au niveau communal. Ces avis sont adoptés par notre comité, dont les 18 membres sont les délégués des 100 communes.

Pour évaluer le mieux possible l’impact des nouvelles législations sur le secteur communal, nous pouvons recourir à trois commissions internes, composées d’élus et d’agents communaux, qui nous fournissent un retour d’expérience précieux.

Le SYVICOL représente également les communes luxembourgeoises au sein des instances européennes et internationales qui ont pour objectif la défense des intérêts des collectivités locales. Une autre mission du syndicat consiste à promouvoir la coopération transfrontalière et interterritoriale des communes par le biais de jumelages de villes ou d’autres partenariats avec des collectivités territoriales étrangères.

 

Si vous deviez faire le point sur le mandat écoulé, comment le SYVICOL a-t-il évolué ?

Le SYVICOL est plus que jamais l’interlocuteur privilégié du gouvernement pour les questions touchant aux communes. Je dirais même que nous sommes devenus un acteur incontournable, comme nous avons considérablement gagné en visibilité et surtout en poids politique au cours des dernières années.

Nous sommes actuellement très sollicités, même si le gouvernement est libre de nous consulter ou non. Raison pour laquelle le SYVICOL revendique depuis longtemps l’institutionnalisation de sa consultation sur tout projet de loi ou de règlement affectant les communes. Je suis confiant que nous y parviendrons d’ici la fin de la législature, étant donné que l’accord de coalition comporte une stipulation dans ce sens, même si nous aurions souhaité une formulation plus claire.

 

Vous avez été réélu président en janvier dernier, comment abordez-vous ce nouveau mandat et quelles seront vos priorités ?

C’est avec beaucoup de fraîcheur et de motivation que j’ai entamé mon nouveau mandat. Après les grandes avancées décrites plus haut, nous sommes désormais régulièrement consultés, avant même qu’un projet de loi ne soit écrit. C’est crucial car, une fois le projet déposé, il est plus difficile d’y apporter des modifications.

À l’heure actuelle, les échanges avec le gouvernement sont excellents et nous avons de plus en plus l’impression que les communes sont enfin considérées comme un véritable partenaire, non seulement dans le discours, mais aussi dans les faits. C’était d’ailleurs une de nos revendications formulées dans le cadre d’une prise de position adoptée par le comité précédent en octobre 2022.1

Ce qui me tient particulièrement à cœur, ce sont les finances communales. Si les communes disposent de ressources financières suffisantes, elles pourront non seulement recruter le personnel dont elles ont besoin pour améliorer leurs services, mais surtout jouer un rôle décisif dans la relance tant attendue de la construction.

 

Quels sont les enjeux actuels auxquels les communes luxembourgeoises sont confrontées, notamment en matière de logement et d’infrastructure ?

Comme je l’ai déjà dit, c’est la question financière. Le SYVICOL salue le fait que le ministre des Affaires intérieures et le ministre des Finances aient reconnu que les dotations aux communes devaient être renforcées. Des mesures concrètes, telles que la révision des modalités de calcul des contributions communales au Fonds pour l’emploi, l’allègement de la participation financière des communes au CGDIS et l’adaptation d’une série de subsides étatiques, constituent à cet égard des premiers pas importants dans la bonne direction.

Une priorité essentielle est le contrôle de la mise en œuvre du principe constitutionnel de la connexité, qui ne se limite pas à la mise à disposition de moyens financiers supplémentaires lors de l’attribution de nouvelles missions aux communes, mais qui doit s’appliquer dans le temps. Cela implique une adaptation régulière des dotations à l’évolution des tâches et de leurs coûts.

Et si les communes doivent jouer un rôle différent de celui qu’elles ont tenu jusqu’à présent dans le domaine du logement et de l’infrastructure, elles doivent disposer non seulement des moyens financiers nécessaires, comme le prévoit ce principe, mais aussi de ressources humaines. Les petites communes ne disposent en général pas du personnel qualifié nécessaire dans le domaine de la gestion de logements. L’échange de bonnes pratiques et d’expériences est également important si nous voulons progresser dans ce domaine, car il n’est pas nécessaire de réinventer la roue.

 

Quelles initiatives sont prises pour renforcer la participation citoyenne au niveau communal ?

Tout d’abord, il est important de souligner l’importance de ce thème, étant donné que les citoyens souhaitent non seulement être représentés par la politique locale, mais aussi participer activement aux discussions, à la conception et à la prise de décision. En tant que responsables politiques, nous devons tirer parti de cette nouvelle tendance. Le SYVICOL salue par conséquent l’introduction d’outils qui visent à renforcer la participation citoyenne.

Je ne vais pas entrer dans les détails, mais tout simplement citer un exemple concret de ma commune d’origine, Clervaux, où nous avons adopté une approche participative pour la conception d’une aire de jeux pour tous. L’objectif était de faire participer les citoyens, mais aussi de créer des aires de jeux accessibles à tous. Avant l’élaboration même du projet, le collège des bourgmestre et échevins a cherché le dialogue avec les habitants. Cette initiative a été très bien accueillie. Et les citoyens étaient nombreux à participer à la planification et même à la réalisation du projet.

 

Comment soutenez-vous les communes dans la mise en place du Pacte Communal du Vivre-Ensemble Interculturel, et quelles actions concrètes sont menées pour promouvoir la cohésion sociale et l’intégration locale ?

Ici, j’aimerais également citer un exemple d’une commune de l’Est du pays, où un grand projet de logement entraînera une forte augmentation de la population. La commune en question doit faire face à de multiples défis, comme la création de l’espace scolaire nécessaire, l’augmentation de la capacité de la station d’épuration ou l’accroissement de l’approvisionnement en eau potable, pour ne citer que ces trois-là.

Par ailleurs, la nouvelle loi relative au vivre-ensemble interculturel implique un changement de paradigme de l’intégration des non-Luxembourgeois dans notre société vers un réel vivre-ensemble de toute la population et tous les transfrontaliers qui passent une grande partie de leur temps au Luxembourg chaque jour. Les nouveaux citoyens, les résidents de longue date et les travailleurs transfrontaliers doivent se sentir chez eux dans leur commune afin de garantir la cohésion sociale de notre société.

En signant le « Gemengepakt », le pacte communal du vivre-ensemble interculturel, une commune ou un groupement de communes, le SYVICOL et le ministère de la Famille, des Solidarités, du Vivre ensemble et de l’Accueil (MFSVA) s’engagent dans une collaboration étroite, en vue d’un processus pluriannuel et participatif pour promouvoir cette cohésion sociale. Ce processus met l’accent sur l’accès à l’information, la participation de toutes les personnes résidant ou travaillant dans la commune. S’y ajoute la lutte contre le racisme et toute forme de discrimination.

La petite trentaine de communes, 33 pour être précis, qui a déjà signé le « Gemengepakt » est également censée motiver les citoyens à s’engager, par exemple en signant le « Biergerpakt », le pacte citoyen avec le MFSVA. Le pacte communal prévoit d’ailleurs cinq phases : l’engagement politique, l’état des lieux, les ateliers citoyens élaborant des actions concrètes, la mise en place d’actions concrètes et l’évaluation du travail effectué. Sa mise en œuvre est étroitement accompagnée par le ministère, ses partenaires conventionnés ASTI et CEFIS, ainsi que cinq conseillers au vivre-ensemble interculturel qui mettent leur expertise à disposition des communes. Et l’ensemble du soutien financier apporté par le ministère est très attractif. Il y a notamment une subvention annuelle plafonnée à 30.000 euros par commune pour les frais d’un coordinateur pacte communal.

Mais pour répondre à la question sur la façon dont le SYVICOL soutient les communes dans la mise en place du Pacte Communal du Vivre-Ensemble Interculturel, je tiens à préciser que le syndicat a été impliqué étroitement dans la conception du « Gemengepakt ». Il s’engage fortement dans la mise en réseau des communes et dans le partage des bonnes pratiques dans le cadre du « Forum fir d’Zesummeliewen an eise Gemengen » (anciennement GRESIL) dont il est un des coorganisateurs. Ceci correspond parfaitement aux missions confiées au SYVICOL par ses membres.

 

Face à la transition numérique, en particulier la digitalisation des services publics et l’amélioration de l’accès pour les citoyens, quelles aides sont mises en place pour les communes ?

La digitalisation, aussi souhaitable soit-elle, s’accompagne de risques. Pour sensibiliser le secteur au sujet de la cybersécurité et informer sur les mesures déjà mises en place, nous avons organisé le 7 mai une conférence intitulée « Wéi digital resilient ass de Gemengesecteur ? » en collaboration avec le ministère des Affaires intérieures, la Luxembourg House of Cybersecurity et l’Institut luxembourgeois de régulation. Cette conférence a connu un franc succès, ce qui nous encourage à prévoir d’autres actions dans cette matière pour le futur. Par ailleurs, parmi les revendications formulées dans la prise de position que je viens de citer figurent, entre autres, la pose d’un cadre légal pour renforcer la digitalisation de l’administration communale et la création d’un « guichet unique » dans le cadre de la simplification administrative et de la digitalisation, ainsi que le soutien au développement des « Smart Cities ».

 

Quelles sont les priorités du SYVICOL pour les prochaines années ?

Accompagner et poursuivre la modernisation de la loi communale et créer un vrai « statut de l’élu local ». De plus, depuis quelques mois, nous ne nous limitons pas à proposer une simple formation initiale en début de mandat, mais nous voulons que les élus locaux se forment en continu pour mieux se mettre au service des citoyens. Une des priorités sera aussi de trouver un nouveau siège pour le SYVICOL qui réponde mieux aux exigences modernes. Enfin, nous devrons continuer à nous renforcer sur le plan du personnel, car davantage de visibilité, de poids politique et de défis sont synonymes de davantage de travail.

Lire sur le même sujet: