Quand l’or bleu devient vert
Lorsqu’un syndicat intercommunal à portée industrielle décide de réduire son empreinte carbone, la solution peut se révéler de grande ampleur. C’est ainsi que, grâce à Soler, qui développe et exploite des installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables, le Syndicat des eaux du barrage d’Esch-sur-Sûre (SEBES) est devenu l’initiateur d’un nouveau parc éolien, le « Wandpark Eschdorf », qui permettra de couvrir la quasi-totalité de ses besoins en électricité. Paul Zeimet, Managing Director de Soler, et André Weidenhaupt, président du SEBES, nous expliquent comment ils comptent faire de l’or bleu une ressource plus verte !
Au printemps, vous avez annoncé votre projet commun « Wandpark Eschdorf ». Sa particularité : reposer sur une joint-venture entre Soler et le SEBES. Pourquoi avoir opté pour cette solution ?
AW : Le SEBES, qui approvisionne près de 50% de la population luxembourgeoise en eau potable, a récemment remis à neuf sa station de traitement des eaux, une installation qui fait du syndicat le plus gros consommateur d’énergie électrique de la commune d’Esch-sur-Sûre. Soucieux de réduire notre empreinte carbone, nous avons décidé d’équiper nos toitures de panneaux photovoltaïques. Une fois réalisée, l’infrastructure permettra de couvrir 10% de notre consommation électrique. Pour combler les 90% restants, nous avons pensé à l’énergie éolienne et nous nous sommes donc rapprochés de Soler.
PZ : De tels partenariats permettent à Soler d’exploiter de nouveaux sites propices au développement de l’éolien. Nous opérons déjà 14 parcs avec 49 éoliennes à travers tout le pays et, le territoire n’étant pas extensible, nous cherchons de plus en plus à nouer des partenariats avec des professionnels de l’industrie désireux de réduire leur empreinte carbone pour assigner de nouveaux sites à la production d’énergie renouvelable.
La quasi-totalité des besoins du SEBES sera couverte par une seule et unique éolienne. Quelles sont ses caractéristiques techniques ?
PZ : Ce qui rend le projet exceptionnel c’est le choix de l’éolienne : un modèle de toute dernière génération, l’Enercon-E-175, une tour en acier et béton de 162 m équipée de pales de 86 m dont la puissance installée s’élève à 6 MW. Sa production annuelle est estimée à 23,5 GWh, soit plus de 6 fois les besoins énergétiques annuels des ménages de la commune d’Esch-sur-Sûre, ce qui souligne l’envergure régionale du projet. Ces performances ont pu être obtenues grâce au développement technologique continu qui a permis de multiplier par 40 l’énergie produite par une seule éolienne depuis les premiers modèles installés au Luxembourg dans les années 1990. Selon le calcul standard utilisé pour établir une comparaison avec les émissions d’une turbine à gaz, l’électricité produite par le « Wandpark Eschdorf » permettra ainsi d’économiser environ 15.275 tonnes de CO2 par an.
Parlez-nous de la genèse du projet. Comment les premières phases de conception se sont-elles déroulées ?
PZ : Si les prémices du projet « Wandpark Eschdorf » remontent à quelques années, sa conception dans sa forme actuelle a démarré en 2021. Nous avons alors analysé les alentours du SEBES pour identifier les meilleurs sites. Celui que nous avons retenu en premier se prête parfaitement au projet puisqu’il est proche des infrastructures qui permettent de relier l’éolienne au réseau électrique. Situé à 1.200 m des premières habitations, il permet de respecter les normes acoustiques strictes en vigueur au Luxembourg. Quant aux études environnementales, elles n’ont révélé aucune contrindication. Nous avons donc introduit tous les dossiers nécessaires auprès des autorités compétentes et attendons les autorisations pour donner le feu vert à Enercon. La construction et la mise en service sont prévues en 2026.
AW : Notons que nous avons veillé à impliquer les acteurs locaux dans le processus, en premier lieu le collège échevinal de la commune d’Esch-sur-Sûre depuis le début des études. Dans un second temps, nous avons organisé conjointement une séance d’information à destination des habitants. Une centaine d’entre eux ont répondu présents et ont accueilli le projet avec enthousiasme.
L’approche participative est chère à Soler. Les citoyens auront-ils l’opportunité de participer au capital de la société dans ce cas-ci ?
PZ : En effet, tous nos projets comportent une dimension participative. Un an après la mise en service de l’éolienne – le temps de nous assurer de la productivité et de la rentabilité du parc, nous ouvrirons le capital de la société aux citoyens de la commune ou à la commune. C’est un élément clé à nos yeux pour obtenir l’acceptation de la population.
La collaboration entre vos deux entités ne s’arrête pas là puisqu’une seconde joint-venture a vu le jour, cette fois pour garantir la production d’eau potable en cas de blackout…
AW : Effectivement. En érigeant sa nouvelle station, le SEBES a construit une station de transformation d’énergie électrique connectée au réseau haute tension de Creos et dimensionnée pour permettre – moyennant une convention avec l’État et Soler, respectivement propriétaire et exploitant – le couplage à la centrale hydroélectrique d’Esch-sur-Sûre. Ainsi, le cas échéant, il suffit d’ouvrir les vannes et de laisser turbiner les installations du barrage pour y capter directement de l’énergie. C’est crucial pour assurer la continuité d’un service qui est résolument critique, ce que ne pouvaient nous garantir des énergies intermittentes comme celle du soleil et du vent. Cette joint-venture fait de nous l’un des rares producteurs d’eau potable au monde à bénéficier d’une autonomie énergétique le rendant opérationnel même en cas de panne.
Avez-vous pour ambition de renforcer votre collaboration à l’avenir ?
PZ : Tout à fait. Ce n’est que le début d’un beau partenariat que nous envisageons sur le long terme puisque nous explorons d’autres pistes qui nous permettraient de développer davantage l’énergie éolienne. Nous analysons actuellement quelques implantations potentielles le long des structures d’adduction du SEBES. Le grand avantage est que les infrastructures du syndicat sont toujours couplées à un réseau de câblage électrique, et la joint-venture nous permet d’en profiter. Nos deux entités sont donc gagnantes. Nous espérons que ce projet exemplaire encouragera d’autres acteurs à envisager un partenariat du même type. Nous ne demandons qu’à collaborer avec d’autres syndicats intercommunaux ou entreprises industrielles qui partageraient la même volonté de réduire leur empreinte carbone !