De l’équilibre de l’économie luxembourgeoise

Avec le «nouvel ordre» bancaire qui se profile à l’horizon et la diversification économique recherchée par le gouvernement, il est intéressant de connaître la carte à jouer du secteur industriel dans les prochaines années, secteur dont l’Europe a plus que jamais besoin, selon les récents aveux de la Commission européenne. Des éléments de réponse avec Robert Dennewald, président de la Fédération des industriels luxembourgeois.

 

Dans son rapport «Compétitivité du Luxembourg : une paille dans l’acier» publié en 2004, le professeur Lionel Fontagné prétend que «la reconversion d’une structure économique fortement marquée par l’industrie à une économie de services ayant surfé sur la bulle financière a été un succès total». Comment voyez-vous la chose ?

Dans son analyse, le professeur Fontagné constate tout d’abord que la structure économique du Luxembourg a changé. D’une économie basée sur l’industrie, elle a évolué vers une économie à dominante tertiaire. Ceci n’est cependant pas un phénomène luxembourgeois mais un phénomène qui se retrouve dans toutes les économies des pays développés.
Au cours des 30 dernières années, le secteur tertiaire, et surtout le secteur des services financiers, a très largement contribué à la croissance économique et à la création d’emplois. D’aucuns parlent même d’une économie dominée par le secteur des services financiers  exposant ainsi l’économie luxembourgeoise à une certaine fragilité. D’où la nécessité de continuer les efforts pour diversifier notre économie, et ce, surtout par le développement du  secteur industriel.
Le maintien d’un tissu industriel s’avère essentiel pour équilibrer la structure de l’économie luxembourgeoise. Le Grand-Duché peut s’appuyer sur les ressources et points forts existant dans plusieurs domaines tels la sidérurgie, la transformation des métaux, les matériaux, la sous-traitance automobile, les TIC etc. Il s’agit, à présent, de donner un nouvel élan à la politique industrielle en misant sur des activités industrielles moins lourdes et à haute intensité technologique. Un deuxième axe important consistera à mobiliser les PME technologiques à s’internationaliser.

Un autre constat du rapport du professeur Fontagné concerne la perte de compétitivité-coût de l’économie luxembourgeoise. Or, pour développer et diversifier notre économie et attirer de nouvelles entreprises, le Luxembourg doit rester compétitif en termes de coûts salariaux d’abord, mais aussi en ce qui concerne les éléments non-coûts de la compétitivité. Or, je constate que depuis 2004, peu d’initiatives ont été prises pour redresser cette situation.

 

Crise financière, secret bancaire menacé, possible introduction de taxes sur les produits financiers et durcissement de la réglementation, le gouvernement met tout en œuvre pour diversifier l’économie du pays trop dépendante du secteur financier, dit-on. Va-t-on, selon vous, assister au grand retour du secteur secondaire  après la crise, et quel est le rôle à jouer de l’industrie dans cette nouvelle politique ?

Si le développement de la place financière a été favorisé par un cadre législatif compétitif et la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée dans la Grande Région, le Luxembourg s’est en parallèle attelé à rester compétitif et d’éviter les délocalisations au niveau des activités intensives en main-d’œuvre par une fiscalité indirecte favorable et des charges sociales compétitives en comparaison avec les voisins directs.

Je voudrais aussi souligner les efforts récents visant à diversifier l’économie par une politique volontariste qui vise à créer des conditions-cadres compétitives pour attirer des investissements à haute valeur ajoutée dans un nombre limité de secteurs clés. Plusieurs initiatives ont été lancées au cours des dernières années, notamment dans les domaines  de la logistique, avec le lancement d’un plan d’action en 2006 avec comme priorité le développement des pôles logistiques à Contern et dans les communes de Bettembourg/Dudelange tout comme avec la création récente du « Cluster for Logistics » ; des TIC et du secteur de l’audiovisuel avec des investissements significatifs dans les infrastructures de communication et de stockage de données  – Luxconnect, eBRC, Teralink, etc. -, l’adhésion à l’ESA, la création d’un cluster dans le domaine des TIC, le développement de services informatiques autour de la place financière – statut de PSF de support – ; du commerce électronique en attirant des grands opérateurs internationaux au Luxembourg par une fiscalité avantageuse et un service de promotion et d’accueil de qualité sous l’égide de  Luxembourg for ICT»  auquel s’ajoute l’adoption d’un régime fiscal favorable à la gestion des droits de propriété intellectuelle à partir du Luxembourg, – niche fiscale qui commence à porter ses fruits – ; des technologies de la santé avec les accords récents de partenariat stratégiques avec trois instituts de recherche américains et le lancement du cluster « BioHealth », et pour finir des écotechnologies où le gouvernement est en train de lancer une initiative nationale visant à renforcer les synergies entre acteurs et un plan d’action national en matière d’efficience énergétique et d’énergies renouvelables.

Je suis d’avis qu’il s’agit d’approches prometteuses qu’il faudra structurer et affiner dans les années à venir en mettant ensemble les compétences existantes au niveau des entreprises et des organismes de recherche publics.

 

La recherche et l’innovation sont devenues des éléments déterminants dans l’industrie. Quels types d’innovations sont les plus courants (organisationnelles, produits, procédés, commerciales) dans ce secteur, et dans quelle est la contribution des TIC dans cette démarche ?

J’estime que toutes les entreprises doivent être innovantes pour pouvoir survivre dans un monde globalisé ; la recherche est donc primordiale pour rester compétitif, que ce soit dans l’industrie ou dans les autres secteurs de l’économie. L’innovation doit être présente à toutes les étapes, de la production à la commercialisation. Il en est de même pour les TIC qui sont primordiales dans le processus de l’innovation. Les TIC contribuent eux aussi à améliorer l’efficacité de toutes les étapes, que ce soit lors du développement, de la production ou de la logistique. L’industrie luxembourgeoise est très au point en ce qui concerne la recherche et le développement. Je salut d’ailleurs le soutien des aides publiques en matière de recherche et développement, dont toute l’économie luxembourgeoise peut profiter.

 

A quelles contraintes économiques, techniques et réglementaires nouvelles est confrontée la «gestion des déchets» dans l’industrie aujourd’hui à l’ère du «tout développement durable», et spécifiquement au Luxembourg ? Quels ont été les progrès accomplis en la matière ?

L’industrie dispose de plans de prévention et de gestion des déchets. L’objectif est de diminuer la production de déchets à la source et de pratiquer une gestion exemplaire des déchets qui persistent. Ceci exige, entre autres, une séparation des matériaux et une orientation des déchets vers des filières reconnues pour leur sérieux. Toutes ces opérations sont effectuées en collaboration avec des entreprises spécialisées. Elles sont enregistrées et rapportées à l’administration qui émet les autorisations préalables et exerce le contrôle. Beaucoup de matières collectées sous forme de déchets ont une valeur non négligeable, ce qui explique l’intérêt tant pour les industries que pour les entreprises de collecte de les acheminer vers les filières de recyclage reconnues. Parmi les filières de recyclage au Luxembourg, il convient de citer l’industrie sidérurgique, l’aluminium, le cuivre et certains plastiques. La filière de la valorisation thermique de plusieurs catégories de déchets devra être développée d’avantage pour éviter un drainage de ce potentiel de production rationnelle d’énergie vers nos pays limitrophes.  
Au-delà des déchets engendrés au sein des usines, les entreprises se montrent de plus en plus responsables pour le cycle de vie entier,  et notamment pour la fin de vie des produits qu’ils mettent sur le marché. Je peux citer l’exemple des voitures, des emballages, des batteries ou des produits électriques. Les producteurs et metteurs sur le marché de ces produits ont mis en place des systèmes de collecte séparée, de reprise et de recyclage de leurs produits en fin de vie. Les résultats affichés par les gestionnaires de ces systèmes sont exemplaires. La prise de conscience des performances des produits durant leur cycle de vie entier fait que de nombreux secteurs industriels anticipent et intègrent les aspects de gestion de déchets lorsqu’ils développent leurs nouveaux produits. Le choix des matériaux, le design ou le poids sont des éléments importants qui influencent la prise en charge d’un produit une fois devenu déchet.
La Fedil est en faveur d’un marché ouvert pour assurer une gestion efficace des déchets lorsque ceux-ci réintègrent le circuit économique. En ce qui concerne les déchets ultimes qui ne peuvent pas être évacués vers des filières de recyclage ou de valorisation énergétique, nous constatons que leur volume est en baisse. La prise en charge des ces catégories de déchets exige la mise en place d’infrastructures nationales et/ou régionales modernes, répondant au principe de proximité tel que défini dans la directive européenne relative aux déchets, directive que les autorités luxembourgeoises devraient transposer sous peu.
 

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