Accroître la « compétentivité »

Saviez-vous que, étymologiquement, les termes « compétence » et « compétitivité » partagent une racine commune ? Pas étonnant donc que les deux notions soient si étroitement liées, les compétences étant indispensables à la compétitivité et la compétitivité étant nécessaire à l’attraction des compétences.

Sujet de la 17e Journée de l’Économie qui s’est tenue à la Chambre de Commerce ce 26 mars, la compétitivité luxembourgeoise fait l’objet de la plus grande attention depuis la publication de l’édition 2023 du World Competitiveness Yearbook. Et pour cause : le Grand-Duché, habitué du top 15, a dégringolé à la 20e position l’an dernier. Si cette chute de 7 étages par rapport à l’année précédente s’explique en partie par le bon rattrapage des économies concurrentes qui avaient vu, en 2020, leur PIB reculer bien plus drastiquement que le très résilient Luxembourg, cette contre-performance – que la Chambre de Commerce refuse d’interpréter comme une « perte de compétitivité majeure » à ce stade – interpelle néanmoins. Là où le pays fait aveu de faiblesse, c’est notamment sur sa main-d’œuvre. Confronté à une pénurie de talents, il souffre parallèlement d’une carence en compétences. Bien qu’il demeure parmi les dix meilleurs pour sa capacité à attirer du personnel hautement qualifié, il accuse un manque de compétences digitales qui le relègue au 34e rang du classement en la matière et compte trop peu d’ingénieurs qualifiés (52e place). Une tendance à enrayer au plus vite pour se prémunir d’un futur décrochage économique.

Sans que nous ne puissions y voir un hasard du calendrier, l’heure est en même temps au bilan pour l’Année européenne des compétences. L’initiative a donné lieu à plus de 2.000 événements, séminaires et autres conférences à travers l’Europe ; signe de l’acuité des questions soulevées par la problématique. La thématique avait été proposée par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen dans son discours sur l’état de l’Union de 2022. Elle avait déclaré : « il nous faut un environnement propice aux entreprises, une main-d’œuvre ayant les compétences recherchées et un accès aux matières premières dont notre industrie a besoin. Notre compétitivité future en dépend ». Axée sur la formation continue, l’initiative avait pour but de remédier aux pénuries de compétences dans l’UE et de « favoriser un état d’esprit de reconversion et de perfectionnement professionnels, en aidant les personnes à acquérir les compétences adéquates pour des emplois de qualité ». Alors que l’Année européenne des compétences devrait prendre fin le 8 mai, espérons que l’intérêt – mais surtout les actions et les investissements – ne retombent pas comme un soufflé. L’enjeu est de taille puisque l’obsolescence des compétences tend à s’accélérer considérablement.

Mais alors, quelles sont les solutions ? La stratégie de l’OCDE sur les compétences au Luxembourg, publiée en février 2023, émet quelques recommandations taillées sur mesure pour le marché national : mettre en place, avec tous les acteurs concernés, un système de formation solide et régulièrement mis à jour pour s’ajuster aux besoins changeants du marché, améliorer les services d’orientation et les incitations financières pour la formation des adultes, attirer et retenir les talents étrangers en facilitant leur recrutement et leur intégration à la société ou encore renforcer la gouvernance des données sur les compétences.

Dans les pages qui suivent, des acteurs du terrain – dont la formation est le cœur de métier ou non – jetteront eux aussi leur éclairage sur la question, soulignant le caractère crucial de l’accroissement des compétences à l’aune des crises et transitions qui bousculent le marché du travail, les carrières des employés et la compétitivité des entreprises.

Bien entendu, si le mot-valise qui titre cet éditorial est bien commode, la réalité est plus complexe. Toute une série de facteurs mérite d’être étudiée pour accroître la compétitivité de notre économie d’une part et améliorer l’employabilité et la qualité du travail d’autre part, mais le lien entre ces deux problématiques constitue une bonne porte d’entrée à ce nouveau numéro.

 

Par Adeline Jacob

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