Strassen : une discussion sur l’avenir

Avec 111 nationalités cohabitant en harmonie et une situation géographique idéale aux portes de la capitale, Strassen brille par sa diversité, sa qualité de vie et son dynamisme. Mais c’est aussi l’une des communes où le prix du logement atteint des sommets. Pour aborder l’avenir de Strassen, nous avons rencontré son bourgmestre, Nico Pundel. Une discussion passionnante sur le développement de la commune.

Quel bilan dressez-vous suite aux élections communales ?

Le parti que je représente (CSV) a remporté près de 10% de voix supplémentaires par rapport aux précédentes élections. Mon score était donc très bon. Malheureusement, les socialistes ont, de leur côté, perdu près de 7% des voix. Pour la coalition que nous représentons, cela peut sembler assez injuste. Nous avons toujours travaillé dans une étroite collaboration, mais seul le bourgmestre en a reçu les honneurs d’un point de vue strictement électoral. Je le regrette car, avec Betty Welter-Gaul (LSAP), nous avons vraiment mené ce mandat à deux. Néanmoins, la coalition a fonctionné et les Strassenois ont validé notre action et nous ont réaffirmé leur confiance.

Nous souhaitons grandir avec calme et sérénité

J’ajouterais que nous étions la seule commune du pays où mon parti et celui des socialistes détenaient huit des quinze sièges. Mais comme nous soutenons la politique d’urgence climatique et l’idée d’une transition énergétique, nous avons décidé d’intégrer le parti écologiste à notre majorité (deux sièges). Cela a été décidé après mûre réflexion et sans faire de compromis. Aujourd’hui, notre travail se déroule de manière fructueuse.

Comment abordez-vous la croissance exponentielle de Strassen, notamment vis-à-vis du logement, en particulier abordable ?

Il y a différentes perspectives sur cette question. Je tiens tout d’abord à dire que cette croissance n’est pas de notre fait. Nous ne pouvons pas l’arrêter, ni même la freiner, mais nous n’allons pas pour autant l’accélérer, notamment en ce qui concerne l’immobilier. Nous souhaitons grandir avec calme et sérénité, sans nous laisser emporter par l’émulation des promoteurs. Émulation qui s’est d’ailleurs bien atténuée ces derniers mois !

Le Pacte Logement 2.0 a un peu changé les règles du jeu : aujourd’hui, une partie de l’habitat est consacrée au logement abordable. Trois acteurs entrent alors dans la partie : la commune, le Fonds du Logement et la SNHBM. Nous nous réunirons très bientôt pour savoir « qui fait quoi », mais il est évident que la commune ne peut pas tout faire. En revanche, si deux ou trois appartements d’une résidence sont destinés au logement abordable, il se peut que ce soit la commune qui les acquière, soit pour les louer, soit pour les vendre sous bail emphytéotique afin de garder la main dessus. Les terrains communaux disponibles sont pour l’instant destinés aux infrastructures publiques.

Quels sont les projets en cours sur ce point ?

Nous sommes en train de concevoir un nouveau stade de football pour justement libérer certains terrains et agrandir le campus scolaire par la suite. Les plans existent déjà et 2025 marquera l’aboutissement de la construction du stade. Nous planifions également un élargissement de la maison communale, des travaux nécessaires en raison de la croissance de la population. Nous revalorisons l’espace autour de la mairie; un réagencement des places de stationnement aura lieu.

Nous planifions aussi une rénovation de la morgue et des services funéraires qui ne sont aujourd’hui plus adaptés au nombre d’habitants ni à la diversité des cultes qui existent au sein de la commune.

En ce qui concerne les commerces, ce sont ceux qui existent dans le village et à proximité qui doivent être valorisés et développés. Ce sont des lieux de rencontre indispensables au vivre-ensemble, très appréciés des résidents, où la circulation doit d’ailleurs être repensée. C’est le cas aussi dans le centre Belle-Etoile, mais dans une perspective assez différente.

Qui dit plus de résidents dit aussi plus d’enfants, qu’en est-il des infrastructures scolaires et d’accueil ?

Nous sommes bien conscients que c’est un axe de développement qui mérite toute notre attention. C’est pourquoi nous travaillons sans discontinuer sur la mise à jour de notre campus scolaire. La question est à présent de savoir s’il faut poursuivre dans la direction d’un agrandissement ou s’il vaut mieux concevoir un second campus distinct. Je pense que, pour la décennie à venir, c’est la première option qui prévaudra. Si la croissance démographique est toujours aussi forte dans dix ans, alors il faudra opter pour la seconde.

Il y a 4 ou 5 ans, nous avons constaté que notre maison relais, qui accueillait près de 500 enfants, devait être remaniée. Après une étude menée conjointement avec l’Université du Luxembourg, nous avons décidé de la diviser en 4 entités pour que chaque cycle scolaire dispose de sa propre maison relais. La qualité du service en a ainsi été améliorée.

Dans l’école que nous allons construire pour le cycle 1, une maison relais dédiée sera également intégrée.

La circulation fait partie des points de tension pour de nombreuses communes. Comment voyez-vous les choses à Strassen ?

Nous avons trois grands axes de circulation : la route d’Arlon, le contournement Sud entre Strassen et Bertrange et bien sûr l’autoroute qui coupe la commune en deux. Un cas de figure assez unique en son genre ! Pour moi, la vitesse devrait y être réduite et des panneaux d’isolation acoustique devraient être mis en place. Mais revenons aux deux routes dont je parlais : les blocages ont lieu aux heures de pointe ; le reste de la journée, le trafic y est fluide.

Quant aux transports en commun, notre offre de bus est totale. En ce qui concerne le tram, nous sommes demandeurs d’une prolongation du tracé qui irait alors jusqu’à Mamer.

Des pistes cyclables ont été ouvertes le long de la rue des Romains et devraient être prolongées. Nous devons à présent réfléchir à des voies qui mènent de Strassen au centre-ville de la capitale. Le vélo est un mode de circulation très en

vogue aujourd’hui, porté par les expatriés d’abord et qui convainc désormais les Luxembourgeois aussi. Ce sont des initiatives que nous soutenons et qui vont dans le sens d’un développement durable et responsable.

D’ailleurs quels engagements ont été pris en faveur du développement durable ?

Nous avons bien entendu signé les Pactes Nature et Climat. Nous disposons de deux équipes dédiées à ces thématiques qui sont très efficaces et proposent toujours de bonnes idées. Chacune de nos nouvelles constructions se base sur les règlementations en vigueur à ce sujet et nous veillons à faire certifier ces dernières par les autorités compétentes.

L’idée est vraiment d’innover dans la continuité. (…) Nous voulons garder le visage d’une commune où il est agréable de vivre, en ayant tout ce qui est  nécessaire à portée de main

Lors du dernier conseil communal, nous avons revoté les subsides en faveur des panneaux photovoltaïques et les aides à la rénovation, afin d’inciter nos résidents à faire un pas dans cette direction. Nous souhaitons aussi renforcer notre réseau de bornes de recharge pour voitures électriques, en particulier pour les résidences où les occupants n’ont pas forcément accès à un garage avec une prise électrique.

Autre initiative : nous profitons de la rénovation de certaines parcelles de la voirie pour convertir l’éclairage public à un système LED. Nous le faisons au fur et à mesure car je m’interroge toujours sur la pertinence de changer d’un seul coup un système qui fonctionne bien. Est-ce plus responsable de jeter des équipements en parfait état de marche ? Il est sûr que lorsqu’il faut changer l’éclairage, ce sont des LED que nous installons.

D’un point de vue financier, comment planifiez-vous tous ces projets ?

Actuellement, la commune de Strassen n’a aucune dette et dispose d’une réserve de 25 millions d’euros. Je dis cela en sachant que le coût de construction d’une école est à lui seul de 40 millions. Il est donc fort probable que nous ayons recours à des emprunts à l’avenir pour financer notre développement. En revanche, cela se fera de manière étalée sur plusieurs années. L’endettement sera donc très mesuré et gérable. Nous y sommes particulièrement attentifs.

Quels retours avez-vous de vos administrés, qu’apprécient-ils à Strassen ?

Ils se sentent bien. Lorsque je leur pose la question, très souvent, ils me disent se sentir en sécurité. Il est vrai que notre commune est très sécurisante. Chacun peut se promener à 23h dans nos rues sans avoir peur. Pour ceux qui arrivent de grandes villes comme Londres ou Paris, c’est un sentiment nouveau et très agréable.

L’autre retour unanime que j’obtiens, c’est la sensation des résidents de disposer de tout ce dont ils ont besoin à Strassen : services, commerces, infrastructures scolaires ou sportives…

Autre point très important pour eux : le fait de pouvoir parler leur langue ou, bien entendu, l’anglais, la langue universelle. Il y a dix ans, ce n’était pas le cas lorsque vous vous adressiez par exemple à l’agent d’accueil de la mairie. Nos équipes ont été formées à différentes langues, ce qui rend les échanges fluides et simplifie la vie des familles qui arrivent des quatre coins du monde.

Quel est l’agenda culturel pour 2024 ?

2024 sera l’année de la 12e Biennale d’art contemporain bien sûr, un événement fort et très attractif. Mais nous allons également développer les concerts, les « afterworks » et les animations estivales qui ont été très appréciés des Strassenois l’an dernier. Les gens s’y croisent, s’y rencontrent et l’engouement pour ces événements ne faiblit pas, ni pour les Luxembourgeois, ni pour les expatriés quel que soit leur âge. Nous le constatons lorsque nous envoyons des invitations à différentes manifestations, les gens viennent et reviennent.

Et Strassen dans six ans, dans quinze ans ?

Mon précédent mandat n’a duré que deux ans et demi. Celui-ci va me permettre de poursuivre l’action collective, de terminer ce que nous avons commencé, mais aussi de lancer de nouveaux projets comme ceux que nous venons d’évoquer. L’idée est vraiment d’innover dans la continuité. Nous grandirons donc de manière raisonnée. Nous voulons garder le visage d’une commune où il est agréable de vivre, en ayant tout ce qui est nécessaire à portée de main.