«Le travail bien fait porte toujours ses fruits»

C’est dans un écrin de verdure et au contact de figures persévérantes que l’actuelle dirigeante de la Spuerkeess, Françoise Thoma, forge ses premières armes. Après une enfance heureuse entourée de femmes travailleuses, elle se dévoue d’abord au monde de la justice pour ensuite se diriger vers celui de la banque. Son parcours révèle la recette de son succès: un savant mélange de travail et d’instinct. Portrait d’une femme qui s’est donné les moyens d’accomplir toutes ses envies professionnelles.

 

La nature comme repère

Françoise Thoma naît à Luxembourg et grandit dans un village à deux pas de la capitale. «L’endroit où j’ai passé mon enfance était caractéristique du Grand-Duché de cette époque. Entre la ville et la campagne, il y avait encore des bois et des champs. Très proche de notre maison se trouvait une vaste forêt où j’appréciais beaucoup me promener», raconte-t-elle. Dès le plus jeune âge, elle est entourée des richesses de la nature et conserve encore aujourd’hui ce besoin d’être à leur contact.

Fille d’une mère employée à la Chambre des Métiers et d’un père électricien de formation, elle voit ses parents lui transmettre les valeurs du travail et de la persévérance. «J’ai observé très tôt les membres de ma famille s’impliquer à 100% dans leur profession. Mes grands-mères étaient d’ailleurs des entrepreneuses avant l’heure! Ce cadre familial m’a beaucoup influencé. J’ai été élevée dans l’idée que le travail bien fait porte toujours ses fruits», évoque Françoise Thoma.

À l’école, cette idée se vérifie. «D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été une bonne élève. Bien entendu, je devais faire des efforts, mais je prenais beaucoup de plaisir à apprendre et les études m’intéressaient profondément. L’adolescence n’y a rien changé. En revanche, je n’ai jamais agi en fonction d’ambitions particulières ou dans une volonté d’obtenir à tout prix un résultat prédéterminé et inaltérable. C’était plutôt dans ma nature d’allier investissement personnel, goût de l’effort et plaisir», précise Françoise Thoma.

 

Suivre le droit chemin

Au lycée, celle qui dirigera la Spuerkeess se consacre plutôt aux langues classiques, bien qu’elle aime enrichir ses connaissances en se passionnant pour d’autres matières telles que la philosophie ou la géographie. Petit à petit, elle développe une forme de fascination pour le monde du droit. Elle constate alors que les professions qui l’attirent le plus nécessitent des études dans ce domaine. «Mon diplôme de fin d’études secondaires en poche, j’ai donc pris la décision d’emprunter ce chemin car il pouvait mener à une large panoplie de destinations. Et je ne l’ai pas regretté puisqu’après quelques semaines de cours, je savais que j’avais fait le choix qui me correspondait. Je me sentais à ma place», se souvient-elle.

Par la suite, elle continue d’écouter ses envies dans son parcours universitaire. Souhaitant comprendre les mécanismes de la société, elle approfondit ses connaissances et ajoute des cours de sciences politiques en complément de son programme obligatoire. Elle les complétera plus tard par des cursus spécifiques de management.

Une fois son doctorat en droit décroché, elle entame son parcours professionnel en tant qu’avocate. «J’avais effectué mes stages au barreau de Luxembourg, il était donc tout naturel pour moi d’y commencer ma carrière. J’y ai travaillé plusieurs années, en particulier dans les domaines du droit bancaire et du droit des affaires… sans doute les prémices des choix qui suivront», explique Françoise Thoma. «Le barreau est un milieu très formateur et méthodique car il exige à la fois l’appui d’une thèse par un argumentaire et l’interaction permanente avec des points de vue différents, pouvant être tout aussi logiques que celui que nous défendons. De ce fait, cette étape dans mon parcours m’a fait comprendre l’importance de l’humilité ainsi que l’enrichissement qu’apporte la collaboration humaine».

 

Gravir les échelons de la Spuerkeess

Si le barreau lui plaît beaucoup, la jeune Françoise Thoma ne veut pas se fermer de portes trop tôt et souhaite découvrir de nouvelles possibilités de carrière. Elle quitte alors son poste pour intégrer la Cour de justice européenne en tant que référendaire. «J’ai rapidement compris que les fonctions que j’occupais alors ne me correspondaient pas, ce qui constitue également une forme importante d’apprentissage». Deux choix s’offrent alors à elle: retourner au barreau où elle peut explorer de nouvelles opportunités, ou intégrer une entreprise, et plus précisément une banque, milieu qu’elle a côtoyé dans l’exercice de ses fonctions précédentes. Ce dernier choix sonne comme une évidence, alors que la Spuerkeess cherche à ce moment un ou une juriste.

«Le premier souvenir que j’ai gardé de mon arrivée à la Banque et Caisse d’Épargne de l’État, c’est le contraste avec l’univers que j’avais connu jusqu’alors», se remémore l’ancienne avocate. «Le milieu était très différent, mais il m’a plu tout de suite. En étant au service juridique, j’étais en contact avec la quasi-totalité des autres départements, ce qui m’a permis de connaître la diversité des métiers de la banque et ses employés».

J’ai observé très tôt les membres de ma famille s’impliquer à 100% dans leur profession

En 2004, la direction de la Spuerkeess décide de mettre en place un secrétariat général et propose à Françoise Thoma de le diriger. «J’ai commencé à partir d’une feuille blanche. Je me rappelle encore: j’étais seule dans mon bureau, assise à une simple table avec une armoire qui attendait d’être remplie à côté de moi. J’avais juste un téléphone à ma disposition. C’était une nouvelle histoire et j’ai pris beaucoup de plaisir à l’écrire!», se souvient-elle.

Cinq ans plus tard, le juriste en poste au comité de direction part à la retraite et Françoise Thoma y voit une nouvelle perspective intéressante. Elle postule et c’est ainsi qu’elle intègre le comité. En 2016, elle prend la succession de Jean-Claude Finck à la tête de la banque.

Aujourd’hui, l’adolescente qui n’hésitait pas à saisir les opportunités qui s’offraient à elle est devenue le visage de la Spuerkeess. «Mon travail m’épanouit complètement. J’aime ce que je fais et je souhaite continuer à progresser avec les membres du comité de direction et l’ensemble des collaborateurs. Je reste toutefois réaliste: le secteur bancaire est très exigeant et demande de relever nombre de défis parfois imprévisibles, surtout aujourd’hui. Il est donc important de garder la tête froide et d’être entourée par une équipe de confiance, car une personne seule ne peut faire face à la complexité du monde actuel», précise Françoise Thoma.

 

Trouver un équilibre

Si la volonté de continuer sa carrière en tant que directrice et de s’investir complètement dans son métier la motive pleinement, elle a besoin de ce qu’elle appelle «sa bulle d’oxygène» pour équilibrer son quotidien. Et quoi de mieux pour ce faire qu’une madeleine de Proust? «Mon enfance a été marquée par la présence de la nature et, aujourd’hui, me trouver à son contact me procure toujours autant de plaisir. Dès que j’ai un peu de temps libre, je fais des randonnées à vélo ou à pied. Je pratique aussi régulièrement la photographie de paysage qui me permet de renouer avec ma part de créativité».

C’est sans doute le mariage de sa capacité à écouter ses besoins et de celle à fournir le travail nécessaire qui aura permis à l’ancienne avocate de devenir ce qu’elle est. «Si j’avais un message à adresser aux jeunes, ce serait de suivre leurs envies, mais en étant conscients que tout rêve demande des efforts. Sans cela, aucune réussite n’est possible, dans la banque ou ailleurs», conclut-elle.

 

Par Pauline Paquet

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