Un monde professionnel en mutation après deux ans de pandémie
Depuis début 2020, nous connaissons une crise sanitaire inédite. Un phénomène d’une telle importance impacte inévitablement tous les aspects de notre vie, ou presque, et élargit la moindre faille de notre société. Les travailleurs ressentent particulièrement les conséquences de cette situation: bien-être en déclin, augmentation des burnouts, personnel médical en difficulté,… Toutefois, cette pandémie a également ouvert la voie à des changements nécessaires.
La santé mentale au plus bas
Selon le Panorama social pour l’année 2021 publié par la Chambre des salariés (CSL), la satisfaction des salariés a rarement, voire jamais, été aussi basse: le bien-être professionnel, s’il avait obtenu un score de 61,1 (sur 100) en 2019 chute à 54,4 en 2021. L’indice de motivation suit la même évolution en passant de 56,2 en 2019 à 52,0 en 2021. Le risque de burnout connaît quant à lui une hausse importante. Effectivement, trois ans en arrière, son score avait déjà augmenté par rapport à 2014 (1er Panorama de la CSL) puisqu’il avait atteint 35,2 contre 29,4 et la pandémie n’a rien arrangé… il a en effet battu son record en arrivant à 39,3 l’année dernière.
À la lumière de ces résultats représentatifs de la tendance générale exposée dans le Panorama, il est clair que la crise sanitaire en a engendré d’autres, et notamment une crise professionnelle.
La première cible: les travailleurs de la santé
Dans son Rapport d’activités 2021, la CSL pointe particulièrement du doigt la gestion bancale de la santé publique de la part du gouvernement luxembourgeois. Entre des mesures sanitaires floues et un manque cruel de capacités de prise en charge médicale, le secteur a particulièrement souffert.
La crise sanitaire a engendré une crise professionnelle
L’un des problèmes les plus conséquents du Grand-Duché demeure le manque de professionnels de santé luxembourgeois. Cette situation est surprenante au regard du nombre d’infirmiers pour 1.000 habitants: le pays comptait en 2019 une moyenne de 11,7 infirmiers pour 1.000 habitants alors que celle de l’UE est de 8,4. Alors, d’où vient le problème? La crise du Covid-19 l’a largement mis en lumière: la fermeture des frontières a rendu le passage compliqué pour les salariés étrangers… qui représentaient pas moins de 62% du personnel médical en 2019! Et cela n’a rien de surprenant quand nous savons que le premier diplôme national de médecine n’a été créé qu’en 2021[i].
À cela s’ajoute le vieillissement des médecins: en 2017, un tiers d’entre eux était âgé de 55 à 64 ans et seulement 4,77% avaient moins de 35 ans. Ce dernier pourcentage est d’autant plus alarmant en comparaison à d’autres pays européens tels que les Pays-Bas où les jeunes médecins représentaient 30,8% des effectifs de leur profession la même année ou encore l’Allemagne avec 20,13%[ii].
Une occasion de changement?
En adoptant un point de vue quelque peu plus positif, peut-être cette pandémie a-t-elle le mérite de bousculer l’ordre établi dans le monde du travail?
La mise en place du télétravail a notamment ouvert la porte à la transition digitale devenue indispensable dans une société où le numérique gagne de plus en plus de terrain. Certes, ce mode de travail a été imposé par les lois gouvernementales dans un contexte d’urgence, mais il a ouvert la voie à de nouvelles possibilités qui en ont conquis plus d’un après un an et demi d’obligation. Preuve en est: la pétition publique ouverte le 13 juillet réclamant deux jours de travail à domicile par semaine pour tous les salariés, frontaliers y compris. En moins de 48h, l’objectif de 4.500 signatures a été largement atteint puisque plus de 8.000 personnes ont marqué leur accord.
Afin d’intégrer le télétravail dans les entreprises dans une optique d’amélioration des conditions de travail, le gouvernement a notamment établi un projet de loi en 2021 pour inclure le droit à la déconnexion dans le Code du travail. Celui-ci permet de séparer vie privée et vie professionnelle en passant par la création d’un dispositif de régulation des outils numériques. Il se fonde sur le principe qu’un employé a le droit de ne pas être connecté sur les canaux de communication digitaux de son entreprise en dehors des heures de travail.
Le 17 juin 2022, une autre pétition a vu le jour sur le site www.petitions.lu. Celle-ci réclame la diminution de la semaine de travail à temps plein à 35 heures. Elle mobilise elle aussi de nombreux adhérents puisqu’elle a à ce jour récolté plus de 6.000 signatures, ce qui lui garantit d’être débattue à la Chambre des Députés. Cette réduction de la période de travail hebdomadaire est motivée par une volonté d’accroître la satisfaction générale des salariés, d’augmenter leur productivité par la même occasion et de s’aligner sur la tendance européenne, le Luxembourg faisant partie des pays de l’UE avec la semaine de travail la plus longue.
La crise sanitaire a donc provoqué une volonté de changement et d’adaptation du monde professionnel, et il est certain qu’il y aura un avant et un après pandémie.
[i] Commission européenne, «State of Health in the UE – Luxembourg : Profils de santé par pays 2021»
[ii] OECD.Stat
Par Pauline Paquet