Une vision pragmatique du BIM

Améliorer la communication entre les différents acteurs d’un projet, réduire les coûts, optimiser la durée d’un chantier ou perfectionner les métiers et compétences des professionnels de la construction sont autant d’avantages offerts par le processus de travail BIM (Building Information Modeling). Comme toutes les méthodes, celle-ci doit être utilisée sciemment pour en tirer le meilleur et amener un véritable plus sur les projets. Marco Da Chao, cadre dirigeant et chef de service BIM pour le bureau Schroeder & Associés, revient sur l’importance d’adopter une approche pragmatique de cette innovation. 

 

Qu’en est-il de l’utilisation du BIM chez Schroeder & Associés et au Luxembourg? 

En 1999, nous avons fait nos premiers pas en modélisation 3D de structures métalliques et, à partir de 2011, nous avons commencé à appliquer le processus BIM. Nous nous sommes d’abord concentrés sur la modélisation avant d’appréhender d’autres fonctionnalités de cette méthodologie, rendant par exemple nécessaire le développement de conventions de travail. Le BIM est un processus permettant de générer et de gérer des informations fonctionnelles ou physiques relatives à un projet de construction. Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas uniquement un logiciel de modélisation, c’est aussi un processus de collaboration qui améliore la communication ainsi que la coordination entre les différents acteurs d’un projet.  

Ce nouveau processus a mis du temps à se déployer au Luxembourg car sa mise en place pouvait sembler laborieuse, couteuse et nécessitait des compétences techniques poussées. Néanmoins, son utilisation optimise la durée et les coûts d’un projet. Les données utilisées tout au long du projet peuvent également servir une fois le bâtiment livré clé en main pour le Facility Management. 

 

Alors que l’opinion générale perçoit le BIM comme indispensable à la construction, Schroeder & Associés mise plutôt sur une approche pragmatique. Pouvez-vous nous en dire plus? 

Jusqu’à récemment, comme tous les acteurs du métier de la construction, nous avions une approche générale du BIM, mais l’expertise interne à son égard s’est affinée au fil du temps. En d’autres termes, nous plaçons notre métier d’ingénieur-conseil et le projet au centre de nos activités. Le BIM est là pour les «habiller». Ce processus, lorsqu’il est sciemment utilisé, permet d’optimiser nos façons de travailler, d’atteindre nos objectifs plus facilement et de répondre aux exigences de nos clients: une vraie valeur ajoutée. Par contre, lorsque les usages ne sont pas bien définis, lorsque le processus est mal utilisé, lorsque le BIM devient l’élément principal et non plus le projet, même si cela part d’une bonne intention, ceci peut engendrer des coûts supplémentaires ou provoquer un sentiment de lassitude chez le maître d’ouvrage. Chez Schroeder & Associés, nous appliquons les bons usages du BIM et nous facilitons nos méthodes de travail pour être plus efficaces grâce à une solide expérience de notre métier. 

Nous conseillons nos clients à toutes les étapes du projet et maîtrisons le flux de travail grâce à nos collaborateurs. Ceux-ci sont spécialisés dans de nombreux domaines qui recouvrent le spectre de la construction: de la structure des bâtiments aux infrastructures (voiries, réseaux, eau et assainissement, etc.).  Les phases d’initialisation et de démarrage par rapport à l’utilisation de la méthode de travail BIM sont essentielles alors qu’elles sont aujourd’hui généralement bâclées. Pourtant, cela revêt une importance capitale afin de clarifier et définir les rôles de chacun, ainsi que les tenants et les aboutissants d’un projet en amont. 

Le BIM nécessite une approche pragmatique pour optimiser nos métiers et notre savoir-faire

Le BIM s’applique également à beaucoup d’autres domaines que celui de la construction. Il ne doit cependant pas être considéré comme une solution miracle, mais bien comme un outil qui facilite notre métier. Le conseil le plus important que nous pouvons donner à nos clients est de se faire conseiller par des experts qui connaissent avant tout le métier dans lequel ils évoluent de sorte à mettre en place la meilleure méthode de travail BIM et non une solution théorique qui n’est pas adaptée. 

 

S’il simplifie la conception et la construction, le BIM joue également un rôle dans l’économie circulaire au moment de la fin de vie du bâtiment… 

Oui, le BIM a un rôle à jouer dans la déconstruction; un de ses usages fait un lien avec la récupération et le recyclage des matériaux. C’est d’autant plus pertinent au vu de la conjoncture actuelle avec les problématiques géopolitiques ou sanitaires qui entraînent des pénuries. Nous travaillons avec le programme européen INTERREG pour une réutilisation plus efficace des matériaux dans les structures existantes. Il s’agit d’un projet pilote que nous appliquons sur un bâtiment en déconstruction au Grand-Duché. Un scan du bâtiment existant est réalisé, un modèle 3D est créé et de nombreuses informations sont ajoutées, pour déterminer dans quelle mesure nous pourrons récupérer et réutiliser les matériaux. Aujourd’hui, si l’on conçoit grâce à la méthode BIM, nous pouvons incorporer toutes ces données dès la conception du bâtiment, pour le démolir et récupérer les matériaux plus facilement lorsqu’il est en fin de vie.  

 

Quelles sont les autres technologies sur lesquelles vous misez? 

Les différents usages du BIM nous permettent de mettre en place de nouvelles solutions innovantes. Nous utilisons entre autres la réalité virtuelle pour créer une immersion de résultat de manière virtuelle. Nous souhaitons vulgariser les résultats issus de nos simulations qui peuvent parfois paraitre complexes et incompréhensibles pour le commun des mortels en activant les différents sens de chacun. Grâce à la virtualisation, nous parvenons à analyser le flux des personnes sur un chantier pour mieux identifier si ce qui est planifié au niveau de la signalétique est cohérent ou non. Il s’agit d’utiliser ces technologies pour améliorer la qualité des phases intermédiaires et finales d’un projet. Nous pouvons utiliser la réalité virtuelle dans diverses situations: se plonger à l’intérieur de la maquette dans le cadre d’un bassin d’eau potable, ressentir l’acoustique ou le niveau d’éclairage. L’objectif est aussi de rendre le résultat perceptible pour une personne non initiée qui n’a pas forcément les connaissances techniques présentes sur une maquette ou dans un dossier.  

 

Un dernier mot sur les défis futurs liés au BIM chez Schroeder & Associés et de façon générale? 

Personnellement, je pense que le processus BIM prendra progressivement une place prépondérante dans le domaine de la construction. Celui-ci sera bouleversé par une demande en compétences forte en matière d’interopérabilité. Le processus doit tout de même encore s’ancrer dans les habitudes et le défi réside dans le fait de trouver un équilibre entre les besoins et les opportunités qu’il offre. C’est pourquoi le BIM nécessite une approche pragmatique pour optimiser nos métiers et notre savoir-faire. 

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