La passion de l’automobile pour moteur
Le 1er juillet dernier, la Fédération des Artisans (FDA) a trouvé en la personne d’Ernest Pirsch son nouveau président. Directeur du garage qui porte son patronyme, ce féru d’automobile en a sous le capot: à la fois entrepreneur passionné et figure du monde des fédérations, son expérience en tant que président de la Fegarlux, puis porte-parole de la House of Automobile et vice-président de la FDA l’a indubitablement préparé à la tâche. Sur fond de crise sanitaire et accélérée par le départ anticipé de son prédécesseur, sa prise de fonction démarre sur les chapeaux de roue. Il coupe tout de même le moteur quelques instants, le temps de revenir sur sa carrière. De la naissance de sa passion pour l’automobile à son accession à la présidence de la FDA en passant par son engagement dans l’affaire familiale, Ernest Pirsch se dévoile. Portrait.
L’entrepreneuriat dans le sang
Ernest Pirsch est né un an après le garage de ses parents, en 1970, et y a passé le plus clair de son temps libre enfant. Lorsqu’il n’était pas sur les bancs de l’école, il déambulait dans la concession familiale. «Je suis né dans l’automobile et, bien que ça soit un peu caricatural pour un garçon, j’en suis passionné depuis tout petit. J’ai aussi éprouvé une réelle passion pour l’entreprise en tant que telle alors que j’étais encore très jeune. À la maison, tout tournait autour de cette société: le garage était au centre de toutes les discussions à chaque repas. Ce que mes parents ont accompli en partant de zéro, dans un petit hangar de la route de Thionville, m’a toujours ébloui», se souvient Ernest Pirsch.
Bien que sa route soit toute tracée, il décide de faire un détour par l’université et s’inscrit en droit: «J’ai bien conscience que mon parcours soit atypique pour un artisan, mais, au-delà de ma passion pour l’automobile, j’avais un faible pour le droit. Si j’ai toujours voulu intégrer l’entreprise familiale, je me suis tout de même inscrit à l’université d’Aix-en-Provence. Je garde d’ailleurs un excellent souvenir de la vie étudiante, une des plus belles étapes de la vie selon moi, et des personnes que j’ai côtoyées là-bas. Cette expérience, qui m’a apporté une certaine ouverture d’esprit, restera gravée très positivement dans ma mémoire», révèle-t-il.
Un itinéraire tout tracé
Ses études achevées, c’est sans regret qu’il reprend la route du garage familial, en 1995. «Lorsque je suis rentré d’Aix-en-Provence et que j’ai annoncé à mes parents ma volonté d’intégrer la société, ils ont ouvert grand les yeux avant d’accepter. Il a fallu que je me fasse ma place dans une entreprise où j’étais connu depuis tout petit. Aux yeux de nos collaborateurs, je ne pouvais plus être le gamin qui entrait dans le garage sur son vélo. La transition s’est finalement faite tout naturellement. Ma sœur Tania était déjà passée par là et mon père m’a directement fait une place; il ne me surveillait que du coin de l’œil», se remémore-t-il. Et un jour de 1998, alors que les deux enfants Pirsch partagent le repas de midi dans la maison de famille, le fondateur du garage leur tend les clés. Du jour au lendemain, le frère et la sœur prennent les rennes de l’entreprise familiale. Tous deux se complètent et campent le même bureau depuis lors: «À aucun moment la reprise de la société n’a fait l’objet d’un quelconque conflit dans la famille. Ma sœur et moi n’avons jamais eu de divergence quant à la manière de l’administrer», souligne le repreneur.
Ce que mes parents ont accompli en partant de zéro m’a toujours ébloui
Rapidement, la deuxième génération de dirigeants envisage de développer les activités de l’entreprise en distribuant une seconde marque. «Mon père et ma mère vendaient Matra Simca lorsque, peu de temps après, ils ont eu l’opportunité de reprendre Mazda, une marque japonaise alors assez peu connue au Luxembourg. Ils l’ont saisie, ce qui fait du garage Pirsch le plus ancien concessionnaire de la marque en Europe. Quand j’ai intégré la société, l’importateur qui la distribuait nous a demandé de vendre Sang Yong, une marque coréenne. Nous ne l’avons fait que peu de temps mais l’idée de proposer une autre marque ne nous a pas quittés. C’est pourquoi, lors de la scission entre BMW et MG Rover, nous avons postulé pour distribuer la marque britannique. Nous en avons obtenu la concession et vendu les véhicules jusqu’à la faillite du constructeur. Par chance, c’est le contrat de concession Ford qui s’est ensuite libéré, en 2003. Nous avons effectué d’importants travaux d’extension et de réaménagement pour intégrer la marque que nous vendons toujours aujourd’hui», raconte Ernest Pirsch.
Cette belle histoire de famille, rythmée par les coups d’accélérateurs et les marches arrière, se poursuit aujourd’hui dans un contexte économique pour le moins complexe. «Le secteur automobile a toujours été confronté à des mutations technologiques. Comme il a fallu faire une place au diesel alors que toutes les voitures carburaient à l’essence, il faudra prendre le tournant de l’électrification. S’adapter aux évolutions du marché fait partie de la vie d’entrepreneur», considère Ernest Pirsch. Cette leçon, il l’a apprise dans sa vie «associative», au contact de chefs d’entreprise de tous secteurs.
L’entrepreneur engagé
Grâce à sa double casquette, le licencié en droit amoureux d’automobile entre au service de sa profession. À peine deux ans après avoir quitté l’université et rejoint l’entreprise familiale, il est approché par la Fédération des garagistes du Grand-Duché de Luxembourg (Fegarlux) pour ses connaissances en droit. «J’ai été sollicité par la Fegarlux qui se posait certaines questions relatives à un règlement européen. J’ai trouvé le dossier intéressant et, surtout, il m’a semblé important qu’une instance comme celle-ci défende notre cause. Lorsqu’on m’a proposé de l’intégrer, j’ai d’emblée accepté», explique Ernest Pirsch. De membre du comité, il gravit les échelons de la Fédération devenant successivement trésorier puis vice-président avant d’en prendre la présidence en 2004.
Après douze années à sa tête, il contribue à la fondation de la House of Automobile, une asbl qui rassemble sous le même toit l’ensemble des acteurs de la filière automobile, à savoir les distributeurs, les professionnels du leasing, et les constructeurs et importateurs. «L’économie est en constante évolution et les discussions autour de la réduction des émissions de gaz à effet de serre représentent un défi majeur pour notre secteur. Nous nous sommes dit qu’il était temps de s’unir et de suivre une ligne commune afin d’apparaître comme un interlocuteur sérieux qui puisse non seulement accompagner le changement mais aussi faire valoir ses propres positions au niveau politique. Pour moi, il est d’une nécessité absolue que quelques-uns s’investissent pour défendre les causes du secteur car chaque action du gouvernement, des administrations ou même de nos fournisseurs a des répercussions directes sur l’exploitation journalière de nos entreprises», expose celui qui, quatre ans durant, prêtera sa voix à l’asbl pour s’en faire le porte-parole.
Fort de cette conviction, il s’investit également dans la Fédération des Artisans. Pendant quatre ans, il y représente les métiers de la mécanique avant de briguer le poste de vice-président qu’il occupera pendant huit ans, jusqu’à ce qu’il advienne inopinément à la présidence lorsque Michel Reckinger, qui campait alors la fonction, quitte son siège pour la présidence de l’Union des Entreprises Luxembourgeoises (UEL). «Connaissant bien les dossiers en cours, j’ai été sollicité pour lui succéder. Unique candidat, j’ai repris le mandat de mon prédécesseur le 1er juillet, pour deux ans… avant les prochaines élections», explique le président fraîchement élu. Une succession qui survient à mi-mandat, sur fond de pandémie, Ernest Pirsch l’admet «ce n’est pas une situation des plus propices tant il y a de dossiers en cours et de problèmes à régler». En effet, dans l’artisanat, la crise sanitaire est lourde de conséquences pour la trésorerie et la productivité des entreprises auxquelles s’ajoute le lot de défis que soulèvent les transitions digitales et environnementales et la hausse des prix des loyers. «Les challenges et les investissements à prévoir sont tels qu’il nous faut un cadre légal qui permette à l’artisanat, déjà affaibli par la crise, de supporter financièrement cette transition. Si nous sommes en échange constant avec les politiques, c’est pour trouver les solutions qui nous permettrons de la financer tout en assurant la survie de nos entreprises et le maintien de l’emploi», affirme le nouveau président. Parmi les autres dossiers qui s’empilent sur son bureau, celui de la formation pèse lui aussi de tout son poids sur l’artisanat. Si les métiers évoluent rapidement, la main-d’œuvre qualifiée, elle, se fait de plus en plus rare. Fortement préoccupée par la situation, la Fédération a ouvert deux centres de formation, l’un dédié au génie technique et l’autre au parachèvement, où quelque 5.000 personnes par an suivent des formations adaptées à l’évolution des besoins du marché.
Bien que vastes, les défis qui l’attendent n’intimident pas le nouveau président. «Tant que l’on aura besoin de moi, je serai prêt à m’investir pour la Fédération», exprime-t-il avec son engagement sans faille. L’avenir, il l’envisage aussi et surtout dans la concession familiale: «Il s’agit de mon premier et, je l’espère, de mon dernier emploi», confie-t-il. Père de deux filles dont il soutiendra les choix de vie et de carrière avec bienveillance, il se dirait fier de les voir reprendre le garage Pirsch. En attendant, Ernest Pirsch restera derrière son bureau de la route d’Esch avec sa sœur Tania ou, en vrai mordu d’automobile, derrière le volant du 4×4 qu’il aime piloter durant son temps libre.