Une vie de passionné, dévouée au football

Fervent amoureux d’un sport qui l’a façonné en tant qu’homme durant toute sa vie, Paul Philipp, président de la Fédération Luxembourgeoise de Football (FLF), porte un regard un brin nostalgique mais rempli d’espoir sur la situation actuelle du football et les valeurs qu’il véhicule. Guidé par une passion et une humilité qui l’animent depuis qu’un ballon lui est tombé entre les pieds, il se pose comme le garant d’un football sans artifice. Portrait d’une personnalité à la bonhommie communicative qui a toujours œuvré en faveur du football luxembourgeois, de son développement et de son rayonnement à l’international.

 

De l’Avenir Beggen au Standard de Liège en passant par l’Union saint-gilloise

«J’ai officiellement commencé à jouer au football à l’âge de dix ans avec une première licence à l’Avenir Beggen. À l’époque c’était l’âge minimal pour s’inscrire dans un club», se remémore Paul Philipp, actuel président de la Fédération Luxembourgeoise de Football. Officieusement, comme tous les gamins, il tapait déjà dans le ballon dans la rue. À seize ans seulement, le jeune milieu de terrain intègre l’équipe première et deux années plus tard, voilà qu’il remporte le championnat luxembourgeois et jouit déjà de quelques sélections avec l’équipe nationale. De quoi attirer les regards à l’étranger et notamment du côté belge. Nous sommes alors en 1968 et Paul Philipp s’apprête à découvrir un nouveau club à Bruxelles. «Malgré tout, je me devais de réussir ma dernière année d’école avant de passer de l’autre côté de la frontière. C’était la condition que mes parents avaient fixée pour mon transfert. Je me suis malheureusement planté et j’ai dû attendre l’année suivante pour enfin signer à l’Union saint-gilloise en première division belge», détaille-t-il.

Il portera les couleurs jaune et bleu durant cinq saisons avant de faire ses valises pour le Standard de Liège où il jouera entre 1974 et 1976. Il enfilera ensuite de nouveau le maillot de l’Union saint-gilloise durant quatre ans avant de bourlinguer du côté de Charleroi jusqu’en 1983 pour finalement revenir au club de ses débuts, à Beggen, en tant qu’entraîneur-joueur, puis de devenir sélectionneur du Luxembourg de 1985 à 2001.

 

«Depuis quand joue-t-on au foot au Luxembourg?»

L’homme aux 54 sélections a les yeux qui brillent lorsqu’il se replonge dans ses souvenirs et dans ses quelques anecdotes qui ont jonché une carrière à son image: celle d’un joueur, d’un entraîneur et d’un dirigeant animé par l’esprit collectif et l’amour du ballon rond. En sélection de 1968 à 1982, Paul Philipp a eu l’occasion de découvrir les plus prestigieux stades d’Europe ainsi que les grands joueurs qui ont marqué les années 1970. «Le batave Johann Cruyff, que l’on surnommait le «Hollandais volant», était un joueur incroyable. C’est lui qui m’a le plus marqué sur le terrain. Je ne voyais que son dos et son numéro de maillot tellement il était talentueux, hors norme et toujours en avance par rapport aux autres», plaisante Paul Philipp.

Dans ces mêmes années, si quelques joueurs luxembourgeois, tels que Nico Braun, Fernand Jeitz ou encore Johnny Leonard, se font un nom chez les spécialistes, force est de constater que le Grand-Duché n’était pas considéré comme une nation de football. «Durant la saison 1974-1975, lors de ma première année au Standard de Liège, j’ai travaillé avec l’entraîneur hollandais Cor Van Der Hart. À son arrivée, tous les joueurs se sont mis en rang devant lui et le délégué a présenté chacun d’entre eux. À ce dernier, j’ai demandé de ne pas dévoiler que j’étais Luxembourgeois… Il l’a bien évidemment dit au coach (rires). L’entraîneur a alors fait un pas en avant, puis est revenu vers moi, ni une ni deux, en me lançant perplexe: «depuis quand joue-t-on au foot au Luxembourg?», alors que j’arpentais déjà les terrains de première division belge depuis cinq ans», sourit le natif de Dommeldange.

 

Une expérience à l’étranger payante pour développer le football luxembourgeois

Président de la Fédération Luxembourgeoise de Football depuis février 2004, Paul Philipp s’est dépensé sans compter pour apporter une réponse forte à cette légère pointe d’ironie. Sa riche expérience à l’étranger en tant que joueur et ensuite en tant que sélectionneur, lui a permis de pointer les quelques failles qui empêchaient d’améliorer le développement du football au Grand-Duché. «Dès mon arrivée à la tête de la Fédération, j’ai constitué une équipe pour m’entourer. Une seule personne ne peut pas être spécialiste de la formation, des aspects juridiques, de la communication ou encore de la finance. La présidence, certains la voient comme une opportunité de rebondir ailleurs et d’entamer une carrière politique dans les instances européennes ou mondiales du football. Je ne suis pas de ceux-là. Si j’ai été élu, c’est uniquement pour développer le football luxembourgeois», affirme l’ancien joueur de Beggen.

Animé par sa passion, Paul Philipp se rend tous les jours au siège. Les terrains ne l’ont jamais quitté et vice versa. «Nous avons établi d’autres statuts et unifié la Fédération, ici à Limpach, avec de nouvelles infrastructures, des terrains synthétiques et surtout un dôme couvert pour continuer à pratiquer le ballon rond même en hiver, lorsque les conditions climatiques sont inadéquates. Nous avons également construit une école de football il y a douze ans. C’était un investissement colossal qui représentait environ un quart de notre budget mais celui-ci était nécessaire. L’idée est de pouvoir préformer des jeunes. Cela permet de constituer un vivier de joueurs nationaux solide, d’exporter ces talents dans les grands championnats étrangers et de nouer des collaborations avec certains clubs comme le FSV Mainz en Bundesliga, où trois Luxembourgeois se trouvent déjà dans l’effectif, ou le FC Metz en Ligue 1. Ce n’est qu’en côtoyant le haut niveau que l’on progresse et c’est dans cette optique que nous avons créé cette école de football. À terme, l’équipe nationale pourra être plus compétitive», précise l’homme de 70 ans. Il suffit de jeter un œil sur les récents résultats face à l’Irlande ou il y a quelques années face à la France pour constater les nets progrès de l’équipe dirigée par le sélectionneur Luc Holtz. La sélection nationale disposera, en plus, d’une belle vitrine avec le nouveau stade qui devrait être inauguré en septembre prochain face à l’Azerbaïdjan.

 

«Ce serait la mort du football»

La démarche est calme, assurée et surtout rassurante lorsque Paul Philipp arpente les infrastructures modernes de la FLF. Avec 40.000 licenciés et plus d’une centaine de clubs, le football fait partie des sports les plus populaires au Grand-Duché mais n’a pas été épargné par l’épidémie de Covid-19. Malgré tout, les sponsors n’ont pas lâché la Fédération et même si les pertes financières ont tout de même affecté l’instance nationale, le patron du football grand-ducal regrette notamment que les jeunes n’aient pas pu jouer plus rapidement. S’il ne renie pas l’importance de l’argent, il promeut d’abord la pureté de son sport et de ses valeurs, comme un pied de nez au «foot business» et à ses agents. «L’argent doit rester dans le football et doit ruisseler jusqu’aux plus petits clubs. Cela m’affecte et je suis un peu nostalgique lorsque je vois le concept de la Superligue[1] sorti en avril dernier et heureusement avorté ou encore le projet de la Bénélux Ligue. Ce serait la mort du football et de son essence même. Je suis très content de voir les réactions des supporters qui ont manifesté et qui ont tout de même toujours leur mot à dire lorsque certaines décisions dénaturent le football. En effet, ce sont eux aussi qui font vivre notre sport et son esprit à travers le monde», estime Paul Philipp.

 

Un facteur d’intégration et d’inclusion aux échelles communale et nationale

Selon lui, la popularité du football luxembourgeois passe d’abord par la formation car le règlement stipule qu’une équipe de seniors peut valablement disputer un match officiel si au moins sept joueurs ayant souscrit leur première licence de joueur auprès de la FLF figurent sur la feuille de match. «De plus, les supporters aiment s’identifier aux joueurs sur la durée. Et puis, nous devons garder les pieds sur terre. Le Luxembourg est un petit pays, et à l’heure actuelle, nous ne pouvons pas nous permettre de professionnaliser notre première division, la BGL Ligue, avec les conditions contraignantes qui y sont inhérentes. Le marché ne le permet pas d’un point de vue financier mais cela n’empêche pas d’avoir quelques clubs professionnels», explique Paul Philipp.

Les joueurs aussi ont forcément beaucoup changé depuis de nombreuses années. Le Luxembourg est aujourd’hui un pays multiculturel qui rassemble des dizaines de nationalités. «Le football est un outil formidable d’intégration à l’échelle locale mais aussi nationale. Je me fais même reprendre par des gamins d’origines étrangères qui insistent pour que je leur parle en luxembourgeois! Chaque pays a sa culture et nous sommes gagnants lorsque des joueurs issus de l’immigration portent nos couleurs ou représentent notre championnat lors des compétitions continentales en club», se réjouit un Paul Philipp qui n’oublie pas non plus les efforts consentis par l’UEFA pour le Luxembourg et ses communes. L’instance européenne avait notamment offert son aide aux communes et à la Fédération pour construire des terrains multisports destinés aux enfants. «C’est un très beau geste vis-à-vis de la grande famille que représente le football».

C’est justement cet esprit familial qui transpire chez Paul Philipp. Sa vision du football est celle que l’on voit sur les terrains du monde entier, où l’innocence prime sur le business, loin des joutes concernant l’obtention des droits de télévision pour diffuser tel championnat ou telle compétition. Paul Philipp est plus qu’une figure. Il est un certain garant du football «à l’ancienne», de l’esprit de camaraderie, de valeurs fortes, de solidarité et surtout de passion.

 

 

 

[1] Une compétition sportive fermée entre les clubs de football les plus puissants du continent européen.

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