L’énergie, un avenir durable pour le Luxembourg
L’efficacité énergétique combinée à une gestion raisonnée et intelligente de l’espace, telle est la direction que semble prendre le Grand-Duché de Luxembourg pour lutter contre le réchauffement climatique. Claude Turmes, ministre de l’Energie et de l’Aménagement du territoire, revient sur les décisions de son ministère en matière d’énergies renouvelables et présente sa vision de la Smart City, inclusive et résiliente.
Quelles sont les initiatives mises en place au Luxembourg pour atteindre l’objectif de 25% d’utilisation d’énergies renouvelables en 2025?
Notre politique s’oriente vers plusieurs directions pour les énergies renouvelables. L’éolien d’abord car chaque grande éolienne a une puissance de 3.000 voire 4.000 kW, soit l’équivalent d’une surface de huit à dix hectares de panneaux photovoltaïques.
Le Luxembourg est aujourd’hui septième européen en termes de puissance photovoltaïque. A l’heure actuelle, nous produisons 130 gigawattheures d’énergie solaire et nous souhaitons atteindre 1.100 gigawattheures d’ici 2030. Nous avons ainsi modifié le règlement grand-ducal pour faciliter l’installation de panneaux solaires et lancé un appel d’offre pour la construction de parcs de plus grande envergure.
Mais d’autres sources d’énergie existent. Je pense par exemple à la biomasse bois ou encore au biogaz pour remplacer une partie du gaz fossile dans le réseau.
Le plan national énergie et climat vise, à l’horizon 2030, une réduction des gaz à effet de serre de 50 à 55% par rapport à 2005 alors que l’Union européenne mise sur baisse de 40%. Est-ce réalisable?
Ces objectifs européens ont été établis en 2014 avant les Accords de Paris sur le Climat. Depuis lors, le dernier rapport des scientifiques n’est plus en phase avec ces objectifs. Une réduction des gaz à effet de serre de 50% au niveau global est en effet nécessaire pour sauver notre planète. Cet objectif est ambitieux mais réaliste; le Luxembourg s’offre d’ailleurs les moyens de l’atteindre puisqu’il se positionne comme un pays test et modèle pour les solutions climats. De plus, notre place financière permet de soutenir les startups qui œuvrent dans ce sens.
Comment voyez-vous la ville de demain au Luxembourg de façon globale, mais aussi d’un point de vue énergétique?
La conception des villes de demain passe par une utilisation raisonnée de l’espace, car notre territoire est limité en termes de superficie. De plus, le Luxembourg connaît une forte croissance démographique. Il est donc nécessaire d’imaginer des quartiers de haute qualité bien desservis par les transports publics, avec des espaces verts et des zones de rencontre. Dans un pays aussi multiculturel que le nôtre, les espaces publics participent à l’intégration sociale. En ce sens, la transformation des friches industrielles en écoquartiers fait par exemple partie des objectifs du gouvernement. Nous souhaitons également créer un cercle vertueux qui s’appuie notamment sur le principe d’économie circulaire et qui participe à l’élaboration de la ville de demain. Ce concept est en partie lié à la construction durable. Chaque bâtiment doit être déconstructible et non plus démoli.
Le bâtiment – je n’ai pas envie de dire celui de demain, mais bien celui que l’on construit aujourd’hui – est très efficient à plusieurs niveaux: chauffage avec pompes à chaleur, panneaux photovoltaïques sur la toiture, isolation et ventilation optimales,…
D’un point de vue production énergétique, le photovoltaïque ou encore l’éolien seront primordiaux dans le futur. Le système électrique sera intelligent, notamment grâce à la digitalisation des processus. L’électromobilité prendra également une place importante dans les transports, qu’ils soient publics, de marchandises ou simplement individuels.
La thématique de l’énergie dans la Smart City impacte forcément les citoyens. Est-ce difficile de changer les mentalités? Comment le citoyen peut-il devenir acteur de ce changement de paradigme?
Le changement climatique est une problématique planétaire. Ce projet sociétal d’envergure qu’est la transition énergétique est l’affaire de tous. C’est aux femmes et hommes politiques d’aider le citoyen en lui offrant un cadre adéquat favorisant des initiatives plus durables par des subventions et des programmes ciblés. L’Etat se doit d’être un facilitateur. Il est impensable que celui qui veut nuire à la protection de l’environnement ait plus de droits que celui qui souhaite être vertueux!
Nous avons par exemple choisi d’investir massivement dans le transport public pour diminuer l’usage de la voiture. Nous souhaitons également modifier la loi dans les syndics de copropriété pour faciliter l’accès aux bornes de recharge et au photovoltaïque.
Il y a de l’espoir pour l’avenir, en témoigne la réaction positive des citoyens sur notre programme solaire. En quelques mois seulement, nous avons généré 50 mégawatts supplémentaires, c’est encourageant!
Quels seront les impacts des mesures énergétiques sur l’économie nationale?
Doit-on se tourner vers l’ancien ou le nouveau monde? Cette question est indispensable dans la politique actuelle. L’ancien monde, c’est le diesel pour les camions, les énergies fossiles,… Cette manne disparaîtra forcément au profit de l’électrique et d’autres technologies. Le Luxembourg, grâce à son université, sa recherche, sa place financière et son marché, peut devenir le pays des solutions pour le climat. Il sera donc important de gérer efficacement cette transition ces prochaines années car l’enjeu de notre économie se trouve dans ces domaines et ces innovations.