Quand l’expérience mène à la réussite

Luc Frieden

Ancien ministre CSV, avocat et partenaire de l’étude Elvinger Hoss Prussen, président du conseil d’administration de la BIL ainsi que de la Chambre de Commerce, Luc Frieden est une personnalité incontournable du monde politique et économique luxembourgeois. Son expérience parle d’elle-même…

 

Un parcours académique sans faute

Luc Frieden grandit entre Esch-sur-Alzette et Luxembourg. Aussi jeune soit-il, l’étudiant se passionne pour le droit, qu’il considère comme l’expression de choix politiques, ainsi que pour l’économie. C’est ainsi qu’attiré par les lumières de la capitale française, il s’installe dans un studio du XVe arrondissement, proche de la Sorbonne où il réalise ses études en droit des affaires. L’art de vivre parisien le séduit et il prend goût aux terrasses des cafés et à l’effervescence de cette grande ville.

L’obtention de son premier diplôme approchant, l’étudiant rêve ensuite d’accéder à Harvard. Bon élève, sa candidature est acceptée, mais la meilleure université du monde lui conseille d’obtenir au préalable un premier master, au vu de son jeune âge et de son manque d’expérience professionnelle. C’est ainsi qu’il franchira la manche pour réaliser une maîtrise de droit à Cambridge, en Angleterre.

Au terme de celle-ci, l’étudiant s’envole enfin pour les Etats-Unis: «Harvard est une école très exigeante. J’y ai fortement apprécié la qualité des cours dispensés par des intervenants de grande qualité, donnant à la théorie une dimension encore plus intéressante. Mais j’ai surtout aimé les rencontres que j’ai pu y faire. J’y ai lié des amitiés avec des étudiants particulièrement brillants, venant du monde entier. Nos échanges étaient motivants et nous poussaient à nous dépasser», raconte-t-il.

 

Entre droit et politique

De retour au Luxembourg, Luc Frieden se lance immédiatement dans la vie active en poursuivant son stage judiciaire au sein du cabinet Bonn & Schmitt. Pris sous l’aile d’Alex Bonn, son maître de stage, il peut échanger avec lui sur des questions liées aux droit public, constitutionnel et commercial. Dans un même temps, il est invité à s’inscrire sur la liste électorale de la circonscription centre du CSV pour les élections de 1994. «Ce parti m’attirait car il combinait à la fois l’économie de marché et un certain équilibre social, sans se focaliser, comme d’autres partis, sur l’une ou l’autre question», précise-t-il. A 30 ans seulement, il est ainsi élu député, fonction qu’il a combinée pendant quatre ans avec sa profession d’avocat. Lors des élections de 1998, il est pour la première fois élu au gouvernement et devient ministre de la Justice ainsi que du Trésor et du Budget; c’est alors qu’il renonce à toute autre fonction.

Le premier mandat du ministre de la Justice s’avère particulièrement difficile à gérer. En effet, les événements tragiques se produisant sur la scène internationale à cette époque touchent le Luxembourg, et plus particulièrement sa politique migratoire et de sécurité. L’ancien ministre en est resté très marqué: «La gestion d’un afflux immense de dossiers de demandeurs d’asile en provenance d’ex-Yougoslavie pendant la crise des Balkans a été humainement et politiquement difficile», il poursuit: «J’étais toujours ministre de la Justice au moment des attentats de 2001 à New-York, et donc en charge des questions de sécurité intérieure. Il s’agissait d’un moment-charnière pour définir les mesures à prendre en matière de sécurité en Europe».

 

La gestion d’une crise

Luc Frieden a fait partie de trois gouvernements Juncker successifs. Lors de son deuxième mandat, alors qu’il était ministre des Finances, une nouvelle crise éclate, mais de nature économique cette fois. Au cours de l’année 2007, la crise des subprimes secoue les Etats-Unis et sera suivie de près, en 2008, par la crise bancaire et financière qui connaîtra le retentissement à échelle mondiale que l’on connait. Et le Luxembourg n’y échappe pas… Luc Frieden se souvient «minute par minute» des décisions prises pendant la gestion de cette crise et du courage politique qu’elles ont nécessité: «Avec le recul, je peux affirmer qu’il s’agit des décisions les plus importantes et difficiles que j’ai dû prendre au cours de ma carrière politique. Notre objectif à l’époque était de préserver le système économique et social luxembourgeois; pour ce faire, nous avons sauvé les anciennes BIL et BGL et par là, l’argent des déposants. Nous ne savions pas quelle serait l’issue, mais j’étais convaincu dès le début de la nécessité de cet acte. Avec le recul, je pense avoir pris la bonne décision».

Luc Frieden revient avec une pointe de nostalgie sur ces trois mandats: «Si la place financière est aussi prospère aujourd’hui, c’est essentiellement dû au cadre que nous avons créé au cours des 20 dernières années pour son développement. En tant que ministre du Trésor puis des Finances, je suis fier d’avoir contribué de façon visible à la prospérité économique du Luxembourg».

 

Revers politique

Lors des élections de 2013, le politicien connait un nouveau succès en devenant le premier élu dans la circonscription centre. Mais cette victoire personnelle ne suffit pas et le CSV n’accède pas au pouvoir. Déboussolé par cette défaite à laquelle il ne s’attend pas, l’ancien ministre passe sur les bancs de l’opposition et devient député. Ce rôle d’observation ne lui convient pas et après avoir passé quinze années au gouvernement, l’ancien ministre a besoin de changement.

Il faut dire que les propositions affluent, et c’est celle du Deutsche Bank Group qui retient son attention. L’entreprise lui offre en effet le poste de vice-président dans leurs bureaux anglais: «Londres m’offrait un anonymat que je n’avais plus au Luxembourg depuis mon entrée au gouvernement. De plus, après une déception politique, cette opportunité m’a donné un nouveau souffle».

 

Retour aux sources

Toujours en poste à Londres, Luc Frieden se voit proposer la présidence du conseil d’administration de la BIL, à Luxembourg. «Présider une très ancienne banque luxembourgeoise m’est apparu comme un projet stimulant. La digitalisation, la concurrence des FinTechs, les taux d’intérêt bas sont autant de défis que nous relevons chaque jour, en redéfinissant le positionnement de la banque dans un environnement en perpétuel changement». L’homme d’affaires, qui semble apprécier les tâches ardues, a donc accompagné la banque avec succès dans ses dernières transitions, à savoir son rachat par le groupe Legend Holdings et son changement de direction il y a quelques mois.

En parallèle, Luc Frieden est revenu à ses premières ambitions professionnelles en intégrant le cabinet Elvinger Hoss Prussen. Son expérience dans le secteur financier y est devenue un véritable atout, puisque l’essentiel de son travail se concentre sur les conseils stratégiques qu’il donne aux entreprises concernant des sujets d’actualité comme le Brexit ou l’essor des FinTechs.

Si en janvier 2019 il envisage son retour en politique à l’occasion des élections européennes, une proposition vient chambouler ses plans. Traditionnellement présidée par un représentant de l’industrie, la Chambre de Commerce était à la recherche d’un nouveau candidat à ce poste. Au vu des changements à l’œuvre au sein de l’économie luxembourgeoise, le secteur financier et les organisations patronales suggèrent alors le nom de Luc Frieden. Cette proposition est soutenue à l’unanimité par tous les secteurs: «Contribuer au débat sur le développement économique et social à travers cette fonction sera pour moi une manière efficace de continuer à servir mon pays en dehors des institutions strictement politiques». Pour ce faire, ses priorités seront de «relever les défis liés à la digitalisation, aider les entreprises à se développer à l’international et assurer la formation continue de la main d’œuvre».

Quant à ses ambitions personnelles, le nouveau président de la Chambre de Commerce reste évasif. Conscient des changements à l’œuvre à tous les niveaux de la société, il aspire simplement à aider le pays à opérer ces transitions, comme il l’a déjà fait par le passé: «J’ai participé à la création du Luxembourg d’aujourd’hui et je suis très fier de ce que nous avons pu atteindre. Je voudrais à présent contribuer d’une autre manière à l’avenir du pays et également à celui d’une Europe en pleine redéfinition», conclut-il.

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