Un centre d’apprentissage biophilique face aux défis du développement durable
NAUTILUS ECO-RESORT, Philippines 2017
Un centre d’apprentissage biophilique face aux défis du développement durable
« zéro-émission, zéro-déchet, zéro-pauvreté »
1. LES PHILIPPINES, UN PAYS EN CRISE FACE AUX DEGRADATIONS ENVIRONNEMENTALES
Les mers des Philippines sont rudement menacées. La surpêche, le tourisme de masse, la pollution massive aux déchets plastiques et aux produits toxiques, ainsi que le changement climatique sont de véritables menaces pour la santé de l’archipel et, bien sûr, la survie de ses habitants.
Les coraux sont en train de mourir, les zones de mangroves sont en train d’être détruites, les herbiers marins sont étouffés par l’érosion et les populations vitales de poissons et d’autres espèces marines diminuent dangereusement.
Et pourtant, les Philippines avec ses 7 641 îles et îlots paradisiaques et ses 266 000 km² d’eaux côtières et de baies aux eaux turquoise constituent l’un des véritables sanctuaires de la biodiversité marine dans le monde au sommet du fameux « Triangle de Corail ».
En effet, ces mers abritent au moins cinq espèces de tortues marines, 28 mammifères marins, 168 poissons cartilagineux, 648 espèces de mollusques, 1 755 poissons associés aux récifs et 820 espèces d’algues
A quoi ressemblerait un tourisme résilient capable de revitaliser la symbiose entre les Hommes et l’environnement ? Comment accompagner avec humilité les populations locales à mettre en pratique des mesures urgentes pour instaurer des aires marines protégées de la pêche, pour les protéger des fortes inondations, des glissements de terrains et des typhons, pour rétablir la gestion des déchets et pour revitaliser leur biodiversité ? En bref, comment réconcilier l’aventure humaine avec l’ensemble du vivant ?
2. UN ÉCO-RESORT PIONNIER POUR TOURISTES ÉCORESPONSABLES, ÉTHIQUES ET SOLIDAIRES
Le tourisme est devenu la plus importante industrie au niveau international. Son potentiel à contribuer au développement durable est donc substantiel et il peut être réinventé. Depuis le début des années 80, l’écotourisme explore les pistes pour concilier le développement socioéconomique de nos sociétés et la protection de l’environnement.
Un pas plus loin, le projet Nautilus Eco-Resort est un concept de complexe écotouristique pionnier visant à unir le savoir de la communauté scientifique à la volonté d’agir des éco-touristes pour optimiser la revitalisation et la protection d’un écosystème dégradé tel qu’on peut en trouver aux Philippines. Basé sur le biomimétisme, les architectures de cet Eco-Resort sont inspirées, des formes, des structures, de l’intelligence des matériaux et des boucles de rétroactions qui existent chez les êtres vivants et les écosystèmes endémiques.
Ethique et éco-citoyen, l’Eco-Resort propose aux populations hôtes et aux voyageurs de s’impliquer activement auprès d’ingénieurs, de scientifiques et d’écologistes dans la sauvegarde de l’environnement qu’il veut faire découvrir.
Ce concept collaboratif propose donc un écotourisme responsable basé sur l’éducation et l’interprétation dans un environnement naturel où les ressources et le bien-être des populations locales sont à préserver et à restaurer progressivement dans une approche volontaire de « remboursement de la dette écologique ».
En minimisant son empreinte écologique, l’expérience est centrée sur la préservation de la nature et de l’écologie urbaine locale dans le respect des écosystèmes et des agrosystèmes endémiques.
Tout en revalorisant le patrimoine naturel et culturel, ce projet « zéro-émission, zéro-déchet, zéro-pauvreté » sera construit à 100% à partir de matériaux réutilisés et/ou recyclés provenant de l’archipel.
Autosuffisant en énergie et en denrée alimentaire, il palliera à ses besoins grâce aux énergies renouvelables et à la permaculture. Vers une politique zéro-déchet, il revalorisera systématiquement ses propres déchets en ressources.
A travers un processus de co-création, l’Eco-Resort contribuera au bien-être des communautés locales en les incluant dans sa planification, son développement et son exploitation.
Par crowdfunding, le projet générera des fonds pour la conservation du site auprès d’association de préservation de la faune et de la flore. Il supportera directement le développement économique local sous forme d’emplois et de revenus. Enfin, il favorisa le respect des différentes cultures de l’archipel.
C’est avant tout un projet d’échange et de transmission de gestes écologiques entre les autochtones et les allochtones. Il proposera aux écotouristes bénévoles de nettoyer les plages des déchets plastiques échoués, de mettre en place les dispositifs de recyclage « cradle to cradle », de s’initier à la permaculture, de protéger les cultures de coraux, de rétablir une pêche raisonnée permettant à la nature de se régénérer, ou encore de renforcer les protections naturelles contre les inondations.
3. UN DESIGN BIOPHILIQUE BASÉ SUR L’UPCYCLING ET LES ÉCO-MATERIAUX
Utiliser des déchets et des produits usagers pour fabriquer de nouveaux objets ou matériaux : tel est le concept « Upcycling » appliqué à ce projet. Dans cette démarche d’écologie industrielle et de logique économe « zéro-déchet », tout est transformé : chutes de production en série provenant des usines, déchets plastiques récupérés en mer, bouteilles en verre, déchets agricoles non-comestibles, ou encore carénage de vieux bateaux.
La notion de déchet est donc bannie au profit de la notion de cycle-fermé et d’économie circulaire.
Afin que le Nautilus Eco-Resort soit construit en parfaite harmonie avec le climat, l’esprit du lieu et de ses ressources, des matériaux biosourcés issus de la biomasse d’origine végétale seront adoptés comme par exemple : les co-produits de l’agriculture ou la laine de bois et de chanvre pour l’isolation thermique, les micro-algues et l’huile de lin pour la fabrication de carrelage organique, les essences de bois tropicaux locaux issus de forêts écoresponsables pour les pontons et les parquets.
Le végétal est au coeur du projet architectural, sa matière première, tout simplement car l’Homme a un besoin inné d’être constamment connecté à la Nature. Les cinq principes de conception biophilique appliqués au projet Natilus Eco-Resort sont ainsi les suivants :
• Renforcer le lien visuel avec la nature
• Miser sur la variabilité thermique et le renouvellement de l’air
• Profiter de la lumière dynamique et diffuse
• Multiplier les formes et motifs biomorphiques
• Optimiser le lien sensoriel avec des matériaux biosourcés
4. UN VILLAGE SUR PILOTIS EN DOUBLE SPIRALE D’OR ET À ÉNERGIE POSITIVE
L’objectif clairement défini dans la conception architecturale de cet Eco-Resort est de sélectionner avec soins le meilleur du Low-Tech et du High-Tech plutôt que de les opposer.
Lové au pied des collines dans un croissant de sable fin, l’Eco-Resort abrite piscines naturels et cascades de jardins verticaux.
Les deux entités architecturales principales – les hôtels en forme de coquillage et les tours d’appartements tournants – viennent s’enrouler le long de deux spirales d’or respectant la suite de Fibonacci, symbole d’équilibre et d’harmonie.
La hauteur de chaque bâtiment augmente au fur et à mesure de la circonvolution des deux pontons spiralés depuis l’îlot central accueillant sous sa grande toiture végétale le centre nautique et les laboratoires de recherche scientifique.
Le tout est dense pour mieux économiser le territoire et préserver les terres agricoles. On y accède principalement par voiliers ou par bateaux électriques à fond plat pour limiter l’empreinte écologique des infrastructures routières.
Ce village durable est construit sur des pilotis télescopiques qui produisent d’une part de l’énergie maréthermique en exploitant la différence de température entre les eaux de surface et les eaux profondes de la mer, et d’autre part de l’énergie marémotrice qui exploite les courants marins en énergie cinétique en les captant grâce à des hydroliennes. Frigories pour se rafraîchir et kilowatts pour s’éclairer sont ainsi produits par des sources renouvelables.
Les façades et les toitures allient quant à elles murs végétaux et cellules photovoltaïques pour augmenter l’inertie thermique du bâti, optimiser le rafraîchissement naturel et générer également de l’électricité.
Produisant plus d’énergie qu’il n’en consomme, l’Eco-Resort atteint ainsi un bilan énergétique positif. La plus-value d’énergie est ainsi redistribuée en temps réel via une mini smart-grid à la communauté autochtone la rendant ainsi autosuffisante.
Les eaux de pluie sont récupérées et les eaux grises sont biologiquement recyclées dans des lagunes de phyto-épuration bordant les jardins tandis que les déchets organiques sont recyclés en biomasse.
Chaque entité architecturale propose enfin une expérience spécifique :
• Les triskèles rotatifs : À l’est, 12 petites tours spiralées de hauteur variable invitent les voyageurs à vivre dans des appartements tournants sur leur axe et suivant la course du soleil. Répartis en trois branches, les 54 modules de trois unités d’habitation effectuent une rotation complète de 360 degrés en une journée. Les 162 appartements bénéficient ainsi de vues exceptionnelles pour contempler la nature. Les façades sont des surfaces réglées intégrant des rampes d’accès aux terrasses panoramiques. Le mat central intègre les circulations verticales et est recouvert de murs végétaux luxuriants. Au sommet, une toiture en triskèle également intègre des tubes solaires produisant de l’eau chaude et des pergolas photovoltaïques.
• Les coquillages végétalisés : A l’ouest, 12 petits hôtels-musées en forme d’escargot de mer semblent tout droit émergés des flots. Ils abritent aux étages bas des espaces d’exposition expliquant notamment les défis environnementaux et socio-culturels de l’archipel. Un moucharabieh structurel en bio-ciment se déploie en spirale tridimensionnelle pour y lover les fonctions programmatiques réparties en loges. Ce bio-ciment intègre des micro-organismes améliorant ses performances en induisant la précipitation des carbonates de calcium dans du béton recyclé comme le fait un vrai coquillage pour former son exosquelette. Ces 12 nautiles habités présente au final une coque auto-stable recouverte des essences végétales à protéger sur l’île. Leurs deux ouvertures forment des entonnoirs et sont fermées par des murs rideaux intégrant des cellules de silicium en imposte et des balcons végétalisés en cascade.
• Les pétales et les coraux : Ponctuant les deux grands quais en spirale d’or, des petits pavillons aux formes organiques et quasi-maternelles invitent les écotouristes à se restaurer et à se relaxer le long de l’eau. Les « pétales » sont recouverts d’une toiture hyperbolique végétalisée tandis que les « coraux » présentent une géométrie inspirée d’une surface d’Enneper à triple révolution effaçant toute limite entre l’intérieur et l’extérieur. Depuis chacun de ses 22 pavillons, les scientifiques accèdent aux bassins de pisciculture et de culture des coraux visant la réintégration de la faune et de la flore marine menacée en milieu naturel.
• La montagne en origami : Au centre de la lagune, le centre de recherche scientifique et la base de loisirs nautiques sont implantés sous une charpente en CLT (Cross Laminated Timber). Celle-ci est recouverte à 360 degrés de rampes ondulantes se dépliant tel un origami géant. Sur cette toiture se déploie de véritables potagers et vergers biologiques alimentant en circuit court les cuisines des restaurants de l’Eco-Resort. L’architecture se fait furtive et se confond avec les collines avoisinantes. Cette montagne artificielle dispose d’une piscine sportive et d’une piscine de loisirs à l’eau de mer entourée de tous les laboratoires scientifiques afin de multiplier les échanges entre les chercheurs et les écotouristes. Elle accueille aussi une école élémentaire, un foyer pour enfants et des salles de sports mises à disposition de la jeunesse locale.
Dans un monde qui se rétrécit, le projet Nautilus Eco-Resort veut agrandir durablement le champ d’action d’un éco-tourisme triple-zéro : « zéro-émission, zéro-déchet, zéro pauvreté ». Découvrir le monde sans le dénaturer. Revitaliser les écosystèmes au lieu de les appauvrir et de les polluer. Participer activement à la restauration du patrimoine culturel. Echanger sans arrogance et s’enrichir auprès des communautés locales en se transmettant mutuellement les comportements éco-responsables.
Dans les années à venir, le rapport que nous déciderons d’entretenir avec la nature conditionnera la pérennité des Homo-Sapiens que nous sommes. Dans cette optique, le Nautilus Eco-Resort est résolument un concept engagé de résilience environnementale militant pour un nouveau système social qui se préoccupe de la santé humaine et de la planète !
Copyright : Vincent Callebaut Architectures, Paris