L’innovation pour relever les défis économiques de demain
Les effets de la dernière crise financière s’effacent peu à peu et laissent place à des perspectives économiques mondiales plus optimismes. Pour autant, la pérennité de la croissance économique reste un enjeu crucial, en Europe comme au Luxembourg. Ce sujet a été au cœur de la Journée de l’Economie du 22 mars dernier, organisée par le gouvernement luxembourgeois (ministère de l’Economie) en partenariat avec la Chambre de Commerce et la FEDIL – The Voice of Luxembourg’s Industry et en collaboration avec PwC Luxembourg. Philippe Pierre, associé en charge du secteur public à Luxembourg et responsable mondial Institutions européennes chez PwC et François Mousel, associé chez PwC Luxembourg et modérateur lors de la Journée de l’Economie, reviennent sur le rôle du secteur public sur le développement d’une croissance économique axée sur l’innovation.
L’un des défis majeurs du XXIe siècle est de réussir à générer une croissance économique durable. À l’ère digitale, l’Etat a tout intérêt à encourager l’innovation pour relever les défis sociétaux et technologiques actuels. Quelle relation le secteur public entretient-il avec l’innovation?
PP: Si la nécessité d’innover va de soi dans le secteur privé, cette démarche n’a pas toujours été aussi limpide dans le secteur public. Toutefois, on remarque que la digitalisation sans précédent de l’économie toute entière a poussé les gouvernements à introduire l’innovation dans leurs politiques publiques, car elle constitue un levier de croissance économique certain. L’OCDE a à ce titre lancé il y a quelques années l’OPSI (the Observatory of Public Sector Innovation) afin de collecter et analyser des exemples de politiques d’innovation dans le secteur public et de conseiller les pays qui souhaiteraient s’engager dans cette démarche. L’innovation est donc clairement à l’agenda des gouvernements.
FM: L’opposition entre secteur public et privé a toujours existé, et est d’autant plus marquée lorsqu’elle concerne l’innovation. Les gouvernements ont souvent été perçus comme un frein à l’innovation. Or, l’Etat a bien souvent soutenu l’innovation plus qu’il ne l’a combattue! Beaucoup de technologies qui font partie de notre vie quotidienne ont été financées par le secteur public. Prenons pour exemple Internet: saviez-vous qu’il a été créé par la DARPA, une agence du département de la Défense des États-Unis? Au final, l’Etat contribue à dessiner les marchés de demain. Pour continuer à favoriser l’innovation dans nos sociétés, les synergies entre le secteur public et le secteur privé sont donc nécessaires car elles permettront de générer une croissance économique sur le long terme.
Quid du Luxembourg, où le secteur des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) constitue de plus en plus le fer de lance de l’économie du pays?
PP: Le Luxembourg a entamé depuis quelques années un processus de diversification de son économie. Dans un contexte de digitalisation constante de notre société, le gouvernement a choisi de développer le secteur des technologies de l’information et de la communication à travers l’initiative «Digital Lëtzebuerg», qui permettra à terme de positionner le Grand-Duché en tant que smart nation. Le service public est bien sûr concerné par cette initiative. Des efforts conséquents ont été réalisés en termes de modernisation et de simplification des démarches administratives. Je fais notamment référence au programme «Einfach Lëtzebuerg», qui vise à rendre les démarches administratives des citoyens et des entreprises plus claires et plus faciles d’accès.
FM: Même si nous ne sommes pas totalement sûrs que ces nouvelles technologies seront à l’origine de gains significatifs en productivité, il est raisonnable de s’attendre à ce que les innovations mises en place par l’Etat auront des retombées positives à long terme et aideront à répondre aux contraintes de mobilité et d’infrastructures qui touchent le pays suite à une période prolongée de croissance «extensive», c’est-à-dire basée sur une augmentation constante de la main d’œuvre, notamment des frontaliers.
Justement, le Luxembourg fait face à des défis de mobilité et à une pression démographique en constante augmentation. Quel rôle l’innovation peut jouer pour aider le pays à relever ces enjeux de taille?
FM: La situation économique luxembourgeoise est particulière comparée aux autres pays européens. La main d’œuvre de travailleurs frontaliers y est considérable (on en dénombre près de 180 000). Cet afflux de frontaliers entraîne des problématiques de mobilité de plus en plus importantes, qui sont aussi dues au fait que nos infrastructures n’ont pas été assez développées. Selon moi, l’innovation peut apporter une réponse à ces défis et notre pays gagnerait à développer davantage de solutions de mobilité alternatives. Le secteur privé aura du mal à développer seul ces solutions pour des questions de profitabilité, mais l’Etat aura à y gagner, car des solutions de «smart mobility» seront très probablement moins coûteuses que les transports publics actuels.
PP: En 2015, la Commission européenne a initié le projet «Digital Pole» dans le but de développer un hub digital au Grand-Duché mais aussi de renforcer la coopération avec les autorités luxembourgeoises. Depuis le Luxembourg, ce pôle digital visera à promouvoir et intégrer l’innovation en Europe, et soutiendra plus particulièrement le développement d’infrastructures digitales, comme les data centres ou encore la robotique. Ce projet européen vient renforcer les initiatives nationales prises par le gouvernement luxembourgeois en terme de numérisation de l’économie, et qui sont intégrées au sein du programme «Digital Luxembourg». Un exemple qui traduit bien la volonté de nos institutions européennes et luxembourgeoises de mettre l’innovation au service des problématiques publiques actuelles pour pouvoir anticiper les défis de demain.