"Le Luxembourg, acteur global au centre de l’Europe"

PwC Luxembourg

Le Luxembourg a l’ambition de se positionner comme un acteur de premier plan sur la scène internationale. Les institutions publiques luxembourgeoises jouent un rôle moteur dans le développement économique local mais aussi à un échelon international. «Si les acteurs privés composent et dynamisent l’écosystème, les institutions publiques et parapubliques assument leur rôle en développant des politiques publiques ambitieuses, tout en adoptant une démarche pragmatique. Il en est de même pour les institutions internationales et européennes qui façonnent de plus en plus notre agenda économique». Interview de Philippe Pierre, associé en charge du secteur public chez PwC Luxembourg et responsable mondial Institutions européennes du réseau PwC.

Quelle est la place du Luxembourg sur la scène internationale et comment bénéficie-t-elle à l’économie locale?
Si le Luxembourg se situe au cœur de la Grande Région, son rayonnement s’étend néanmoins bien au-delà puisque de plus en plus de centres européens sont influencés par des décisions prises par des institutions européennes implantées pour certaines au Grand-Duché. Je prends pour exemples les politiques d’aides à l’investissement et à l’innovation que la Banque Européenne d’Investissement met en œuvre ou encore la Cour de justice de l’Union européenne dont les décisions font souvent office de jurisprudence.
De manière plus tangible, on peut se féliciter de certaines décisions d’investissement et d’implantation telles que le «Digital Pole», le High Performance Computing (HPC), Digital Embassy ou encore Amazon et Google qui mises bout à bout propulsent le Grand-Duché comme centre européen de l’économie digitale.
La notoriété économique du Grand-Duché varie quant à elle selon les secteurs d’activités. Notre pays est le premier centre européen en matière de fonds d’investissements et le deuxième au niveau mondial, connu de San Francisco et New-York à Singapour et Hongkong. Dans d’autres secteurs comme les nouvelles technologies et la cybersécurité, notre notoriété n’est par contre pas encore à la hauteur de nos ambitions et les acteurs publics et privés ont là toutes leurs cartes à jouer.
 
Un mot sur l’importance des politiques et de leurs politiques sur la marque «Luxembourg»…
Nos dirigeants ont une vision claire pour le pays et ils s’emploient à développer sa notoriété à l’international. Ils sont à l’écoute des tendances du marché ainsi que des acteurs privés.  Les autorités ne se limitent pas seulement à la régulation mais stimulent et accompagnent également. C’est un juste équilibre entre une vision pour le pays, le respect des règles internationales et l’innovation.
Dans un environnement de plus en plus régulé, le respect des règles internationales est une force qui participe aussi à l’attractivité du pays. Comme le démontre l’arrivée récente de plusieurs banques chinoises ou d’assureurs en partance de Londres, le Luxembourg a réussi à se positionner comme porte d’entrée du marché européen pour les sociétés étrangères.

Qu’en est-il de la diversification de l’économie lorsque le secteur financier pèse toujours 20% du PIB national en comparaison des 6% de l’ICT et des 10% du bâtiment?
Cette ambition politique remonte à une quinzaine d’années déjà et la crise financière a fait office d’accélérateur. S’il est vrai que le secteur financier continue de jouer un rôle considérable dans l’économie nationale, il est aussi un moteur pour d’autres secteurs, comparé à d’autres régions en Europe qui sont bien plus dépendantes d’un seul et unique secteur.
Pour bénéficier d’une notoriété à l’échelle internationale, il faut au préalable pouvoir atteindre une certaine taille critique. Aujourd’hui, la place financière reste le moteur de l’économie nationale – c’est un atout –  et il bénéficie à d’autres secteurs comme l’ICT avec les FinTechs, celui des services et même la construction et la logistique. Si l’avenir verra l’échiquier bouger, il serait pourtant utopique d’imaginer que d’autres secteurs puissent atteindre une taille équivalente à brève échéance; l’équilibre des forces s’installera avec le temps.
 
Quels sont les secteurs d’avenir qui devront être soutenus afin d’assurer notre compétitivité?
Nous le savons, les économies européennes se développent toujours plus autour des services et de nombreux économistes tiennent les technologies disruptives comme fondamentales. Je prends pour exemples les FinTechs, la Blockchain, Internet of Things (IoT), Open Data ou l’Intelligence Artificielle (AI) qui apportent une valeur ajoutée dans de nombreux domaines et qui sont aujourd’hui devenues des technologies tangibles et exploitables. De nombreuses entreprises ont par exemple déjà intégré à leurs processus de fonctionnement l’intelligence artificielle; tout le défi pour le Luxembourg est de capter ces technologies novatrices dès leur conception afin de les exploiter dans l’économie réelle, et de les mettre aux services des entreprises et citoyens luxembourgeois.
Bien évidemment, il faudra aussi se poser la question du financement du capital-risque qui ne pourra pas être uniquement soutenu par le secteur privé. Ce n’est pas dans la culture d’une entité publique que de mettre des fonds à disposition d’innovations émergentes considérées comme trop risquées mais il en va pourtant de notre capacité à développer les technologies, applications et services de demain. Aujourd’hui les investissements dans la recherche et le développement sont une priorité car ce sont aussi des facteurs d’attractivité.

Qu’en est-il de la digitalisation de l’administration?
En comparaison avec certains pays membres de l’UE, force est de constater que l’on peut mieux faire même s’il y a eu des progrès en la matière ces dernières années. Au regard des services aux citoyens qui ne sont pas encore suffisamment digitalisés (et je pense tout particulièrement à la collecte des impôts ou à de nombreux services dans la sécurité sociale), nous ne sommes pas vraiment en avance sur notre temps.
Le point positif est que nous sommes dotés d’infrastructures de connectivité très performantes avec des réseaux de télécommunications, de fibres optiques et des centres de données de classe mondiale. Ces forces relèvent d’investissements directs ou indirects de l’Etat avec de grands groupes comme POST, RTL ou LuxConnect qui se sont beaucoup développés ces dernières années.
 
Vous partagez donc l’avis du prospectiviste Jeremy Rifkin, selon lequel la Troisième Révolution Industrielle reste un objectif à atteindre…
Je pense en effet qu’il s’agit d’un projet à réaliser et ce qui m’interpelle le plus, ce sont les changements fondamentaux que cette révolution nécessite. Les acteurs économiques d’aujourd’hui vont devoir mettre en œuvre des disruptions technologiques et conceptuelles de grande ampleur pour réussir le pari d’une économie circulaire et collaborative.
La Troisième Révolution Industrielle est le travail d’une génération entière et si beaucoup reste à faire, la vitesse de son avènement dépendra de notre capacité à anticiper les compétences techniques, entrepreneuriales et intellectuelles de demain, et tout cela grâce à des politiques publiques et investissements le permettant. Je pense que l’Etat a son rôle à jouer dans l’innovation ainsi que le développement et l’adoption de technologies de rupture: elles constituent en grande partie le moteur de notre croissance économique à long terme!

Journée de l’Economie – 22 mars 2018: innovation, croissance et prospérité dans un monde en mutation
Le gouvernement luxembourgeois (ministère de l’Economie) en partenariat avec la Chambre de Commerce et la FEDIL et en collaboration avec PwC Luxembourg, organise le 22 mars prochain sa douzième Journée de l’Economie (conférence en anglais).
Ce rendez-vous annuel sera l’occasion d’échanger sur les enjeux qui affectent la croissance économique à l’échelle mondiale et au Luxembourg, si et comment nous pouvons atteindre une croissance économique continue, quels seront les moteurs de cette croissance et le rôle joué par les nouvelles technologies.
Plusieurs intervenants de renom partageront leur vision sur ce sujet, dont Mariana Mazzucato (Professeur en Economie de l’Innovation et directrice de l’Institut Innovation and Public Purpose, University College London (UCL), et auteur du livre The Entrepreneurial State) et Marcel Fratzscher (Président du DIW Berlin (Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung), Professeur de macroéconomie et de finance à l’université Humboldt de Berlin).
 

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